Bertrand Hould a gagné la course de sa vie

Jonathan Habashi
Bertrand Hould a gagné la course de sa vie
Le Drummondvillois Bertrand Hould a aidé l’équipage du bateau Qingdao à remporter la Clipper Race, cette fameuse course en voilier autour du monde. (Photo : gracieuseté)

VOILE. Bertrand Hould a remporté la course de sa vie.

Membre de l’équipage du bateau Qingdao, le Drummondvillois a aidé son groupe à gagner la Clipper Race, cette fameuse course en voilier autour du monde. Cette aventure océanique d’une distance de plus de 47 000 miles nautiques s’est conclue le 30 juillet dernier, à Londres. Avec une récolte de 145 points, le Qingdao a devancé son plus proche poursuivant, le bateau Punta Del Este, par seulement dix points. Onze voiliers ont pris part à cette compétition de 15 étapes.

Bertrand Hould. (Photo : Clipper Race)

Considérée comme l’un des défis d’endurance les plus difficiles de la planète, la Clipper Race s’est amorcée en Angleterre en septembre 2019 avant d’être interrompue pendant un an et demi en raison de la pandémie. La course a finalement été relancée en mars dernier, aux Philippines, en direction de Seattle, aux États-Unis, puis vers le Panama, les Bermudes, New York et l’Irlande du Nord.

Responsable de la réparation et de l’entretien des voiles au sein de l’équipage du Qingdao, Bertrand Hould a inscrit à son journal de bord un total de 248 jours en mer, incluant 1677 heures de navigation de nuit. L’homme de 72 ans a parcouru l’équivalent de 87 237 kilomètres sur les flots, traversant dix mers et océans durant l’aventure.

Parmi les 63 membres de l’équipe du skipper britannique Chris Brooks, seulement cinq ont complété la circumnavigation du globe.

«La grande majorité des quelque 700 participants inscrits à la Clipper Race se sont limités à une ou deux étapes parmi les 15 proposées par l’aventure, a précisé Bertrand Hould. Des 102 circumnavigateurs inscrits au départ, seulement 41 ont complété le tour du globe. Moins de 1500 personnes ont réalisé la circumnavigation du globe, comparativement à plus de 6000 personnes qui ont atteint le sommet de l’Everest.»

De derniers à premiers

Lors de la traversée de l’océan Pacifique, un bris des fixations d’un hauban sur le Qingdao a forcé le skipper Chris Brooks à prendre la difficile décision de faire marche arrière vers le Japon afin de procéder à des réparations d’urgence.

«Ramener tout le monde en vie, sain et sauf était plus important que de gagner la coupe. Ça nous a coûté 12 jours de retard sur toute la flotte et on a terminé derniers lors de l’étape Philippines-Seattle. Le moral des troupes était alors à son plus bas, car cela nous mettait en grande difficulté au classement général. Plusieurs d’entre nous avaient l’impression que c’en était fait», a raconté Bertrand Hould.

La voile du bateau Qingdao. (Photo gracieuseté)

Les organisateurs de la compétition ont alors dirigé le Qingdao vers San Francisco comme point de ravitaillement plutôt que Seattle afin de lui permettre de rejoindre la flotte et ainsi se remettre dans la course. À son départ de San Francisco, le bateau avait toutefois encore cinq jours de retard sur ses adversaires.

«Mais une course n’est pas finie tant qu’elle n’est pas finie, a fait remarquer celui qui pratique aussi le triathlon. Tout peut arriver. L’adversité peut frapper tout le monde. Sur quoi est-ce qu’on a du pouvoir : voilà la question! On a alors décidé de focaliser notre énergie sur les sprints ainsi que sur les travaux de nettoyage et de réparations pendant qu’on naviguait en mer vers Panama. Ce faisant, ça nous a permis d’éviter de faire ces travaux à quai et de repartir encore une fois derrière tout le monde.»

Le Qingdao a donc pu rejoindre ses adversaires à la sortie du canal de Panama, juste à temps pour prendre le départ pour les Bermudes. Trois bateaux se disputaient alors la première place au classement général.

