Déjà 200 ans d’histoire pour la basilique Saint-Frédéric

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Par Emmanuelle LeBlond
Déjà 200 ans d’histoire pour la basilique Saint-Frédéric
L’architecture de la basilique Saint-Frédéric est inspirée du style néogothique. (Photo : Ghyslain Bergeron)

(Note de la rédaction) L’Express de Drummondville propose aux lecteurs un dossier sur la basilique Saint-Frédéric, alors que cent ans se sont écoulés depuis le dernier incendie qui a ravagé la troisième version de l’église. En 2022, le lieu de culte catholique célébrera également son 200e anniversaire.

PATRIMOINE. Érigée au cœur du centre-ville, la basilique Saint-Frédéric est considérée comme l’église mère de Drummondville. Avec près de 200 ans d’histoire, elle se démarque par sa stature imposante et son architecture unique. Survol des principales étapes de construction, du début de la colonie à aujourd’hui.

Drummondville a été fondée en 1815 par le lieutenant-colonel Frederick George Heriot, un officier de l’armée britannique qui avait pour mission d’établir une colonie le long de la rivière Saint-François. La position géographique de l’endroit a été choisie pour des raisons militaires. Les rapides permettaient de prévenir une future invasion américaine.

La première église vers 1875. (Photo: Photo Société d’histoire de Drummond, Fonds Réal Garneau; P101-F72)

Frederick George Heriot s’est installé sur le territoire, tout comme d’anciens militaires de plusieurs régiments. «C’était vraiment multiethnique. Il y avait des Canadiens français et des anglophones», informe Gabriel Cormier, agent de projets culturels à la Société d’histoire de Drummond.

La religion faisait partie intégrante de la vie des habitants. Si Frederick George Heriot était protestant, son bras droit, Jacques Adhémar, était plutôt catholique.

Trois baraques ont été construites, dont une qui servait à la fois de la salle de réunion, d’école, de cour de justice, de temple protestant et de chapelle catholique. «Plusieurs années plus tard, on se rend compte qu’il faut évoluer. Les lieux de culte sont séparés. L’église anglicane St.George est construite la même année que l’église Saint-Frédéric, en 1822», mentionne Gabriel Cormier.

La deuxième église vers 1885. (Photo Société d’histoire de Drummond, Collection régionale; C1-2.3e404)

«La première église catholique des Cantons de l’Est» était localisée sur le site de la basilique actuelle, sur la rue Brock. Le premier missionnaire Jean Raimbault y a même offert une statue, celle de Notre-Dame des Cantons, la patronne des paroisses. Encore aujourd’hui, elle a une place de choix dans la basilique.

L’arrivée du curé Majorique Marchand a changé la donne. Il a le désir de bâtir une nouvelle église, plus grande que la précédente. «Il va trouver que l’église Saint-Frédéric commence à être vieille et le temps est venu d’en construire une autre. À ce moment-là, la population est de 1300 âmes, dont environ 300 protestants et exactement 134 catholiques distribués en 194 familles», précise Gabriel Cormier.

Le nouveau bâtiment est érigé juste en face, sur le terrain qui est maintenant la place Saint-Frédéric. La dernière messe est célébrée le 26 septembre 1880. Après la cérémonie, les meubles sont déménagés. Quelques jours plus tard, c’est au tour de la cloche d’être transportée, hissée au sommet de la nouvelle église.

Les décombres de la troisième église à la suite de l’incendie. (Photo Société d’histoire de Drummond, Collection régionale; C1-7.2a7)

Dix-neuf ans plus tard, les flammes ont ravagé le lieu de culte. La troisième église est construite sur l’emplacement de la première. «Le curé de l’époque est Thomas Quinn. Au début, on a seulement l’argent pour faire le soubassement avec des pierres, c’est-à-dire le sous-sol. Le coût initial va être de 10 000$. Ce curé va quitter en 1902. À ce moment-là, il y a juste le soubassement qui va être utilisé pour les offices religieux.» L’étage supérieur est finalisé en 1907, pour la somme de 85 025$.

Une catastrophe est survenue le soir de Noël 1921, alors qu’un incendie touche le bâtiment. «Selon un article de La Tribune, on dit que les dommages sont évalués à 200 000$. Dès que le feu a été découvert, l’alarme a été immédiatement sonnée, mais quand les pompiers sont arrivés, les flammes avaient fait des ravages. L’édifice n’était plus qu’un brasier ardent», résume-t-il. La cause de l’incendie est plus ou moins connue. D’après M. Cormier, il pourrait s’agir d’un fil électrique défectueux.

