Numériser à en avoir chaud

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Par Cynthia Martel
Numériser à en avoir chaud
Mélanie Charbonneau numérise un dossier fictif. (Photo : Ghyslain Bergeron)

SANTÉ. Les employés des archives de l’hôpital Sainte-Croix ne chôment pas. Dix-huit semaines après le virage électronique, un peu plus de 802 000 formulaires cliniques ont été numérisés, ce qui représente en moyenne 47 155 feuilles reçues par semaine de différents services.

Le projet de dossier patient électronique (DPE) a été déployé à Drummondville le 29 mai dernier, précisément.

«C’était attendu au sein des professionnels de la santé et des employés des archives. Ils voyaient depuis 2008 leurs collègues de l’hôpital de Trois-Rivières en bénéficier, donc ils avaient hâte de l’expérimenter», fait savoir Nadia Péloquin, chef de service numérisation pour le DPE.

Concrètement, le dossier patient électronique consiste en la numérisation des documents papier complétés à la fin d’un épisode de soins pour permettre aux intervenants et médecins la consultation électronique. Par exemple, les formulaires remplis à la suite d’un rendez-vous en orthopédie ou en radiographie, lors d’une admission ou d’une visite à l’urgence ou encore les résultats de laboratoire sont maintenant numérisés et sauvegardés dans le dossier électronique du patient.

«C’est un grand changement pour les agents administratifs des archives, lance Esther Bouffard, chef des services accueil, admission et archives pour le RLS Drummond. Avant, leur tâche se résumait à chercher et sortir manuellement les dossiers des patients admis à l’hôpital pour ensuite les livrer à pied sur chaque département. Par soir, on pouvait manipuler jusqu’à 500 dossiers. Présentement, étant donné que le projet vient d’être déployé, nous en livrons encore, mais dans quelques années, ça ne se fera plus.»

(Photo : Ghyslain Bergeron)

Les voûtes des archives contiennent un nombre impressionnant de dossiers accumulés depuis 1949, année d’ouverture de l’hôpital. À ce jour, on compte 340 040 dossiers actifs. Pour le moment, le projet prévoit la numérisation de façon rétroactive des documents de laboratoire et d’imagerie uniquement.

«La numérisation de tout le reste est prévue pour plus tard. Les employés en ont pour des années à numériser tous les dossiers actifs!» indique Mme Péloquin, sans pouvoir évaluer le temps requis.

À 6700 formulaires à numériser quotidiennement en plus de la conversion numérique des dossiers papier actifs, les agents administratifs ont du pain sur la planche… de quoi avoir chaud!

Adaptation

Évidemment, toute transformation numérique entraîne une adaptation. Sachant que le DPE apporterait son lot d’avantages, les agents administratifs et archivistes ont relevé leurs manches et ont embarqué à 100 % dans le projet.

«Des projets de transformation numérique d’une telle ampleur, ça ne s’est pas vu souvent au sein du CIUSSS. C’est une grosse transition, mais je crois que les gens ne retourneraient pas en arrière», affirme Marc-Antoine Pouliot, chef de service transformation numérique à la direction des ressources informationnelles.

Doyenne des agents administratifs, Jocelyne Caux ne se cache pas pour dire qu’elle éprouvait quelques craintes.

(Photo : Ghyslain Bergeron)

«Je ne suis pas très à l’aise avec l’informatique. Et quand ça fait 17 ans que tu fais la même chose, ça fait peur un peu, surtout qu’on a fait un virage à 360 degrés. Mais nous avons été très bien accompagnés. Je me surprends, ça va très bien!» exprime-t-elle avec satisfaction.

Avec le DPE, la rapidité d’accès aux données s’accroît considérablement. Les professionnels de la santé peuvent consulter le dossier, peu importe où ils se situent dans la région, et ce, simultanément.

«C’est un gros avantage. Les médecins ne pouvaient pas se partager le dossier avant, étant donné que le papier égale un seul exemplaire. Les délais de consultation pouvaient être longs lorsqu’un usager devait être transféré d’une unité à une autre, soit le temps qu’un agent aux archives aille récupérer le dossier et le transmettre à la bonne personne», explique Esther Bouffard qui a sous sa responsabilité une trentaine d’agents administratifs et une dizaine d’archivistes médicaux.

Nul doute que tout le monde est gagnant dans cette transition qui était maintenant devenue nécessaire.

Protection des renseignements personnels

À l’ère du numérique, la protection des renseignements personnels constitue un réel défi. Le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec s’est entouré d’experts et s’est équipé pour mettre en place des mesures de sécurité adéquates. Aux dires de Marc-Antoine Pouliot, chef de service transformation numérique à la direction des ressources informationnelles, le système est éprouvé contre les failles et les bogues.

«On a ce qu’on appelle la redondance géographique : les serveurs se trouvent à deux endroits dans le CIUSSS. Ceux-ci se parlent en temps réel de sorte qu’on assure l’intégrité. Il y a un serveur primaire et un de relève. Advenant un bogue dans le primaire, les données se transfèrent dans le relève. Il y a en plus un système backup qui prend des photos deux fois par jour pour vraiment s’assurer de ne pas perdre aucune information», précise M. Pouliot.

«De plus, le ministère nous oblige à nous conformer à une cote DIC (disponibilité, intégrité, confidentialité) afin de s’assurer que l’information soit protégée. Concernant le piratage, le risque est très faible étant donné que c’est un système à l’interne. Les gens qui veulent le consulter à l’externe doivent passer par une plateforme provinciale pour sortir du réseau. C’est le ministère qui octroie l’accès. Il n’y a pas de crainte à avoir de ce côté», poursuit-il.

Incursion

La concentration est à son comble dans ce coin aménagé au sous-sol de l’hôpital. Il faut dire que la numérisation des formulaires santé nécessite une manipulation particulière et une attention méticuleuse aux détails.

À la suite d’une demande d’incursion, L’Express a été en mesure de constater le nouveau quotidien des employés et suivre étape par étape le processus de numérisation.

Avant toute chose, la préparation des documents à numériser est l’étape primordiale afin de réduire les risques d’erreur et prévenir la perte d’information en évitant d’abîmer les feuilles. Cette tâche revient principalement à la cheffe d’équipe Mélanie Charbonneau. Celle-ci doit s’assurer que les numéros de pages se suivent, elle doit aussi classer les formulaires selon l’ordre de priorité de traitement, les déplier et retirer agrafes et trombones. Le temps de préparation pour un lot standard de documents, qui peut contenir jusqu’à 150 pages, varie entre 20 et 40 minutes de préparation. L’étape de la numérisation ainsi que celles de la codification et de la vérification nécessitent une trentaine de minutes.

«Une fois que les feuilles sont entrées dans le système, on vérifie si une page n’a pas été pliée, si les rectos versos ont été bien faits. On vérifie également si le nom du patient correspond toujours. Vient ensuite la codification pour que les formulaires se classent par date et dans le bon épisode de soin, c’est-à-dire urgence, hospitalisation, ORL, etc.», explique Mme Charbonneau en faisant une démonstration à l’ordinateur.

Après la numérisation, les documents papier sont conservés trois mois, puis déchiquetés.

Ces étapes sont répétées maintes et maintes fois par jour. Maintenant bien en selle, les employés ont pris une bonne vitesse de croisière.

Marc-Antoine Pouliot, chef de service transformation numérique à la direction des ressources informationnelles, Nadia Péloquin, chef de service numérisation pour le DPE, et Esther Bouffard, chef des services accueil, admission et archives pour le RLS Drummond. (Photo : Ghyslain Bergeron)
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