Faute de pouvoir se payer un médicament, une sexagénaire voit ses jours comptés

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Par Claude-Hélène Desrosiers
Faute de pouvoir se payer un médicament, une sexagénaire voit ses jours comptés
De gauche à droite: Jacqueline René, Réjean Frenette, Ginette Lacharité, Jean-Claude Dupin et Louise Rajotte. (Photo : Ghyslain Bergeron)

SANTÉ. 2085 $ par mois. C’est le montant que doit payer Ginette Lacharité, une Drummondvilloise atteinte de fibrose pulmonaire, pour un médicament qui ralentit le cours de sa maladie. En bref : sans ces comprimés, il ne lui reste plus que quelques mois à vivre, tout au plus.

Cette maladie est chronique et évolutive. Les poumons de Mme Lacharité se rigidifient de plus en plus. Auparavant, elle recevait sans problème la pirfénidone, le médicament en question. Elle bénéficiait des assurances de son conjoint, jusqu’à ce qu’il décède. En passant au régime d’assurance-maladie du Québec (RAMQ), on lui a annoncé qu’il était couvert sous des conditions strictes. La pneumologue de Ginette Lacharité a fait une demande d’autorisation pour qu’elle puisse continuer à y avoir accès. Elle a été rejetée parce que, parmi les critères, le médecin doit prouver l’absence de détérioration de l’état de la patiente, basée sur la «capacité vitale forcée», c’est-à-dire la quantité maximale d’air pouvant être expiré après avoir inspiré le plus profondément possible. «Eux, ils ont un certain barème pour que le médicament soit payé. Moi mes poumons étaient un peu plus affaissés, plus haut que le barème. C’est pour ça qu’ils ont refusé», explique-t-elle.

Caroline Dupont, porte-parole médias à la RAMQ, précise que la pirfénidone est un médicament d’exception remboursé dans des cas extrêmement pointus, conditions qui sont élaborées par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) et que doit respecter la RAMQ.

Jusqu’ici, Ginette Lacharité a puisé dans ses économies pour se payer le médicament. «J’avais un peu d’argent de côté, mais ça s’envole», dit-elle.

Devant un mur

Ginette Lacharité a rencontré cet été la pneumologue en compagnie de ses enfants, qui lui a expliqué qu’il lui restait quelques mois à vivre, peut-être un an, deux tout au plus. «Mais ça, c’est avec le médicament. Si j’arrête de prendre ce médicament-là, mes jours sont comptés», avance la Drummondvilloise.

Considérant ce fait, la pneumologue a proposé qu’elle cesse l’utilisation de la pirfénidone, une option que la patiente a rejetée, voulant vivre le plus longtemps possible. Depuis, la médecin spécialiste et son équipe tentent de trouver une manière pour qu’elle puisse recevoir ses médicaments gratuitement.

Ginette Lacharité est pourtant bien décidée à savourer chaque jour qui lui est offert. Elle conduit son auto, elle adore la vie et veut profiter de la présence de ses enfants encore.

La sexagénaire est calme et effacée. Pas le genre de femme à demander quoi que ce soit. «Moi j’ai tout essayé. Si ça ne me sert pas à moi, ça servira aux autres», affirme-t-elle avec détermination.

Après avoir fait des ménages toute sa vie et avoir été la proche aidante de son mari pendant une vingtaine d’années, elle a parfois l’impression de ne pas avoir pu profiter assez de la vie.

Elle ne s’illusionne pas sur le futur et ne demande pas à guérir, simplement à avoir accès à ce médicament qui lui offre plus de temps avant de mourir.

Ce qui lui procure le plus de joie, ce sont ses enfants. Depuis qu’elle est malade, ils ne ratent pas une occasion de lui dire je t’aime. «Ils savent que ça s’en va», exprime Mme Lacharité posément.

Vivre dignement

L’Association québécoise de défense des droits des personnes retraitées et préretraitées (AQDR) du Centre-du-Québec supporte la Drummondvilloise dans ses démarches. Des lettres ont été envoyées à plusieurs instances, sans réponse. «On demande de pouvoir vivre en dignité avant de mourir», souligne Réjean Frenette, président de la section du Centre-du-Québec. Pour eux, il s’agit d’une priorité que de défendre les droits d’une personne qui, elle aussi, a le droit de vivre. «Je ne comprends pas qu’en 2023 on se défende comme ça. Même les médecins ont l’air d’ignorer ça. C’est pareil comme s’ils ne la croyaient pas, comme s’ils se disaient que ce n’est pas important, vu qu’il lui reste juste quelques mois à vivre», s’insurge M. Frenette.

«C’est une question de vie ou de mort. On arrête le médicament et elle meurt. Comprenez-vous ça dans un pays comme on est ?», renchérit Jacqueline René, administratrice à l’AQDR.

Louise Rajotte, directrice intervenante de l’organisme, s’interroge sur les raisons qui expliquent que c’est au Québec qu’il y a le plus de demandes d’aide médicale à mourir. Elle croit que cela pourrait être dû au manque de soins qu’elle observe dans les centres d’hébergement. «Les gens sont laissés à eux-mêmes. Il y a un problème», affirme-t-elle. «Et pour vivre en dignité, il faut avoir les services dont on a besoin», ajoute M. Frenette.

 

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