André Lamothe : «On était trop petit»

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
André Lamothe : «On était trop petit»
Les voiturettes de livraison de la Laiterie Lamothe, tirées par des chevaux, ont sillonné les rues de Drummondville durant plusieurs décennies, ici en 1950. (Photo : (Photo – Archives, Société d’histoire))

AGROALIMENTAIRE. «Les gros ont voulu nous acheter à plusieurs reprises. Ils ont continué à baisser les prix. Il aurait fallu un investissement de 10 millions $ pour se relocaliser sur le bord de l’autoroute 20 et la Ville était même prête à nous aider. Mais, comme moi et mes deux frères avions presque 60 ans, la vente de l’entreprise s’est imposée par la force des choses».

C’est André Lamothe qui tient ses propos aujourd’hui, 10 ans après la vente de la Laiterie Lamothe à la Coopérative Agropur qui a procédé, en 2010, à la fermeture de l’entreprise familiale.

André et ses deux frères Richard et Claude ont, en 1974, acheté de leur père Marcel la PME fondée au début du siècle dernier par Hilaire Lamothe et sa femme Emma. Ils innovent avec le lait bio et avec la cruche en plastique de deux litres. La réputation de l’entreprise dépasse les limites régionales, des livraisons sont effectuées à Sherbrooke, Magog, Coaticook, Rock Forest, Victoriaville, Montréal et Québec. Même une commande de produits laitiers parvient de Havre-Saint-Pierre!

Mais ce n’était pas dans les plans des trois frères de grossir tant que ça. «Dans les années 80 et 90, se rappelle André Lamothe, les affaires allaient bien avec environ 25 employés. On voulait juste s’en tenir à Drummondville et simplement bien vivre de ça. Par la force des choses, on a été obligés d’engager du personnel pour affronter la compétition. Les multinationales voulaient nous acheter. On nous disait clairement qu’on va vous faire mourir. Les gros mettaient de la pression sur nos clients. Le lait Lamothe a été sorti de chez Super C. Des cultivateurs étaient venus manifester avec des tracteurs devant l’épicerie. À l’intérieur, des gens faisaient leur marché, remplissaient leurs paniers et, arrivés à la caisse, demandaient s’il y avait du lait Lamothe. Comme ils se faisaient dire non, ils laissaient le panier sur place et sortaient. Le gérant avait menacé la direction de donner sa démission.

«N’empêche, poursuit-il, que tout ça a mis en jeu ma santé. J’étais stressé. Les enfants n’étaient pas intéressés à prendre la relève. Il aurait fallu investir jusqu’à 10 millions $ pour mettre à jour nos équipements et se relocaliser. Nous avions regardé un terrain sur le bord de l’autoroute 20. La Ville recevait des plaintes des résidents du développement domiciliaire qui avait poussé derrière la laiterie. Quand nous sommes arrivés au coin du boulevard Lemire et de la rue Saint-Pierre, c’était un champ de vaches et ça ne dérangeait personne. Mais le milieu urbain s’est développé tout autour et les voisins trouvaient que nos camions faisaient du bruit la nuit. C’est pour ça que la Ville était prête à nous aider pour nous relocaliser».

Aujourd’hui, André, Claude et Richard ont chacun leur petite fermette. Avec des chevaux bien sûr. Histoire de l19eur rappeler comment a été distribué le produit de la laiterie artisanale de leur arrière-grand-père.

Partager cet article