La relève agricole dénonce l’appui financier de la Caisse de dépôt à Pangea

La relève agricole dénonce l’appui financier de la Caisse de dépôt à Pangea
De jeunes agriculteurs ont manifesté devant le siège social de la Caisse de dépôt et placement du Québec pour dénoncer le récent investissement de 10 M$ dans l’entreprise Pangea.

«Ça ne va pas bien pour la relève agricole quand des investisseurs qui achètent au gros prix des terres agricoles sont appuyés par la Caisse de dépôt et placement du Québec».

C’est le point de vue que défend Philippe Pagé, coordonnateur interrégional de la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ), se disant très inquiet de ce qui se passera quand les jeunes agriculteurs n’auront plus les moyens "d’accoter" les prix lancés en hausse «par des spéculateurs comme la société Pangea».

Selon M. Pagé, Pangea est «un fonds d’investissement qui achète au gros prix des terres agricoles dans plusieurs régions du Québec. Elle crée ensuite avec un agriculteur local une société d’opération responsable de cultiver intensivement des céréales, d’opérer la machinerie et de gérer la main d’œuvre. Alors que l’agriculteur associé ne devient jamais propriétaire de la terre (le seul actif rentable), il ne peut dégager assez de profits de la culture des céréales pour rendre l’opération rentable», explique Philippe Pagé qui estime que le prix des terres à augmenter de 158 % en cinq ans.

Mercredi, une trentaine de jeunes agriculteurs ont manifesté devant le siège social de la Caisse de dépôt et placement du Québec ayant pour objectif de dénoncer le récent investissement de 10 M$ dans l’entreprise Pangea, dont l’un des cofondateurs est l’homme d’affaires bien connu Charles Sirois.

«On ne peut pas laisser faire ça. Si ça continue, les agriculteurs ne seront plus que des locataires sur les terres appartenant à Pangea, nous ramenant à l’époque féodale. Et de voir que la Caisse de dépôt met 10 millions de dollars dans ces opérations de spéculation, c’est ajouter l’insulte à l’injure», clame le porte-parole de la FRAQ.

Selon lui, le Centre-du-Québec commence à être touché par le phénomène. «Il y a une entreprise qui a été achetée récemment à Bécancour. Dans la MRC de Drummond, ce n’est pas présent encore mais ça pourrait le devenir quand on sait que les terres agricoles en bordure du périmètre urbain ont une valeur ajoutée. On ne peut reprocher à un agriculteur de vendre sa terre à une entreprise qui lui offre, du jour au lendemain, 30 % de plus que la valeur du marché», fait valoir M. Pagé.

Par la voix de son président Benoit Quintal, le Syndicat de la relève agricole du Centre-du-Québec (SRACQ) a aussi dénoncé le stratagème. «Le modèle que Pangea met en place est en train de détruire la relève agricole. Pangea mets le gros prix pour acheter des terres agricoles et cause une surenchère qui joue à son avantage, puisque l’augmentation du prix fait ainsi augmenter la valeur de Pangea. La relève n’est pas capable "d’accoter" une hausse aussi fulgurante. Bientôt, nous ne serons plus capable de posséder la terre», s’est indigné M. Quintal.

Le Syndicat de la relève agricole du Centre-du-Québec regroupe les jeunes de 16 à 39 ans de la région ayant comme intérêt commun l’agriculture. «Ces jeunes sont en voie d’établissement, déjà établis ou tout simplement passionnés par cette vocation. L’association leur donne une voix régionale pour défendre l’intérêt général de la profession. L’association est affiliée à la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ)».

Version de Pangea

Évidemment, Pangea ne voit pas cette situation du même œil. Sur son site web, elle se décrit comme «une société qui propose un nouveau modèle d’entreprenariat agricole en partenariat avec les agriculteurs et les communautés. Les agriculteurs sont au cœur des décisions en ce qui a trait au développement et à la gestion de ces terres agricoles».

Il est indiqué que «le modèle de Pangea repose sur un partenariat avec un agriculteur. Ils s’unissent afin de fonder une société de production agricole (SOA) qui vise à ce que les parts soient partagées sur la base de 51 % pour le partenaire agriculteur et 49 % pour Pangea. Le partenaire agriculteur est donc le gestionnaire décisionnel et principal détenteur du bénéfice net de la coentreprise. Il est important de noter que les terres ne font pas partie du partage 49 % – 51 %. Elles sont cultivées en partenariat, mais l’agriculteur reste propriétaire à 100 % de ses terres, tout comme Pangea».

De plus, elle dit ne pas effectuer de concurrence déloyale. «Nous nous retirons du processus s’il y un autre agriculteur en compétition pour l’achat d’une terre».

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