Marthe Laverdière, l’artisane du bonheur

Photo de Cynthia Martel
Par Cynthia Martel
Marthe Laverdière, l’artisane du bonheur
Marthe Laverdière a accordé une entrevue en septembre dernier à l’auteure de ces lignes, avant sa première représentation à la Maison des arts de Drummondville. (Photo : Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Si l’authenticité avait un nom, on l’appellerait Marthe Laverdière. L’horticultrice la plus populaire du Québec cultive la joie de vivre et répand le bonheur partout où elle passe. Tombée dans la marmite de l’horticulture par hasard, elle peut affirmer que le hasard a bien fait les choses en la transportant maintenant sur scène avec son premier one-woman-show. Tête-à-tête en toute sincérité et simplicité avec une femme fonceuse, drôle, sensible et conteuse intarissable.

Horticultrice, massothérapeute, agente de recouvrement, cuisinière, auteure, conférencière et maintenant humoriste… vous avez une feuille de route incroyable! Est-ce que tout ça relève du hasard ou bien vous êtes une multipotentielle ou tout simplement, une éternelle curieuse?

Chaque être humain a une multitude de possibilités, mais généralement, on passe à côté de 90 % de ces possibilités-là. J’aime beaucoup les défis et j’accepte les échecs aussi. C’est le fun de voir jusqu’où je peux aller, de repousser mes limites tout en montrant aux autres que j’ai le droit de me tromper, de ne pas réussir. Ce n’est pas grave, ça fait partie de la vie. Mon père, avant de mourir, m’a dit : Quand tu vas être rendue où je suis, arrange-toi pour ne jamais dire j’aurais dont dû. Je regarde ce que la vie me dit et puis si ça m’arrive, c’est parce qu’il faut que j’aille là. J’y vais sans me poser trop de questions, je me fie à mon instinct. Parfois, je ne m’en sors pas, parfois oui.

Justement, avec la vie foisonnante que vous menez, vous en avez vu de toutes les couleurs. Vous avez rempli votre sac à anecdotes toutes plus rocambolesques les unes que les autres, mais non moins véridiques. Dans votre spectacle, vous entraînez le public dans toutes ces histoires.

Dans une vie et en 34 ans de travail avec plusieurs métiers, il y en a des vertes et des pas mûres. J’ai tellement fait de métiers, mais pourtant, je n’ai réellement rien choisi à part minou (NDLR : son conjoint)! J’ai acheté mes serres lors d’un encan parce que j’avais chaud et je bougeais. Je ne savais pas, moi, lorsque tu bouges dans un encan, ça veut dire que tu mises. Puis, je me suis ramassée massothérapeute, car j’avais mal au dos et je voulais suivre un petit cours de quelques jours pour me soigner. Mais en ne m’informant pas assez, je me suis ramassée dans un cours de 10 mois à 30 heures par semaine. Je me suis lancée. Dieu merci, je suis fonceuse et hyperactive, car c’est ce qui fait que je réagis hyper vite dans des situations où tout le monde dirait : Je suis faite à l’os. Des fois, je me demande comment j’ai fait pour passer au travers. Tu sais, survivre à sa vie, c’est une grâce! (rires)

Est-ce que vous vous sentez à votre place autant sur scène que dans une serre?

C’est pareil. Sans m’en rendre compte, dans ma serre, je faisais de l’humour. Je trouvais que les gens étaient tristes à vouloir bien paraître avec des aménagements paysagers à 45 000 $. Je leur passais un message en faisant des jokes.

Le public a découvert Marthe Laverdière autour de 2016 avec ses capsules vidéo humoristiques traitant de différents sujets sur l’horticulture. (Photo Ghyslain Bergeron)

Avez-vous le trac?

Non, je n’ai jamais ressenti du stress avant un spectacle. Peut-être parce que je le vis à l’âge que j’ai. Quand tu es jeune, tu ne te connais pas réellement, tu veux te prouver tellement d’affaires tandis qu’à 60 ans, ce n’est plus ça. C’est beau vieillir, car on réalise réellement ce qui est important et maintenant, ce qui l’est chaque soir de représentation, ce n’est pas de montrer aux spectateurs que je suis bonne, mais bien d’avoir du plaisir avec eux. C’est comme si on était tout le monde autour de ma table à cuisine et que je leur contais des histoires.

Autrement dit, vous restez vous-même sur la scène. D’ailleurs, vous enseignez, à travers vos conférences, l’importance de demeurer soi-même.

Si tu n’es pas toi-même dans la vie, tu ne peux pas rendre les gens heureux et tu ne peux pas être heureux par le fait même, car il n’y a pas de vérité. Dans ma salle à manger, j’ai une décoration sur laquelle il est écrit : «La vérité amène la joie». Ça, je l’ai très bien compris après ma dépression. J’avais plusieurs masques avant et je les ai tous enlevés. Jamais je ne vais en remettre un.

