Manger comme au resto… à l’hôpital

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Par Cynthia Martel
Manger comme au resto… à l’hôpital
Le cuisinier Jean-Pierre prépare le souper. (Photo : Ghyslain Bergeron)

ALIMENTATION. Exit l’idée préconçue voulant que la nourriture servie dans les établissements de santé soit peu appétissante et mauvaise au goût. L’hôpital Sainte-Croix prouve qu’il est possible de servir des repas sains et savoureux, comme au resto et à la maison.  

Chili végétarien, tacos, poke bowl, poulet général Tao… la variété est au rendez-vous. Au moment de la visite de L’Express le 27 octobre, les cuisiniers s’apprêtaient à servir le souper. Au menu? «Du poulet à la reine servi avec des linguines au beurre et des légumes. Il y a également de la steakette de veau comme deuxième choix», nous informe le cuisinier Jean-Pierre.

Près de 2950 repas y sont concoctés par jour. Les employés servent non seulement les patients de l’hôpital, mais aussi les visiteurs et le personnel en plus de nourrir les résidents du centre d’hébergement Marguerite-d’Youville de même que du centre jeunesse.

Au sein de cette vaste cuisine où y travaillent 65 employés, la qualité des aliments est primordiale.

«C’est non négociable!» lance Hélène Gosselin, chef de service alimentaire à l’hôpital

«La qualité, c’est un point fort ici, à Drummondville», note Anne-Marie Gagné, conseillère-cadre en alimentation au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec.

Même les purées servies à la clientèle cible ont été enrichies et améliorées pour qu’elles soient «bonnes et belles à l’œil».

«Nous recevons souvent de très bons commentaires, les gens nous disent que c’est bon», expose Audrey Pinard, assistante-chef technicienne en diététique.

Mais il faut dire que les menus proposés au centre hospitalier drummondvillois n’ont pas toujours été aussi alléchants et bons pour la santé.

«Quand j’ai commencé à travailler à l’hôpital il y a plusieurs années, on servait du foie de porc pané cuit dans le gras de bacon, c’est pour dire!», indique en riant Mme Gosselin.

L’alimentation a évolué au fil du temps. Partant du principe que la nutrition peut jouer un rôle de médicament, les équipes ont misé sur un service alimentaire plus sain.

«Avant, presque tous les légumes servis étaient en conserve; maintenant, ils sont principalement congelés, parfois frais. Ils contiennent donc moins de sel et côté environnement, c’est mieux un sac de plastique qu’une conserve en métal», précise la chef de service.

Nouvelle politique alimentaire

Depuis la création du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, chaque réseau local de service, comme Drummond, avait conservé sa politique alimentaire. En d’autres mots, chaque région gérait ses services d’alimentation de façon indépendante. Depuis un mois, la politique unifiée pour une saine alimentation est entrée en vigueur. Le CIUSSS a mandaté Anne-Marie Gagné pour l’élaborer il y a un an. Celle-ci a revu tous les services de fond en comble, en s’appuyant sur les orientations ministérielles datant de 2009 et du Guide alimentaire canadien 2020 tout en s’inspirant des meilleures pratiques. D’ailleurs, les services à Drummondville ont été source d’inspiration sur certains aspects.

«La politique qu’on a, elle est assez unique au sens où on s’est basé sur le nouveau guide. Aussi, le ministère est en train de se pencher sur son nouveau cadre de référence, donc on est un peu en avance», fait savoir Mme Gagné.

Parmi les changements marqués, l’introduction des protéines végétales est fortement suggérée.

«On n’en parlait pas avant. Selon le guide alimentaire, elles devraient être intégrées plus souvent et consommées plus que la viande», fait savoir la maître d’œuvre de la politique.

La protéine végétale texturée (PVT) a maintenant une place de choix dans les recettes cuisinées à l’hôpital Sainte-Croix.

Audrey Pinard, assistante-chef technicienne en diététique à l’hôpital Sainte-Croix, Anne-Marie Gagné, conseillère-cadre en alimentation au CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, Émilie Cloutier, coordonnatrice en alimentation de la zone sud, et Hélène Gosselin, chef de service alimentaire à l’hôpital. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«Généralement, on met 2/3 de viande pour 1/3 de PVT. Par contre, nos tacos contiennent exclusivement cette protéine. Nous servons aussi du beurre d’arachide au tofu et nous privilégions de plus en plus les légumineuses. Ça passe très bien auprès des usagers. D’ailleurs, nous avons de plus en plus de demandes pour des mets végétariens, donc on essaie de développer ce volet-là», énumère la gestionnaire Hélène Gosselin.

De surcroît, la politique élaborée par Mme Gagné prévoit certaines adaptations en ce qui a trait aux établissements considérés comme milieux de vie, tels que les CHSLD et centres jeunesse. Précisément, il est permis à cette clientèle de manger à l’occasion des aliments de moins bonne valeur nutritive, tels que frites, hot dog, poutine, croustilles et boissons gazéifiées.

«C’est important que ces aliments se retrouvent parfois dans les menus, car ça fait partie des plaisirs de la vie et on veut que les gens dans ces milieux puissent s’alimenter comme à la maison. C’est une demande qui est revenue souvent durant les consultations. On a donc balisé le tout pour qu’il n’y ait pas d’excès», souligne-t-elle.

Celle-ci suggère d’ailleurs que les résidents participent à la planification du menu.

Développement durable

La vision du CIUSSS d’une saine alimentation passe également par le développement durable. Les établissements doivent implanter des mesures pour diminuer la production de matières résiduelles et minimiser les impacts environnementaux de leurs activités. Cela passe entre autres par le recyclage, le compostage, l’utilisation de vaisselle réutilisable et un programme de récupération des surplus alimentaires. Depuis quelques années, l’hôpital Sainte-Croix collabore avec la Tablée des chefs. Tous les plats cuisinés non servis sont distribués au Comptoir alimentaire.

«Ça se faisait principalement juste à Drummondville. Comme il y a des bénéfices, on trouvait pertinent d’inclure cette pratique à la politique», mentionne Anne-Marie-Gagné.

Le recyclage est bien implanté à Drummondville. Le compostage instauré en 2018 a dû cesser en raison de la pandémie. «Mais on est en train de le relancer», assure Hélène Gosselin.

En ce qui a trait à la vaisselle réutilisable et aux récipients alimentaires, le centre hospitalier drummondvillois se démarque.

Un bol à soupe réutilisable. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«Tout ce que le patient a dans son plateau est réutilisable, à l’exception du couvercle mis sur le verre qui contient l’Ensure», précise Audrey Pinard.

«On diminue beaucoup sur l’emballage, car on produit presque la totalité de nos mets maison», ajoute la gestionnaire.

Enfin, la politique prévoit miser davantage sur l’achat local.

«Il faut noter que le CIUSSS a un des meilleurs pourcentages d’achat local au Québec. Selon les dernières analyses, 57 % de nos achats auprès de notre distributeur principal étaient des produits locaux», termine fièrement Anne-Marie Gagné.

 

Quelques chiffres

  • 2940 repas produits par jour;
  • 28 litres de sauce à spaghetti sont nécessaires pour servir un repas;
  • 35 litres de pommes de terre en purée sont servis en un seul repas;
  • 5323 kg (17 439 portions) de surplus alimentaires ont été remis à la Tablée des chefs en 2022;
  • Il en coûte 2,82 $ en denrées alimentaires pour nourrir un usager par repas. En 2020, ce prix s’établissait à 1,90 $;

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