La réussite d’un immigrant selon Zoubir Guerras

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Par Jean-Pierre Boisvert
La réussite d’un immigrant selon Zoubir Guerras
Zoubir Guerras (Photo : Jean-Pierre Boisvert)

La vraie manière pour bien réussir l’intégration d’un immigrant dans son pays d’accueil c’est le travail.

Celui qui dit ça, c’est Zoubir Guerras, propriétaire depuis 11 ans du Shawarma Express, le petit resto d’inspiration moyen-orientale situé près du St-Hubert, sur le boulevard Saint-Joseph.

Le commerçant-cuisinier est venu d’Algérie, plus précisément de Constantine, l’une des plus anciennes cités du monde, qui doit son nom à l’empereur romain Constantin 1er.

Zoubir Guerras est arrivé à Drummondville il y a 21 ans et il souligne fièrement qu’il a toujours travaillé. «Même si j’avais un diplôme en zoologie et que j’avais été pompier en Algérie, j’ai dû recommencer à zéro ici, c’est un défi. J’ai touché à tout. J’ai travaillé dans des hôtels, à l’hôpital de Saint-Hyacinthe, à la prison de Drummond et j’ai suivi un cours de cuisine à temps plein à Marie-Rivier en même temps que je travaillais 40 heures au Dauphin. Ça finit par te donner du bagage», raconte-t-il avec son accent exotique.

Nous sommes attablés à l’une des banquettes de son restaurant. Le décor, tout comme les parfums de la nourriture, respire la Méditerranée. Les drapeaux qui pendent du plafond, dont ceux de l’Égypte, du Liban, de la Tunisie, du Maroc, en témoignent. La musique aussi ajoute à cette ambiance exotique. Il a manifestement consacré beaucoup de temps à peaufiner l’allure de son commerce.

Le travail, selon lui, c’est la façon de s’intégrer rapidement pour un immigrant. Il est bien placé pour en parler.

«Tu auras beau avoir les meilleurs programmes du gouvernement, un immigrant qui travaille, il s’aide lui-même. D’abord, il gagne sa vie, il côtoie des gens et il apprend des choses. En 1997, j’ai tenu un kiosque de bouffe au Mondial des cultures. Avec de la nourriture et des costumes de l’Algérie. C’est là que j’ai eu l’idée de partir le commerce que j’ai encore aujourd’hui. J’ai développé mon savoir et maintenant j’ai un resto qui a des prix compétitifs et une nourriture de qualité. Fais le tour de la province et essaie de trouver un resto comme le mien. Je sais ce que les gens aiment. Pour en arriver là, j’ai travaillé fort, j’y mets 80 heures par semaine. Il y a un jour de repos le dimanche, je dois penser aussi à ma conjointe et mes deux enfants», convient-il.

«Mais, malheureusement, enchaine-t-il, ce n’est pas tout le monde qui veut travailler. J’ai offert un emploi ici à des gens qui étaient sur le bien-être social. Ils ont refusé pour la plupart, c’était aussi payant pour eux de rester à la maison. Ils ne voulaient pas perdre les avantages comme les soins dentaires. Et quand ils venaient travailler, ils partaient après une journée. Trop dur, trop chaud, des excuses comme ça. Finalement tu te brûles à force de les former inutilement. En attendant, je suis obligé de refuser des commandes pour des partys de bureau».

Fermeture, déménagement, agrandissement?

En fait, Zoubir Guerras est tellement essoufflé du manque de personnel qu’il songe à fermer en octobre prochain lorsque son bail viendra à terme. «J’ai plusieurs options : ou bien je ferme, ou bien je déménage, ou bien j’agrandis. C’est rendu trop petit ici. J’ai aussi des projets, dont celui d’un mini-marché, un peu comme (la coopérative) Goût du monde mais avec mes connaissances et celles de ma conjointe qui est pâtissière, c’est son métier. Je pourrais créer une vingtaine d’emplois, mais il y a toujours ce problème de main-d’œuvre, c’est ce qui me fait hésiter, peut-être que je devrais prendre un petit «break» pour voir à ça. Pour l’investissement, je n’aurais pas besoin nécessairement d’un partenaire financier mais plutôt de quelqu’un qui mettrait la main à la pâte».

Chose certaine, Drummondville c’est chez lui. «J’adore Drummondville. Quand je reviens de l’Algérie où je vais voir parents et amis, j’arrive à l’aéroport de Montréal et je me dis que je reviens chez nous. J’ai du respect pour le Québec qui m’a ouvert les bras. J’ai des amis arabes qui viennent à mon resto et qui commandent en arabe, je leur dis : en français s’il vous plaît. Fais un effort. Ou dis-moi au moins le numéro trois (en pointant un numéro du repas). Je pense que c’est une question de respect», souligne-t-il.

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