Josyane Cloutier
ÉCOLOGIE. L’engouement pour les bâtiments écologiques et le développement durable ne faiblit pas. Une des dernières innovations en matière de construction verte? Les bâtiments faits en chanvre, qui commencent à jouir d’une certaine popularité au Québec depuis quelques années.
Il faut savoir avant tout que le mot cannabis est en fait la version latine de l’appellation française chanvre : ainsi, les deux mots désignent la même plante. Une plante qui a bien mauvaise presse à cause de la prohibition dont elle fait l’objet depuis 1938, année où elle a été officiellement classée dans les substances illicites. Toutefois, le projet de légalisation de la marijuana du gouvernement Trudeau ouvre la porte à d’autres possibilités, dont l’exploitation du chanvre comme matériau de construction.
Pourquoi bâtir avec du chanvre ? «C’est un matériau polyvalent ayant des propriétés extraordinaires, affirme le fondateur de HEMP, une compagnie qui cultive du chanvre à Saint-Lucien, Dany Lefebvre. Il a notamment un bilan carbone négatif, ce qui signifie que l’exploiter produit moins de CO2 qu’il n’en dégage par la suite.» De plus, l’entrepreneur dévoile que le prometteur hempcrete, ou béton de chanvre, ne serait pas inflammable et résisterait à la vermine. La combinaison d’eau, de sable, de copeaux de chanvre et de chaux nécessaire à la fabrication de ce genre de béton suffirait effectivement à empêcher une maison de s’enflammer, selon Dany Lefebvre.
Il est également possible de concocter un isolant à base de fibre de chanvre, encore une fois très naturel et assez surprenant, quoique un peu moins performant lorsque la température descend sous la barre des moins 30 degrés. Davantage d’investissements et de recherches scientifiques seront donc nécessaires afin d’élaborer des isolants plus adaptés au climat canadien, selon Dany Lefebvre.
Les avantages de cette plante au passé légal tumultueux ne s’arrêteraient pas là : en effet, le chanvre est un végétal qui prospère dans presque toutes les conditions météorologiques, en plus de n’avoir besoin que de très peu d’eau.
Populaire en Europe depuis les années 1980, le concept s’est déjà bien développé de l’autre côté de l’océan, ce qui fait en sorte que la plupart de la production de ce genre de matériau sera exportée d’ailleurs.
Bien qu’une démarginalisation soit actuellement en cours au Québec, la route est encore longue pour faire valoir les avantages du chanvre sur la scène publique. «Les années de prohibition ont démonisé cette plante-là. Les gens ont besoin de s’éduquer et d’apprendre à travailler avec elle», croit fermement le fondateur de HEMP. De plus, ne cultive pas du chanvre qui veut : les mêmes normes relatives à la culture de cannabis sans THC pour produire de l’huile ou des graines de chanvre, très sévères, s’appliquent également pour ceux qui souhaitent en faire des matériaux de construction.
«Il y a déjà une industrie de la construction bien établie ; toutes les entreprises, les architectes et les ingénieurs travaillent déjà avec des matériaux qui sont déjà sur le marché. Je crois que ça va prendre quelques années avant qu’on puisse voir du chanvre dans les Laferté ou les Rona de ce monde», précise Dany Lefebvre, semblant néanmoins croire que cela serait possible.
Le directeur du service des communications de Drummondville, Maxime Hébert-Tardif, avoue que c’est la première fois qu’il entend parler de maisons faites en chanvre. «Il n’y a pas de règlement précis à la Ville concernant cela, bien que certains articles reliés au service d’urbanisme peuvent s’appliquer. Ce sont les mêmes normes que pour n’importe quelle habitation qui vont entrer en vigueur», explique-t-il. Il ajoute qu’avant de normaliser un certain type de projets, une demande doit être soumise aux urbanistes : d’entrée de jeu, ce type de construction n’aura pas de contraintes particulières prochainement autres que celles qui s’appliquent déjà.
