Confinement : «Le vrai danger c’est de se laisser aller»

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Par Jean-Pierre Boisvert
Confinement : «Le vrai danger c’est de se laisser aller»
(Photo : Depositphoto)

PSYCHOLOGIE. En est-on arrivé, après deux mois de confinement, à une étape insidieuse dans les conséquences psychologiques de l’isolement?

La question des effets pervers du confinement, qui a été imposé dans de nombreux pays, est largement documentée, particulièrement sur des sites de psychologues réputés qui ont été les premiers à avertir qu’être «obligé de rester à domicile n’est naturel pour personne», surtout quand on vit seul.

«C’est indéniable et de nombreuses études l’ont prouvé : l’isolement a des effets délétères sur notre psychisme et sur notre moral, affirme Johanna Rozenblum, psychologue clinicienne à Paris. Des contacts sociaux limités, voire absents lorsqu’on est seul chez soi, entraînent des conséquences somatiques et psychologiques bien réelles : repli sur soi, humeur dépressive, anxiété généralisée, ruminations, réactions d’hostilité…»

Il en découle évidemment de fortes émotions telles que l’incompréhension, la colère, le sentiment d’injustice, l’ennui, l’anxiété et la peur.

«Le vrai danger est de se laisser aller», soutient Jean-Guy Grenier, un psychologue drummondvillois à la retraite que le journal a contacté pour en savoir un peu plus long sur ce qu’on peut appeler une spirale invisible, voire insidieuse, qui affecte les personnes les plus vulnérables.

«On mange moins bien, on dort mal, on n’appelle plus personne, on ne fait plus de mots croisés, on ne va plus marcher, et tout ça fait qu’on glisse dans une dépression situationnelle, celle qui survient à la suite d’un événement inattendu. Cela arrive à des personnes vulnérables, isolées, qui ne s’en rendent pas compte sur le coup. Pour se sortir de cette spirale qui nous emmène vers le bas, ça prend bien entendu un effort personnel. Ce n’est pas facile, car la personne ne croit pas à première vue que ça va l’aider. Le premier pas est celui de l’hygiène. Se laver le matin. Enlever son pyjama ou sa jaquette pour se mettre beau. Le deuxième truc est de faire une activité qu’on aime, qui nous allume. Que ce soit la musique, la lecture, l’écriture, la marche, le yoga. S’il le faut, sortir deux ou trois fois pour aller marcher. La marche est une activité salutaire. Ne pas hésiter non plus à appeler une personne qui est significative à nos yeux», fait valoir M. Grenier dont l’un des principaux dossiers a été d’accompagner les travailleurs mis à pied chez Denim Swift.

«Évidemment, ça n’arrive pas à tout le monde, ajoute-t-il. Il y a beaucoup plus de gens qu’on pense qui vont bien. Ceux-là ont en quelque sorte un devoir, qui est de se permettre d’appeler une personne seule, qui est plus à risque, pour prendre de ses nouvelles. Lui demander comment ça va, d’être à son écoute et de lui promettre de le rappeler».

Comme bien d’autres lecteurs de L’Express, Jean-Guy Grenier a été secoué par le cas de Monique Champagne, cette octogénaire qui s’est vu remettre un constat d’infraction de 1546 $ pour avoir accueilli chez elle celui qui est son copain depuis 15 ans, Laurent Lessard, 86 ans, qui a reçu la même amende. «Le soutien social c’est une affaire importante dans le contexte actuel. D’habitude, on rencontre nos voisins, on voit nos amis, on s’entraide. Mais là maintenant, tout ça n’existe plus. Elle a ainsi perdu un soutien psychologique essentiel. Après ça, il reste quoi? Facebook, l’internet…», met-il en perspective.

Ce qui est à éviter, selon lui, c’est que les gens vivant seul se renferment. «La chose la plus utile, c’est le soutien social».

À ce titre, il suggère les centres d’écoute et particulièrement l’organisme Revivre qui vient en aide aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires. Le site web est disponible à l’adresse revivre.org.

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