Elle trouve son bonheur dans la différence

Photo de Cynthia Martel
Par Cynthia Martel
Elle trouve son bonheur dans la différence
Les contrats se multiplient pour Zooey Delvaulx depuis qu’elle est au sein de l’agence Ema. (Photo gracieuseté Christyna Pelletier)

MAGAZINE. Ses cheveux blancs immaculés et ses yeux d’un bleu clair éclatant font tourner les têtes. Du haut de ses 13 ans, Zooey Delvaulx incarne la différence et la détermination. Première albinos à joindre les rangs de l’agence de mannequins Ema, cette jeune fille pétillante en inspire déjà plusieurs.

Zooey Delvaux s’est fait remarquer en 2020 sur le réseau social Instagram.

«C’était en plein milieu de la pandémie. Ma mère a commencé à mettre des photos professionnelles de moi. Rapidement, j’ai participé à quelques projets et une agence de Montréal m’a approchée. Ma popularité a ensuite monté en flèche; des albinos de partout dans le monde se sont abonnés à ma page», se rappelle l’adolescente.

Zooey rêvait depuis longtemps au mannequinat. Depuis le jour, où par hasard, elle a rencontré une mannequin albinos devenue sa mentore.

«Elle m’a inspirée, car elle réussissait malgré sa condition. J’ai vu tous les bienfaits que le mannequinat lui procurait au niveau de sa confiance et son acceptation d’elle.»

Bien qu’elle soit de nature fonceuse, il faut dire que Zooey a longtemps été complexée l’empêchant de gagner de la confiance en elle.

«Mon plus gros complexe, c’était ma vision. Je suis légalement non voyante. Jeune, je devais utiliser une loupe à l’école. Je détestais aussi mes cheveux», indique celle qui réside à l’Assomption, dans Lanaudière.

Nombreux sont les défis que Zooey a dû surmonter pour s’adapter au quotidien depuis sa naissance. Le chemin parcouru jusqu’ici, elle le doit beaucoup à ses parents.

«Je me rappellerai toujours cette phrase de mes parents : «On ne repeindra pas tous les trottoirs en jaune pour toi. C’est toi qui dois t’adapter et surmonter les défis».»

Ces mots ayant toujours résonné en elle, Zooey a pu cultiver sa résilience et ainsi atteindre ses objectifs.

Parlant d’objectifs, revenons en 2022. Après quelques petits contrats, Zooey avait le goût d’explorer davantage l’univers de la mode.

«L’agence de Montréal me convenait plus ou moins, elle n’était pas très dynamique. J’ai eu trois appels en un an. Ma mère a alors trouvé Ema et a pris contact avec la directrice. Mon premier rendez-vous s’est vraiment bien passé. L’ambiance là-bas et les valeurs que prône l’agence, dont l’inclusion, c’est vraiment ce que je recherchais», explique la jeune fille pleine d’ambitions.

Jacynthe Bouffard (Photo gracieuseté)

«Aussitôt qu’on a vu son visage sur les photos, on a tout de suite été charmé et il n’y avait aucun doute qu’on voulait la rencontrer», se remémore Jacynthe Bouffard, directrice de l’agence Ema qui a depuis longtemps pour mission de célébrer la beauté dans sa diversité.

En quelques mois, Zooey a été propulsée à un autre niveau; les contrats se sont multipliés.

«Très vite, des photographes très connus ont voulu travailler avec elle. Elle a également décroché un contrat de coiffure à Las Vegas au début du mois d’avril et il se peut que ça se renouvelle pour trois autres aux États-Unis. Puis, un recruteur à l’international doit la rencontrer pour la propulser dans les agences ailleurs dans le monde. Bref, c’est très prometteur», détaille avec enchantement Mme Bouffard.

Ce que vit présentement Zooey n’a rien d’ordinaire pour une jeune fille de son âge, encore moins pour une mannequin. Généralement, les agences internationales recrutent les modèles lorsqu’elles ont plus de 16 ans, et ce, selon certains standards. Il faut aussi noter qu’elle a un défi de plus qu’elle doit surmonter : défiler sur une passerelle de mode avec une acuité visuelle particulièrement faible.

