Loi 15 : le comité de mobilisation pour un nouvel hôpital fonde peu d’espoir sur l’étude d’opportunité

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Par Cynthia Martel
Loi 15 : le comité de mobilisation pour un nouvel hôpital fonde peu d’espoir sur l’étude d’opportunité
Dr René Roux, président du Comité pour un nouvel hôpital à Drummondville, Dr Steven Miller, Dr Benoit Gervais, et Dr Daniel Carrier. (Photo : Ghyslain Bergeron)

SANTÉ. Le Comité de mobilisation médicale et citoyenne pour un nouvel hôpital voit d’un très mauvais œil la loi 15 visant à réformer le réseau de la santé. Les membres s’attendent à une détérioration «progressive» des soins et services. Ils vont même jusqu’à affirmer, malgré eux, qu’elle freinera le projet du futur centre hospitalier.   

Le projet de loi 15 a été adopté sous bâillon le 9 décembre dernier provoquant de vives réactions de toutes parts. Pierre Levasseur et le Dr René Roux, président du comité de mobilisation, tenaient à rencontrer L’Express afin de partager leurs observations et inquiétudes quant à la suite des choses. Ils ont également présenté leurs recommandations issues de leur mémoire de 90 pages qu’ils ont déposé dans le cadre de cette réforme.

Dans une lettre adressée à l’ensemble des employés du réseau et du ministère de la Santé et des Services sociaux – dont M. Levasseur a obtenu copie – le ministre Christian Dubé écrit : «Cette loi nous permettra notamment d’effectuer un réel changement de culture au sein de notre réseau».

Parmi les grandes modifications, Pierre Levasseur tient à souligner à grand trait que les Québécois pourront se faire soigner partout, peu importe leur code postal, et se faire offrir une autre option vers une autre région ou le réseau privé (gratuitement) lorsque les délais sont jugés déraisonnables.

«Ça nous inquiète cet élément, car déjà, il y a un nombre croissant de Drummondvillois qui sont dirigés vers Trois-Rivières ou ailleurs pour recevoir des services spécifiques. On ne veut pas que cette loi ait comme incidence la fermeture graduelle de plusieurs services à Drummondville, mais force est d’admettre qu’on doit s’attendre à ça», exprime M. Levasseur.

Pierre Levasseur (Photo d’archives Ghyslain Bergeron)

«Je pense que d’avoir une accessibilité aux services partout, c’est bien, mais en même temps, il faut assurer à 100 % aux gens ce qu’on appelle des services de proximité», estime le Dr Roux.

D’autre part, Santé Québec deviendra l’employeur unique du réseau. Cela permettra aux employés de se déplacer volontairement vers un autre établissement tout en conservant leur ancienneté. MM. Levasseur et Roux craignent une désertion des infirmières et des médecins.

«L’hôpital Sainte-Croix, de par sa désuétude, n’est pas un milieu attractif à la base. Avec cette mesure, on craint bien que plusieurs infirmières vont partir pour aller ailleurs. Et quand celles-ci s’en vont, les médecins suivent. Conséquemment, cet exode entraînera une diminution des services. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour les citoyens, mais économiquement parlant aussi. Car de plus en plus, avec l’embauche de travailleurs étrangers, les entreprises recherchent un milieu qui assure un éventail de soins et services complet et de qualité. Il faut absolument trouver des mesures compensatoires pour Drummondville, sinon on va déshabiller Paul pour habiller Jacques», soutiennent les deux représentants.

Tous ces éléments font croire à MM. Levasseur et Roux que le gouvernement, malgré sa promesse, ne réalisera pas d’étude d’opportunité dans ce présent mandat.

«Si on regarde les cinq prochaines années de façon réaliste, notre force, soit notre position géographique, va devenir notre faiblesse. Les citoyens et le personnel pourront facilement aller à Trois-Rivières, à Victoriaville, à Sherbrooke, etc. C’est ce qui m’amène à dire qu’il n’y aura pas d’annonce d’un nouvel hôpital dans ce mandat-ci. Je suis sûr, sûr, sûr! En d’autres mots, plutôt que de mettre de l’argent dans de nouvelles structures, le ministre mise sur le déplacement des citoyens et du personnel», affirme Pierre Levasseur, lequel a été directeur général de l’hôpital Sainte-Croix de 1997 à 2004.

Leurs recommandations

Comme des dizaines d’individus et d’organismes, MM Levasseur et Roux ont déposé un mémoire dans le cadre du projet de loi 15. Ceux-ci déplorent le fait que le ministre s’est empressé d’adopter sous bâillon le projet de loi sans considérer toutes les préoccupations et recommandations de ces gens.

On le sait, le deuxième cheval de bataille du comité de mobilisation médicale et citoyenne constitue la reconnaissance du Centre-du-Québec comme région sociosanitaire. Ce sujet est d’ailleurs bien mis en évidence dans le document de 90 pages. Les membres ne manquent pas de rappeler la promesse de François Legault faite en septembre 2018 à Drummondville, lors des élections, soit de faire du Centre-du-Québec une région distincte.

«C’était aussi la priorité numéro un d’André Lamontagne le soir de sa réélection», se remémore le Dr Roux, indiquant que la loi 15 constitue «une étape de plus vers la centralisation ses soins et services».

Les deux acolytes soulignent que malgré différents rapports, la dépendance de cette région envers la Mauricie pour les soins et services crée des iniquités persistantes. À titre d’exemple, en Mauricie, il y a un lit de courte durée pour 391 personnes tandis qu’au Centre-du-Québec, le rapport est d’un lit pour 608 usagers. La répartition des médecins est également inéquitable : on en compte 703 de l’autre côté du fleuve comparativement à 399 ici.

M. Levasseur croit que la population du Centre-du-Québec est mature et prête à se détacher de ses voisins.

«La Mauricie a besoin du Centre-du-Québec pour survivre, mais pas l’inverse. Ce n’est pas nécessairement mal intentionné de la part du CIUSSS, mais ils ont reçu un cadeau qu’ils doivent faire vivre et pour se faire, ils ont besoin de prendre de l’argent qui revient au Centre-du-Québec pour les services en Mauricie», précise-t-il.

L’une des solutions à cette iniquité est la gouvernance locale, soutient le Dr Roux.

«Il faut absolument trouver à court terme les moyens pour permettre ça. Une fois qu’on a obtenu la «souveraineté», bien il faut accélérer la venue d’un hôpital de type régional. Si on est capable de passer à travers ces étapes-là rapidement, on va pouvoir renverser la vapeur.»

Les deux hommes ont une lueur d’optimisme quand il se rattache au fait que Santé Québec dispose, dans son mandat, de la possibilité de réexaminer les régions.

«Le seul espoir d’avoir enfin notre propre région, puis, éventuellement un hôpital, c’est à partir de 2026. Mais ça, ça va prendre un gouvernement qui va tenir ses promesses», laissent tomber en terminant MM Levasseur et Roux.

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