Une leçon de sagesse et de tolérance avec Éric-Emmanuel Schmitt

Une leçon de sagesse et de tolérance avec Éric-Emmanuel Schmitt
Éric-Emmanuel Schmitt n'avait jamais joué au théâtre de façon professionnelle avant d'être l'acteur de sa propre pièce.

THÉÂTRE. Tolérance. Amour. Sagesse. Ces valeurs véhiculées dans Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, texte écrit en 1999 par le célèbre écrivain belge Éric-Emmanuel Schmitt, prennent encore plus leur sens dans le contexte international actuel. Le dramaturge montera sur la scène de la Maison des arts Desjardins Drummondville le 30 novembre pour donner vie aux personnages de son roman.

M. Ibrahim et les fleurs du Coran raconte l’histoire de Momo, devenu adulte, qui se remémore son enfance passée dans l’épicerie de la rue bleue. Alors âgé de douze ans, ce jeune garçon juif, en manque d’amour depuis la séparation de ses parents, se lie d’amitié avec le vieil épicier arabe du quartier, Monsieur Ibrahim. Celui-ci semble connaître les secrets du bonheur qui feront retrouver le sourire et la gaieté de vivre au jeune Momo.

M. Schmitt confie que son texte, d’abord écrit comme un monologue de théâtre, mais popularisé en devenant un roman, «résonne encore mieux» aujourd’hui qu’en 1999.

«À cette époque, le rapport des Occidentaux à l’Islam en était un d’indifférence, enfin, en France. Aujourd’hui, c’est un rapport de méfiance, d’inquiétude, voire de haine. Il y a des gens qui voudraient qu’on ne puisse pas vivre ensemble si on est différent. Il y en a qui se font sauter et tuent les autres parce qu’ils veulent un monde complètement uniforme. Alors, se faire prendre par la main par M. Ibrahim et aller dans les beaux territoires de la mystique soufisme, territoires où l’on prie en dansant, où il y a une conception du monde qui est très noble et qui élève l’âme, eh bien tout d’un coup, ça devient quelque chose de très militant. C’est un conte de tolérance, de bienveillance et très humaniste. Il œuvre pour l’amour et non pour la haine. Ce texte a donc peut-être plus d’importance.»

Mystérieux et discret caractérisent bien M. Ibrahim.

«M. Ibrahim, c’est un sourire, un regard, de la tendresse. C’est comme ça qu’il va sauver l’enfant de sa propre violence. Un moment, il demande à Momo pourquoi il ne sourit jamais. Il lui répond "parce que sourire, c’est un truc de gens heureux". M. Ibrahim lui dit, "non, non, tu n’as pas compris, c’est le sourire qui rend les gens heureux". Bref, c’est une philosophie du bonheur», explique l’auteur qui s’est inspiré de son grand-père pour créer son personnage.

«Je monte chaque soir sur scène pour faire revivre mon grand-père. C’est un rendez-vous avec lui. Il était autant un enfant qu’un sage. Un sage par ce qu’il était artisan, il passait des heures dans son atelier avec une patience infinie, il avait la patience de la passion et m’a donné le sens du travail bien fait. Un enfant, parce qu’il était capable de tout arrêter, se mettre à quatre pattes et jouer avec nous. Il avait à la fois le sens du sérieux et celui du jeu», se rappelle-t-il, précisant que l’enfant Momo peut ressembler à l’enfant qu’il était.

Par accident

Il est rare qu’un écrivain devienne l’acteur principal de sa propre pièce, mais il en est d’autant plus lorsqu’il faut incarner six personnages.

«Ça demande une énergie et un accent spécifique pour chacun. J’aime jouer ce texte, car il y a toutes les couleurs de l’arc-en-ciel! Ça me permet de faire des tas de choses», laisse-t-il entendre. 

Cette belle aventure a commencé il y a trois ans de façon accidentelle.

«C’est Francis Lalanne, comédien et chanteur, qui avait ce mandat à  Paris. Un jour, on m’a proposé de le remplacer, car il avait signé pour une série de galas de chansons. J’ai eu trois jours pour apprendre le texte et quatre jours pour le répéter avant de me retrouver devant le public qui avait été tellement chaleureux et merveilleux. L’expérience m’avait plu. Depuis, j’ai beaucoup travaillé sur les textes, mais également sur ma voix pour mériter cet accueil», raconte l’homme passionné des mots.

Et comment parvient-il à garder l’intérêt du public?

«Il faut avoir un bon texte! Quand Schmitt interprète n’est pas là, Schmitt écrivain est toujours proche et il fait le travail. Il n’y a pas un moment de cette histoire que je n’aime pas raconter et il paraît que ça se voit d’ailleurs», indique-t-il en riant.

M. Ibrahim et les fleurs du Coran a été jouée des centaines de fois en Europe, notamment en France et en Allemagne. Le roman a aussi été adapté au grand écran en 2003. Ce sera la première fois que la pièce sera présentée au Québec.

«J’espère que ça donnera le goût à d’autres personnes de la jouer», lance le dramaturge bien heureux d’entreprendre une tournée dans la Belle Province. 

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