Affaire Tshibamba Muntu : nouvelles plaintes portées

JUSTICE. Des accusations concernant quatre nouvelles présumées victimes ont été portées, jeudi après-midi, contre le Drummondvillois Jean-Claude Tshibamba Muntu, 54 ans, qui faisait déjà face à cinq accusations d’agressions sexuelles graves pour avoir eu des relations sexuelles avec des femmes sans se soucier de la possibilité de leur transmettre une infection transmissible sexuellement, à savoir le VIH.

De plus, les quatre nouvelles plaignantes auraient été infectées par le VIH, a-t-on pu apprendre en fin de journée, jeudi, alors que l’accusé subissait son enquête sur remise en liberté devant le juge Bruno Langelier de la Cour du Québec au palais de justice de Victoriaville.

La procureure du ministère public, Me Ann Marie Prince, a fait entendre un seul témoin, la sergente-enquêteuse France Desbiens de la Division des enquêtes régionales de la Sûreté du Québec, responsable de ce dossier.

De son témoignage, il ressort notamment que l’accusé, qui était en couple, a fréquenté d’autres femmes rencontrées par le biais de sites de rencontre.

Le Congolais d’origine, arrivé au Canada en 1989, aurait eu plusieurs relations sexuelles non protégées. Dans certains cas, il aurait menti en affirmant qu’il était «clean» alors qu’il se savait porteur du VIH.

À une autre femme, il aurait fait savoir qu’il était un «porteur sain», avec une faible charge virale, qu’il était pratiquement guéri et qu’il ne pouvait pratiquement pas transmettre le VIH.

La sergente Desbiens a fait savoir, au cours de son témoignage, qu’à la suite d’un communiqué émis par la SQ dans les médias, quatre autres femmes (portant leur nombre à neuf) se sont manifestées.

Selon elle, ces quatre femmes, dont au moins trois, auraient pu être infectées par l’accusé.

«Et ce matin (jeudi), trois autres dames ont communiqué avec la Centrale de l’information criminelle», a fait savoir la policière.

L’une d’elles devait être rencontrée au cours de la journée. Les autres devraient être interrogées sous peu.

Si, à un certain moment, on faisait état d’une adresse inconnue pour l’accusé, on a pu apprendre qu’il habite, depuis le début de septembre, un appartement sur la rue Girard à Drummondville, là où les policiers l’ont arrêté le 17 septembre.

«Les représentants de la Santé publique recherchaient aussi l’individu», a confié la sergente Desbiens, soutenant que l’accusé, qui serait infecté du VIH depuis 2001, ne se présentait pas toujours à ses rendez-vous pour ses suivis médicaux.

L’accusé témoigne

L’avocat de Jean-Claude Tshibamba Muntu, Me Jean-Riel Naud, a fait témoigner son client, un père de quatre enfants, arrivé au pays en 1989.

Le quinquagénaire possède un statut de résident permanent, mais n’est pas citoyen canadien.

Depuis 22 ans, l’accusé, un technicien en agronomie, détenteur d’une attestation collégiale, travaille dans le milieu agricole.

Son avocat, pour offrir des garanties au Tribunal concernant une possible remise en liberté, a amené son client à consentir à certains engagements.

Tshibamba Muntu, s’il recouvre sa liberté, entend se trouver un nouvel emploi, se dit prêt à prendre sa médication et à participer à ses suivis médicaux.

Il accepte de ne pas consulter de sites de rencontre et les réseaux sociaux, se dit en mesure d’observer un couvre-feu à domicile.

«Mon client, par ailleurs, n’a pas de problème de drogues ni d’alcool, il ne possède aucune arme. «Je déteste les armes», a affirmé l’accusé.

Pas de danger, non plus, a-t-on fait valoir, qu’il puisse quitter le pays. «Je n’ai pas de passeport. Impossible de quitter le Canada. Il m’est impossible aussi de retourner au Congo puisque je suis engagé politiquement, je suis un opposant politique», a fait savoir Tshibamba Muntu qui a avoué connaître des moments difficiles. «Je suis très bas mentalement», a-t-il reconnu, d’où sa volonté de consulter un psychologue.

