Immigration : des indicateurs de l’intégration (Tribune libre)

Immigration : des indicateurs de l’intégration (Tribune libre)
Lettre d'opinion (Photo : Illustration, L'Express)

TRIBUNE LIBRE. Les indicateurs qui permettent de prendre la mesure de l’intégration des nouveaux arrivants revêtent un intérêt particulier au Québec qui, rappelons-le, a opté pour le modèle de l’interculturalisme. Selon cette vision, les immigrants devraient idéalement préserver l’essentiel de leur culture tout en adhérant peu à peu à celle de la majorité, laquelle bénéficierait de leur apport et se transformerait au gré des interpénétrations incontournables.

Aux antipodes, soit les cultures demeurent étanches les unes aux autres, soit elles s’enrichissent mutuellement sans trop de heurts. Dans le pire des scénarios, il se produit une position de repli défensif où chacun reste bien campé dans son univers. Les préjugés et la méfiance génèrent alors une spirale négative propice à la méconnaissance mutuelle et aux tensions interculturelles. Le plus redoutable étant l’émergence de ghettos ethniques durables qui menacent la cohésion sociale. Ajoutons le réflexe d’une solidarité ethnique négative, soit une tendance, souvent chez les plus jeunes, à former des gangs pour leur défense. Chez les immigrants adultes convaincus à tort ou à raison de ne pas être reconnus à leur juste valeur ou de subir de la discrimination, on pourrait observer du ressentiment et même l’envie d’explorer un autre ailleurs sur le continent. Quant aux Québécois francophones, fragilisés par leur statut de minorité, la crainte d’être envahis et de perdre leur identité pourrait faire obstacle au désir d’intégrer si les politiques migratoires ne parviennent pas à les rassurer.

En tenant pour acquis que la société d’accueil offre des services convenables pour répondre aux besoins de base des nouveaux venus, des comportements témoignent de leur progrès vers l’intégration. Se montrer proactif quant à accéder aux ressources d’aide, établir des contacts, entreprendre des formations et chercher du travail en font partie. S’ajoutent, entre autres, un investissement notable dans l’apprentissage du français et le désir d’explorer le territoire et la culture. À leurs yeux, le succès de leur intégration se mesure indéniablement par un travail à temps plein et un revenu qui leur permet de vivre et de faire vivre leur famille.

L’indicateur le plus révélateur s’observe lorsque les individus issus de l’immigration, eux et leur progéniture, contribuent au développement de la société d’accueil. Dès lors, il est question de participation et d’engagement sur plusieurs plans, autant culturel, économique que politique. Des avancées qui vont d’ailleurs de pair avec l’élargissement de leur réseau social, et un intérêt de plus en plus marqué pour leur nouvelle société. À tout le moins, une appréciation générale plus positive avec une pointe de reconnaissance. Du point de vue des natifs, l’aisance à côtoyer ces nouveaux concitoyens, due à l’habitude, aux fréquentations, voire à l’appréciation, traduit sans doute la capacité d’intégrer. Mais se montrer curieux, bienveillant et disposé à prêter assistance n’interdit pas néanmoins d’affirmer ses valeurs, et de se faire respecter.

Certes, différents facteurs entrent en jeu. Tous n’arrivent pas avec le même bagage. L’immigrant dit économique ne relève pas les mêmes défis qu’un demandeur d’asile. La classe sociale, les compétences, la culture d’origine, l’âge, la langue parlée, les attentes, l’aide reçue à l’arrivée et la personnalité interviennent tout autant quant à la volonté et à la facilité de s’intégrer. Mais tous ne peuvent pas devenir des Boucar Diouf, Kim Thuy, Rachid Badouri, Fady Daguer, Mariana Mazza, Maka Kotto, Dany Laferrière ou Danièle Henkel. Enfin, retenons que le temps compte également. Par exemple, les mariages interethniques, une autre mesure forte de l’intégration, ne surviennent souvent qu’à la deuxième génération et plus.

Pierre Langis (Immigration.Integration@outlook.com)

 

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