51 municipalités ont dit «non» au projet de loi 106

51 municipalités ont dit «non» au projet de loi 106
De nombreuses personnes ont discuté du très controversé projet de loi 106

ENVIRONNEMENT. Déjà 51 municipalités du Québec se sont dotées d’un règlement pour la protection de l’eau potable, à quelques semaines de l’adoption du projet de loi 106 sur la Politique énergétique du gouvernement du Québec. Ils déposeront à l’hiver prochain une requête commune demandant une dérogation au Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP).

Les représentants de quelques municipalités, dont le préfet de la MRC de Drummond, Jean-Pierre Vallée, ainsi que de nombreux spécialistes ont eu l’occasion de discuter en profondeur samedi du très controversé projet de loi, principalement en ce qui a trait aux hydrocarbures. La rencontre, qui a duré toute la journée, s’est déroulée au Best Western Hôtel Universel à Drummondville.

En 2014, le gouvernement du Québec a adopté le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection, qui prévoit, entre autres, la diminution des gaz à effet de serre et qui obligera une distance de 500 mètres entre un site de prélèvement d’eau et l’aménagement d’un site de forage. Selon plusieurs municipalités, cette distance est inacceptable, insuffisante et pourrait causer de nombreux dommages au sol.

«Nous réclamons une distance séparatrice d’au moins deux kilomètres pour un puits d’eau potable qui fournit moins de 20 personnes, de six kilomètres pour un puits qui fournit plus de 20 et, finalement, une distance d’au moins 10 kilomètres entre un site de forage et une prise d’eau autre qu’un puits (fleuve, lacs ou rivières)», a précisé le coordonnateur de l’événement aussi juriste et sociologue, Richard E. Langelier.

Cela fera bientôt deux ans que le Comité de pilotage de la Démarche commune des municipalités, qui regroupe les maires et mairesses d’Anticosti, de Ristigouche Sud-Est, de Saint-Antoine-de-Tilly, de Sorel-Tracy, de Lanoraie, de Mercier, de Nantes, d’Austin et de Batiscan,   souhaite obtenir une dérogation du gouvernement.

Le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a appris récemment que pour obtenir une dérogation, les municipalités doivent se doter chacune d’un règlement municipal. Jusqu’à présent, 51 ont réalisé la démarche.

Samedi, la rencontre a servi à déterminer, entre autres, la date butoir pour le dépôt de la requête commune au ministre David Heurtel. Ce sera le 15 janvier 2017. «Il n’aura pas le choix de prendre une décision», a commenté le maire de Ristigouche Sud-Est, François Boulay.

Au cours de l’avant-midi, les représentants des municipalités participaient à des ateliers ayant pour but de les informer sur le forage gazier et pétrolier ainsi que les distances séparatrices, les pipelines et les risques de contamination des sources d’eau potable ainsi que le transport des hydrocarbures par voie ferroviaire.

Ingénieur, géologue, avocat, hydrologue ou professeur de droit, des spécialistes de plusieurs domaines connexes se sont prononcés et ont évalué avec les municipalités les enjeux du projet de loi 106.

Notamment au sujet des pipelines, l’ingénieure et hydrologue Chantal Savaria a fait valoir qu’«il y aura bel et bien des accidents, mais il reste à savoir où et quand.» Elle a aussi expliqué que malgré les dégâts considérables, il n’y aura aucune garantie financière.

Le Comité de pilotage de la Démarche commune réclame donc une somme financière qui devra être versée le jour même de l’accident. «Il n’y aura jamais assez de revenus municipaux pour pallier à toutes les conséquences environnementales», a déploré la mairesse de Batiscan, Sonya Auclair.

D’autres dénoncent aussi la perte des compétences des MRC dans ce dossier. La loi 106 prévoit la modification en profondeur de 21 lois et cinq règlements existants.

Ce qu’ils ont dit

Deux représentants des premières nations participaient à la rencontre. Jean-Charles Piétacho, chef de la communauté Innue d’Ekuanitshit, a rappelé que sa communauté s’oppose à  l’exploitation pétrolière avec fracturation hydraulique dans un long discours touchant.

«On s’attaque à la terre mère depuis de nombreuses années et c’est ce qui nous a tous réunis. L’eau est sacrée. On doit se rejoindre et se demander ce qui se passe!», a-t-il lancé aux autres municipalités. Il en a aussi profité pour livrer une petite anecdote qui a su en faire réagir plus d’un dans la salle. «Parfois, les gens à qui je m’adresse sur ce projet ne veulent rien savoir et me dise: »Retourne dont dans le bois!» Je leur réponds: »Quand est-ce vas-tu me retrouver justement dans le bois, parce que tu fais encore du développement?»

Rappelons que Jean-Charles Piétacho s’est rendu au Dakota du Nord cette semaine, où les forages de pétrole sont quotidiens, pour appuyer une communauté dans sa démarche de contestation contre un projet d’oléoduc. D’ailleurs, selon lui, leur situation ressemble grandement au dossier de la fracturation sur l’île d’Anticosti.

La communauté MicMac de Gespeg s’oppose aussi à toute sorte de fracturation ou de stimulation chimique sur son territoire. La cheffe Manon Jeannotte en a profité pour annoncer qu’elle resignera une alliance avec Anticosti.

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