Au centre de détention d’ailleurs, il a reçu la visite d’un médecin, d’une psychologue et d’un infirmer qui est aussi un travailleur social.

En contre-interrogatoire, Me Prince l’a longuement questionné sur ses rendez-vous médicaux, sur les moments de ses visites, sur ses absences. «J’ai toujours motivé mes absences, toujours donné signe de vie quand je ne pouvais pas m’y rendre en raison de mon travail», a soutenu l’accusé.

À la représentante de la poursuite qui l’interrogeait sur des messages que lui auraient laissés des représentants de la Santé publique, Jean-Claude Tshibamba Muntu a affirmé n’avoir jamais rien reçu de leur part.

Les représentations

Pour justifier la remise en liberté de son client, Me Naud a notamment fait valoir qu’il s’agit d’un individu très peu criminalisé, n’ayant comme antécédent qu’une conduite avec capacités affaiblies en 1994 et deux cas de supposition de personne en 1997.

«Un dossier presque sans tache, a-t-il noté. Les crimes reprochés, par ailleurs, concernent des gestes sans violence, sans menace ou harcèlement. La preuve ne démontre aucune déviance sexuelle chez mon client. On ne peut déduire qu’il s’agit d’un prédateur à la libido incontrôlée.»

L’avocat rappelle que l’accusé jouit de la présomption d’innocence et que l’une des plaignantes souhaite retirer sa plainte, mais qu’elle ne peut, selon les autorités médicales, prendre une décision éclairée pour le moment.

Ce dossier, a-t-il exprimé, s’annonce long et complexe. En matière sexuelle, a-t-il rappelé, on a affaire à des versions contradictoires. «Tout portera sur des détails, sur le port ou non du condom. Pour le moment, la preuve n’est pas très forte à savoir depuis combien de temps il est séropositif. Mon client affirme qu’il l’est depuis six ou sept ans, depuis 2008 ou 2009. À la lumière de la preuve, il n’est pas si évident, hors de tout doute, que mon client soit en cause dans la transmission du VIH», a soutenu Me Naud, ajoutant que ce genre de crime «comporte des notions juridiques et médicales complexes».

«L’enquête visiblement sera longue. Mon client ne peut demeurer incarcéré tout ce temps. Je ne vois pas en quoi on devrait le détenir. Il offre des garanties. De plus, son visage est paru à la télé et dans les journaux. La médiatisation constitue une bonne garantie. Il sera très difficile pour lui de retrouver une compagne», a fait valoir l’avocat, indiquant aussi qu’un public bien réfléchi et non émotif ne serait pas outré par sa remise en liberté sous conditions.

Mais le ministère public ne voit pas les choses du même œil. Pour Me Anne Marie Prince, le fait de ne pas avouer son état de santé constitue un «consentement vicié», pour les présumées victimes. «Monsieur a manœuvré frauduleusement. Il a même menti sur son état affirmant être «clean». Et il y a eu des conséquences avec des personnes infectées», a-t-elle constaté.

La procureure estime que l’accusé n’a offert aucune garantie pour rassurer le public. «Rien dans son témoignage n’apparaît clair», a-t-elle noté, précisant qu’il s’agissait d’infractions graves passibles de l’emprisonnement à perpétuité. «La jurisprudence révèle un cas pour une seule victime pour lequel une peine ferme de deux ans moins un jour avait été imposée», a-t-elle exposé.

Me Prince a aussi cité cette récente décision en juillet dernier d’un juge dans le district de Longueuil qui a refusé la remise en liberté d’un accusé qui aurait fait quatre victimes, dont deux qui auraient été infectées.

«Dans les circonstances, ici, la détention est nécessaire et justifiée», a plaidé la procureure de la poursuite.

Au terme de l’audience qui a duré près de deux heures et demie, le juge Bruno Langelier a pris la cause en délibéré. Il entend faire connaître, aujourd’hui (vendredi) la date où il rendra sa décision à savoir s’il remet ou non l’accusé en liberté pour la durée du processus judiciaire.

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