RANDONNÉE. Béatrice Gourdon et Christian Vallée se souviendront longtemps du 29 juillet dernier. Un pas après l’autre, ils ont fait partie d’un équipage de dix personnes qui ont fait découvrir le sommet du mont Albert à une personne à mobilité réduite. Une expérience plus grande que nature, mais parsemée d’obstacles.
L’aventure était corsée. Reconnu comme étant le sommet le plus difficile à atteindre au Québec, le mont Albert s’adresse aux randonneurs aguerris. Et davantage lorsque ceux-ci doivent transporter une personne à mobilité réduite. Le privilégié était Denis Laliberté, un homme de Victoriaville qui a perdu l’usage de ses jambes lors d’un accident de ferme. Marathonien en fauteuil roulant, il caressait le rêve de contempler la nature de haut.
L’appel de cette ascension a été lancé par un Sherbrookois. En plus de l’olympienne Kim Boutin, une poignée de personnes y ont répondu et ont accepté de devenir sherpas d’un jour, dont le couple drummondvillois Béatrice Gourdon et Christian Vallée.
Samedi, ils ont parcouru plus de 22 kilomètres en terres gaspésiennes, et ce, en plus de 15 heures. M. Laliberté était installé et fixé sur une chaise adaptée, conçue pour être en mesure de passer dans les sentiers les plus étroits.
«L’ascension était difficile, mais elle s’est somme tout bien déroulée. On a parcouru 5 kilomètres en 4h15. La descente a été plus ardue. On a pris un autre chemin. On a marché 12 km en plus de 7 heures. Il a fallu s’organiser à chaque pas. Il y avait beaucoup de roches, de chemins étroits et sinueux. Les porteurs étaient très fatigués, mais jamais ils n’ont lâché», raconte Béatrice Gourdon.
Au fil des kilomètres, le groupe en a ainsi vu de toutes les couleurs, mais il est resté uni à chaque pas. Chacun ayant son rôle à jouer dans cette quête au sommet.
Mme Gourdon devait transporter du matériel et de l’eau sur ses épaules. Un poids d’environ 25 kilogrammes. Son conjoint Christian devait s’assurer des mouvements latéraux, donc de l’équilibre du fauteuil à droite et à gauche.
«Ce que j’aime là-dedans, c’est de faire réaliser que même si tu es handicapé, tu as le droit de rêver. Cet homme-là adore les montagnes et la nature. Pourquoi lui couper cette envie si on a la possibilité de lui faire vivre ce bonheur en ayant nos jambes?», exprime la Drummondvilloise.
Malgré les courbatures et la fatigue des heures qui ont suivi, celle-ci a le sentiment du devoir accompli.
«On réalise réellement la puissance d’un tel événement avec du recul. Je pouvais lire dans les yeux de Denis qu’il disait « Pincez-moi, pincez-moi! » tellement il était heureux au sommet. C’est juste super de pouvoir faire vivre des choses comme celles-là à une personne. On était tous là pour lui. C’est incroyable de voir à quel point les boules d’énergie que nous sommes, avec de la motivation, peuvent faire de grandes choses. Bref, si je n’avais plus mes jambes, j’aimerais bien que quelqu’un accepte de m’emmener en haut d’une montagne», partage celle qui a d’ailleurs été clouée à un fauteuil roulant à la suite d’un accident durant sa jeunesse.
«Je me sens privilégiée d’avoir mes jambes et de pouvoir faire toutes ces choses aujourd’hui», ajoute Mme Gourdon connue localement pour sa passion de l’activité physique et du plein air. En début d’année, elle a d’ailleurs participé à un trek au Sénégal.
Soulignons que l’événement était à ce point significatif qu’il fera fort probablement l’objet d’un documentaire. Des images ont été tournées par Matthew Gaines (Sherbrooke) et ce dernier devrait les soumettre éventuellement au Festival du film de montagne de Banff.