Je signe ou je ne signe pas?

Je signe ou je ne signe pas?
J’ai signé le consentement au don d’organes à l’endos de ma carte d’assurance-maladie. (Photo : Photo Ghyslain Bergeron)

BILLET. Je me prénomme Lise. J’ai 43 ans, je suis en bonne santé, mais je n’ai jamais eu le courage de signer le consentement au don d’organes à l’endos de ma carte d’assurance-maladie.

Pourquoi?

C’est la grande question qui me tourmente les rares fois où je sors ma carte d’assurance-maladie. Le collant est certes bien apposé au verso de ma carte, mais c’est tout. Il est blanc comme neige.

Comme si en écrivant les douze lettres de mon nom sur ce petit carré de papier que j’allais m’attirer un mauvais sort, que je venais de m’octroyer une date d’expiration. «Tiens. T’es finie. Si t’as un accident demain matin, on va se précipiter sur ton corps et des chirurgiens au regard trop motivé extirperont tes organes pour contenter ceux qui ont soif de recouvrer la santé, qui sont alités depuis plusieurs mois. On te dépècera comme un petit poulet». C’est le genre de pensée qui me traversait l’esprit. Et j’ai un peu honte.

Pourtant, la réalité n’a rien à voir avec cette pensée digne d’un film d’horreur.

C’est que cette semaine, la journaliste Cynthia Giguère-Martel a rencontré une mère de famille qui attend, depuis 1 an, ce coup de téléphone qui l’informera qu’on a trouvé un cœur pour son petit garçon de 16 mois.

Quand je pense à cette femme, j’ai le cœur qui chavire. Chaque jour, elle s’inquiète, rêve, espère, s’impatiente, rage et pleure. Elle a d’ailleurs hésité longuement à partager son histoire avec nous, avec vous, tellement la brique est lourde sur ses épaules. «Si je fais ça, c’est pour sensibiliser les gens à l’importance de signer leur carte de dons d’organes», a-t-elle dit.

Je me suis sentie visée. Et c’est correct, car je devais une fois pour toute prendre la décision : je signe ou je ne signe pas.

Je me suis alors rappelée de ma dernière randonnée en montagne. Au sommet, j’avais réalisé à quel point je suis petite dans ce vaste monde, que ma vie, ma personne, n’est pas plus importante que celle du chevreuil qui gambade. On est infiniment petits.

J’ai donc eu ma réponse et… j’ai signé ma carte. Je ne connais pas mon futur, mais je sais que je fais confiance à mes proches. S’il m’arrivait un accident soudain, je suis persuadée qu’ils poseront toutes les questions nécessaires et qu’ils s’assureront que je sois bien morte avant qu’on procède aux dons.

Et si je devais perdre tragiquement la vie, je serais tout compte fait infiniment heureuse de savoir que j’ai pu aider une ou des personnes, à l’exemple du petit William, à reprendre une vie normale. Après tout, que mon cœur soit dans ma poitrine ou non le jour où on me déposera dans un cercueil ne changera rien.

La prochaine étape? En discuter avec mes filles, leur suggérer de lire ce billet et leur laisser le temps de décider… en espérant qu’elles se feront une tête sur le sujet avant qu’elles ne franchissent le cap de la quarantaine. C’est qu’il paraît que les pommes ne tombent jamais bien loin du pommier.

En ce moment, au Centre-du-Québec, 39 personnes figurent sur une liste d’attente, en attente d’un don d’organe.

 

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