«Elle doit apprendre à marcher en levant la tête, c’est un défi, car normalement, elle regarde toujours le plus proche et pour elle, c’est le sol», précise sa maman, Kathy.

Gagner de la confiance

Devenir mannequin a eu un effet bénéfique sur l’estime de Zooey. Peu à peu, elle a appris à s’accepter et trouver son bonheur dans la différence.

«Pour moi, être différente, c’est une chance», réalise-t-elle.

Grâce au mannequinat, Zooey Delvaulx a pleinement gagné sa confiance en elle. (Photo gracieuseté – Christyna Pelletier)

Il y a à peine trois ans, son niveau de confiance se situait à 4,5 sur 10; maintenant, il est à plus de 12, s’exclame-t-elle.

«Je vis tellement de belles expériences de vie! En plus de la confiance et l’acceptation, ça m’apporte beaucoup de bonheur. J’ai enfin une occupation dans ma vie. Ce n’est que du positif», affirme-t-elle en toute gratitude.

En ayant accédé à son rêve malgré sa différence et sa limitation visuelle, Zooey constitue une véritable source d’inspiration, notamment auprès de ses 14 100 abonnés sur Instagram.

«J’ai des gens de la communauté albinos de partout dans le monde qui me suivent. Chaque jour, je reçois des confidences, des messages de personnes qui demandent conseil. À tout coup, j’encourage à mettre de l’avant leurs différences et d’en faire comme moi une chance. C’est comme ça qu’on avance, qu’on s’accepte. J’ai développé de belles relations au fil du temps et j’ai réussi à aider certains à s’accepter», explique celle que l’on qualifie de «vieille âme».

Ce rôle d’inspiration la valorise énormément et a également contribué à bâtir sa confiance.

«Souvent, on pense que les mannequins ont confiance en eux, mais souvent, c’est l’inverse. C’est au fil des contrats que ça vient», note la directrice d’Ema.

Ouverture et tolérance

Lorsqu’elle prend le temps de penser à ce qui lui arrive, Zooey croit que c’est aussi en partie parce qu’elle a été au bon endroit au bon moment.

«Il y a dix ans, les gens différents étaient moins acceptés. Aujourd’hui, on les recherche, on recherche l’imperfection. Les années 2022 et 2023 sont bonnes en termes d’ouverture», soulève celle qui mesure 5’7″.

«Le monde de la mode est de moins en moins superficiel grâce à des profils moins conventionnels. C’est donc de plus en plus inclusif et il y a plus de tolérance. D’ailleurs, les modèles au physique différent attirent l’international et y ont du succès. Maintenant, on a un plat de bonbons plein de couleurs. Je trouve ça beau, ça apporte une culture plus riche», image Jacynthe Bouffard.

Devant le bonheur et la réussite de leur fille, les parents de Zooey ne peuvent que se réjouir et en être fiers. Ils avouent avoir toujours craint qu’elle soit la cible d’intimidation et que sa maladie soit un frein à son épanouissement.

«On a toujours eu peur du regard des autres, de l’intimidation alors que nous, nous travaillions fort pour faire de sa différence un point positif. C’est bizarre, car tout ce qu’on pensait qui pourrait être négatif dans sa vie c’est positif. D’ailleurs, c’est incroyable de voir qu’aujourd’hui, ses différences, comme ses cheveux blancs, l’amènent à Las Vegas! C’est aussi extraordinaire de voir que des jeunes se confient à elle et qu’elle soit source d’inspiration. On ne croyait pas qu’un jour sa quête pouvait être de motiver les autres», exprime la maman.

Si elle n’aspire pas en faire son métier principal une fois adulte, l’adolescente se concentre actuellement à savourer chaque expérience par lesquelles elle en profite pour contribuer davantage à cultiver l’ouverture d’esprit et la tolérance des gens.

(Photo gracieuseté – Christyna Pelletier)
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