«What can we do to make the boat go faster? La grande question de notre skipper était répétée à chaque heure pour refocaliser constamment notre attention et ajuster de mieux en mieux et sans délai nos voiles aux forces du vent, a relaté Bertrand Hould. Tout le monde veut gagner la course, mais ce n’est pas tout le monde qui est nécessairement prêt à en payer le prix, à toute heure du jour et de la nuit. Difficile de se libérer des habitudes de laisser-aller qui avaient marqué nos deux dernières étapes. Le retour de personnes qui avaient participé à la première moitié de l’aventure nous a permis de ressouder l’esprit d’équipe et de nous remettre dans un esprit de course.»

Vainqueur de l’étape entre les Bermudes et New York, l’équipage du Qingdao a également obtenu la troisième place lors de la course finale entre Londonderry et Londres. Une performance qui lui a permis de conserver sa première position au classement général.

Un prix honorifique

Tout au long de l’aventure, les voiles du Qingdao ont inévitablement subi de nombreux bris.

«Les voiles étant le moteur du bateau, inutile de dire l’importance de les maintenir en vie, a exprimé Bertrand Hould. En poussant le bateau aux limites de ses capacités, les voiles sont rudement mises à l’épreuve et on se retrouve souvent devant des réparations majeures. J’ai eu à plusieurs reprises à travailler en mer pendant des heures, parce que nous avions besoin rapidement d’une voile spécifique pour les conditions de vent qui s’annonçaient. À trois reprises, ces réparations en mer nous ont permis de gagner des sprints, chaque sprint valant trois points bonis.»

Bertrand Hould était responsable de la réparation et de l’entretien des voiles au sein de l’équipage du Qingdao. (Photo gracieuseté)

«À Fremantle, en Australie, une voile était en si mauvais état que tout le monde croyait qu’elle était absolument irrécupérable, à l’exception de moi et notre skipper. Après une semaine de travail et quelque 450 heures d’efforts, on a réussi à la ramener à la vie. Ça nous a permis d’éviter six points de pénalité. Au fil de la course, mes surnoms ont connu une évolution : de Sail Repair au début, on m’a appelé le Sail Maker, puis Sail Magician. Vers la fin, mon skipper m’a surnommé Sail God», a rigolé Bertrand Hould.

Au terme de l’aventure, le Drummondvillois a décroché un prix honorifique de la ville de Londonderry, en Irlande du Nord. Le prix Spirit of a Derry Girl Award est décerné à un membre d’équipage de chaque bateau à la suite d’un vote par ses pairs, en reconnaissance de la qualité de son esprit et de son approche de la vie, de ses réalisations et de sa contribution exceptionnelle à son équipe lors de la traversée entre New York et Londonderry.

«Le prix est remis à quelqu’un qui ne fait pas toujours les choses correctement, mais qui donne son 110 % d’effort, a résumé Bertrand Hould. Quelqu’un qui a une manière de rendre les moments les plus difficiles du voyage agréables et gratifiants pour tout le monde. Quelqu’un qui, contre toute attente, a fait de cette expérience un accomplissement personnel ultime.»

C’est à la suite du décès de son épouse d’un cancer du cerveau en 2018 que Bertrand Hould s’est lancé dans cette aventure. N’ayant pratiquement aucune connaissance de navigation, il souhaitait trouver une façon de financer la recherche sur les cancers cérébraux. La fondation Cœur en tête soutient plus particulièrement le laboratoire du docteur David Fortin, du Centre hospitalier de l’Université de Sherbrooke (CHUS).

Au cours des prochains mois, Bertrand Hould entend, par l’entremise de conférences, continuer d’appuyer les travaux de recherches du docteur Fortin.

«Je veux donner au suivant et partager la richesse du vécu de mon aventure. La rédaction d’un livre au profit de la fondation fait aussi partie de mon projet. Mon objectif est d’amasser un dollar pour chaque kilomètre que j’ai navigué autour du monde», a conclu Bertrand Hould, en invitant la population à l’encourager en faisant un don par l’entremise de cette adresse.

L’équipage du Qingdao célébrant sa victoire. (Photo gracieuseté)
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