Le curé de l’époque, Georges Melançon, a pour mission de bâtir la quatrième église. Le soubassement a été aménagé en premier lieu. L’étage supérieur est complété quelques années plus tard, en 1928.

Architecture unique

Les plans ont été confiés à l’architecte Louis-Napoléon Audet de Sherbrooke, expérimenté dans la construction des cathédrales, comme celle de Sainte-Anne-de-Beaupré. Ce dernier s’inspire de l’architecture néogothique, un courant populaire en Europe.

Plusieurs détails se cachent sur la chaire. (Photo: Ghyslain Bergeron)

Louis-Napoléon Audet a porté une attention particulière aux matériaux utilisés lors de la construction. «L’architecte ne voulait pas que les matériaux soient faux. La pensée religieuse voulait qu’on ne mente pas. C’est pour cette raison qu’il a utilisé du marbre de Carrare qui vient d’Italie», mentionne Solange Lebel, ancienne professeure au Cégep de Drummondville en histoire de l’art.

Les voûtes en croisées d’ogives sont typiques de l’architecture néogothique. Dans la chaire, plusieurs détails s’y cachent, comme la présence des quatre évangélistes. Les piliers qui se trouvent de chaque côté de l’église permettent d’éliminer les colonnes qui obstruent la vue du chœur, ce qui est représentatif des cathédrales du Moyen-Âge.

Sans contredit, l’architecture de l’église Saint-Frédéric est unique dans la région. En 1930, l’endroit est officiellement béni par Mgr Brunault de Nicolet.

Basilique

Parmi les événements marquants, l’église Saint-Frédéric s’est vu décerner le titre de basilique par Rome, en 2015, une nomination qui est survenue pour la première fois en 22 ans au Québec. «L’évêque d’ici a fait la demande au nom de la paroisse. Ça a pris l’approbation de l’assemblée des évêques du Québec et celle de la Conférence des évêques du Canada. On a appris au mois d’août qu’elle était déclarée basilique. On a officialisé la nouvelle lors d’une célébration à la fin du mois de septembre, dans le cadre du 200e de la Ville de Drummondville», explique Yves Grondin, agent de pastorale et président de la table régionale Mauricie Centre-du-Québec pour le Conseil du patrimoine religieux du Québec.

Le curé Jean-Luc Blanchette. (Photo Ghyslain Bergeron)

L’église Saint-Frédéric se démarque à l’échelle du diocèse de Nicolet, car elle est la seule qui est considérée comme une basilique. D’après le curé Jean-Luc Blanchette, il est rare qu’une église paroissiale ait une telle distinction. Habituellement, ce titre est accordé à des lieux de pèlerinage.

«On reconnaît qu’elle a un impact important au niveau historique et un rayonnement majeur dans la ville et dans la région. On s’attend à ce que ce soit une église qui perdure», ajoute Jean-Luc Blanchette. Avant 1936, l’église Saint-Frédéric était la seule sur le territoire, représentant un lieu de référence à Drummondville.

Continuité

La basilique Saint-Frédéric fait partie de la paroisse Saint-François-d’Assise qui réunit cinq églises. Lors des dernières années, deux d’entre elles ont fermé leurs portes : les églises Saint-Majorique et Immaculée-Conception.

Malgré tout, Jean-Luc Blanchette reste optimiste quant à l’avenir des lieux de culte. Il veut qu’ils soient à la fois accessibles et ouverts sur le monde. Au fil des années, plusieurs événements ont été organisés afin d’offrir un support à la communauté, en lien entre autres avec le tremblement de terre en Haïti (2010), l’attentat du 11 septembre (2001) et celui de la mosquée de Québec (2017) ainsi que les féminicides de Polytechnique (1989).

Des grillages ont été installés sur la façade de la basilique. Plusieurs fissures sont apparentes sur la façade. (Photo: Ghyslain Bergeron)

En parallèle, le curé doit veiller à l’entretien de la basilique, pour assurer sa pérennité. En 1999, l’homme d’affaires Gilles Soucy a financé la rénovation du presbytère. Les bureaux de la paroisse et les appartements des prêtres s’y trouvent. Quatre condos ont été aménagés en ces murs. Quant à la toiture de la basilique, elle a été refaite il y a quelques années.

Prochainement, de nouveaux défis sont à venir. Les murs extérieurs ont besoin d’une cure de jeunesse. «Il y a cent ans, les gens se sont mobilisés pour reconstruire une nouvelle église. De nos jours, toute la maçonnerie est à faire. Il y a des fissures sur la façade, à la grandeur. Les briques sont cassées. Aujourd’hui, c’est de voir si les gens sont aussi mobilisés pour la préserver et l’entretenir», conclut-il.

Infographie : Nathalie Turcotte (Journal L’Express)

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