Vous portiez ces masques pour plaire?

Comme la plupart des jeunes, j’ai longtemps misé sur la réussite. Je voulais prouver que je savais tout et je voulais faire toujours plus d’argent. Ça ne fonctionne pas à long terme. J’ai appris de la dépression (NDLR : elle a duré de 2007 à 2010) que le bonheur est dans le juste milieu et non dans l’extrême. La Marthe d’avant, c’est une Marthe que j’avais fabriquée, et elle a failli me tuer. La Marthe que les gens voient maintenant, c’est la vraie. Tu ne veux pas m’aimer, c’est correct; moi-même je n’aime pas tout le monde.

Quel est le plus gros défi que vous avez dû surmonter?

De tuer celle que je n’étais pas. C’est ce que j’ai fait de plus difficile; ça m’a pris trois ans de lutte très forte avec moi-même. J’ai eu peur de ne pas gagner. Un jour, je suis allée dans mon chalet en bois rond que minou m’avait construit en arrière de la maison, parce que je voulais m’isoler. Je me rappelle que lorsque j’ai pris la poignée, je me suis dit que ça devait être la vraie Marthe qui allait en ressortir. Je n’étais plus capable d’être la femme qui savait tout, de répondre à toutes les questions, d’être toujours celle qui n’avait pas de problème, de n’être jamais fatiguée. J’étais écoeurée de ça. J’ai béni ma dépression. Ç’a été une des meilleures choses qui me soit arrivée dans ma vie tout en étant la plus difficile. Je devais vivre ça pour vivre autre chose. Et je devais, avant de mourir, devenir celle que je suis maintenant.

Est-ce que vous caressiez depuis longtemps le projet de monter sur une scène avec un one-woman-show?

Le show-biz, le vedettariat, c’est loin de moi, je n’ai même pas de télé chez moi! Ce n’est pas un plan de carrière. L’idée du show est venue d’un rêve que j’ai en commun avec minou d’ouvrir une maison de répit pour les parents d’enfants handicapés, sur la Rive-Sud de Québec. Ma petite-fille, Jeanne, est handicapée très sévère (NDRL : elle est atteinte du syndrome de Rett atypique). Je suis bien placée pour comprendre les défis de ces enfants et la fatigue des parents. Je pense qu’il y a une grosse partie de ce qui m’arrive en ce moment qui est pour aider ces enfants-là. C’est souffrant avoir un enfant handicapé dans sa famille, tu veux que cette souffrance ne soit pas inutile. Donc, c’est ma façon de donner un sens à ça. Alors les profits sont versés à la fondation que j’ai mise sur pied. Si je réussis ça, ma fille, je vais pouvoir me coucher et fermer le couvert de la boîte en paix.

Ce premier one-woman-show est mis en scène par Mario Jean. Vous avez choisi Drummondville pour votre résidence, pourquoi?

J’aime beaucoup Drummond, parce que c’est central, mais c’est plus que ça. Quand je viens ici, par exemple au Costco, tout le monde vient me parler. C’est une des seules places où les gens ne se gênent pas pour venir me voir et sont faciles d’approche, comme dans mon rang. J’aime ça, j’ai besoin de cette proximité-là. Et j’aime bien la Maison des arts.

Si on vous disait demain matin que vous décéderiez, est-ce que vous vous diriez : J’aurais dont dû?

Non. Avec ce nouveau spectacle, je vais avoir fait ce que j’avais à faire, comme mon père disait. Je pense que – et ce n’est pas pour me vanter – je suis capable de faire rire et je peux être une personne qui apporte du bonheur aux autres.

 

Marthe Laverdière viendra présenter Marthe Laverdière fait son show le 9 décembre à la Maison de la culture de L’Avenir ainsi que le 3 février 2024 à la Maison des arts Desjardins de Drummondville, pour la deuxième fois.

 

Marthe Laverdière est aussi colorée que les fleurs qu’elle cultive. (Photo Ghyslain Bergeron)

Sa fleur préférée

Il était impossible de passer à côté de la question de la fleur préférée. Sans hésitation, la star de l’horticulture a affirmé apprécier particulièrement la marguerite et le bouton d’or.

«C’est ce qui me ramène à mes émotions quand j’étais enfant. Ma mère est décédée quand j’avais deux ans. J’étais souvent mélancolique, donc chaque fois, mon père me disait de coller un bouton d’or sur mon nez de sorte que le pollen le colorait jaune. Papa me disait alors : Ça signifie que ta mélancolie est partie. Je croyais que c’était magique. Puis pour les marguerites, leur odeur est rassurante.»

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