MAGAZINE. À 67 ans, Johanne Blouin a toujours la flamme et la voix aussi puissante. Entre son rôle d’enseignante et celui de chanteuse, elle enchaîne les projets, dont un coffret de Noël et des spectacles du temps des Fêtes pour faire plaisir à la passionnée qu’elle est. Entrevue avec celle qui a récemment soufflé ses 50 bougies de carrière.
Vous avez évolué dans une famille où la musique était omniprésente. Votre mère a exercé une influence importante sur vous. Que vous a-t-elle transmis?
Ma mère adorait le jazz, notamment les chanteuses plus à gauche, comme Betty Carter. Du jazz plus dark. Et elle était une vraie chanteuse en plus d’avoir le style un peu blasé. Elle aurait dansé dos au public sur scène, le vrai stéréotype! Le plus beau de mon bagage musical, c’est ma mère qui me l’a transmis. Puis, ce qui est extraordinaire, c’est que je peux transmettre ça à mes élèves aujourd’hui.
Le jazz a donc toujours fait partie de votre vie. À une certaine époque, vous avez toutefois exploré le pop. Qu’allez-vous chercher dans le jazz que vous ne retrouvez pas dans le pop?
C’est une bonne question. Le jazz, c’est vraiment un langage spécifique, c’est toute l’ornementation vocale, si je peux m’exprimer ainsi, qui est complètement différente du pop. Quand on chante du jazz – et c’est ce que j’enseigne à mes élèves – on ne prend pas de fioriture ou d’ornementation pop, car ça ne va pas ensemble. Il y a ça et il y a le côté sombre du jazz qui m’attire beaucoup. Et, évidemment, parce que ça exploite la dextérité vocale plus que le pop, quoiqu’il y a des tounes de pop qui sont assez difficiles à chanter.
Vous avez fait vos débuts dans Starmania. Que retenez-vous de cette expérience?
C’était une expérience extraordinaire. C’était le premier gros show que je faisais et où j’ai été remarquée. Ça a été aussi le début d’une amitié extraordinaire avec Luc Plamondon.
Comment décrivez-vous la Johanne Blouin en début de carrière et celle d’aujourd’hui?
Quand je suis arrivée dans le show-business, mon père était musicien donc je connaissais déjà le milieu. Assez rapidement, j’ai créé ma propre étiquette de disque, à une époque où les artistes n’avaient pas leur étiquette et où on était entouré d’hommes producteurs qui voulaient gérer les artistes et avoir chacun sa part de gâteau. Mais ça ne m’arrêtait pas, car j’étais très fonceuse, je défonçais des murs pour la justice. J’ai encore ce caractère, mais je m’y prends différemment maintenant, au point de vue de mes objectifs et projets.
Que préférez-vous entre écrire vos propres chansons et les interpréter et chanter des pièces qui vous ont été offertes?
Je n’ai pas de préférence, car ce sont trois univers différents. Quand on se chante, c’est bien spécial, c’est tout un feeling. Mais si je pense à une chanson que Michel Rivard m’a écrite, Bébé lune, j’ai pleuré en l’écoutant la première fois, car il venait d’écrire mon histoire, mon adolescence. En ce qui concerne les grandes interprétations, bien là, c’est autre chose. C’est l’art d’accaparer, d’apprivoiser une pièce sans la dénaturer.
Après 20 ans à enseigner le chant au Cégep de Drummondville, quel est le conseil que vous avez donné le plus souvent à vos élèves?
Ça fait 50 ans que je fais mon métier et je ne vois pas comment un jeune artiste va pouvoir faire autant d’années, parce qu’il y a trop de personnes, de saveurs du mois, ce qui fait que les talents se diluent. J’espère que je me trompe en disant ça, mais en même temps, je trouve aussi qu’on ne donne pas la chance aux jeunes artistes de se développer. L’accompagnement est moins là. Donc, je dis à mes élèves d’être persévérants et non entêtés pour ne pas se buter la tête contre un mur. C’est important aussi d’aller à l’université pour pouvoir ouvrir le plus de portes possible. Ce n’est jamais mauvais d’avoir plusieurs compétences. Cela dit, lorsque je vais sur un plateau de tournage ou participe à une production quelconque et que je vois un de mes élèves, je suis fière de voir qu’il réussit!
Comptez-vous remonter sur scène avec un spectacle solo?
Oui, j’aimerais ça! D’ailleurs, on prépare quelque chose pour mes 50 ans de carrière. J’aimerais ça faire une petite tournée de 10 ou 12 spectacles, comme au Casino de Montréal. Mais s’il y a de la demande, on va en faire plus!
En quelques mots, comment décrivez-vous votre carrière?
Une carrière que je suis fière, parce que j’ai toujours eu mes convictions puis j’ai toujours fait les choses à ma façon. Puis le plus beau cadeau, c’est que les gens m’aient aimée et acceptée comme ça. Et juste le fait de chanter, c’est quelque chose qui est unique, mais qu’est-ce qui est encore mieux, c’est de chanter avec sa fille!
Un Noël tout en musique
Johanne Blouin adore la musique du temps des Fêtes. Ce n’est sûrement pas un hasard si elle a été l’artiste qui a relancé la mode des albums de Noël en 1990 en revisitant les plus grands classiques. Cette année, elle se fait plaisir une fois de plus en offrant un coffret collection réunissant presque la totalité des chansons de ses trois disques de Noël parus tout au long de sa carrière. Trois nouvelles pièces, dont une composition, complètent la liste des titres.
«C’est comme un best of de mes trois disques, soit Sainte nuit (1990), Johanne Blouin chante Noël (1994) et Noëls d’espoir enregistré à Paris avec Michel Legrand. On y retrouve également une de mes compositions, Noël à l’année. Ceux qui me connaissent savent que mon côté fort ce n’est pas l’écriture, ça me demande de l’énergie parce que ce n’est pas quelque chose que je fais souvent, mais je suis contente du résultat. C’est très léger. J’y ai également ajouté I’ll be home for Christmas, car ça faisait 21 ans que mon chum me demandait de la faire! Enfin, l’autre nouvelle chanson en est une de Johnny Mitchell qui s’appelle River. Je me suis fait plaisir parce que je suis accompagnée du guitariste James Smallwood», détaille-t-elle.
Tous les Noël est disponible depuis le 11 novembre.
Ce n’est pas tout. Johanne Blouin est en tournée jusqu’au 23 décembre avec l’incontournable spectacle du temps des Fêtes, Noël une tradition en chanson. Elle partage la scène avec Joe Bocan, Luce Dufault, Martine St-Clair, Shirley Théroux, le groupe de musique traditionnelle madelinot, Suroît et l’artiste international Vincent Niclo.
«C’est la deuxième fois que je participe à ce spectacle; la première c’était avec Michel Louvain et Renée Martel. C’est vraiment le fun, c’est comme un gros party. Je chante mes grands classiques de Noël et fais un duo avec Shirley Théroux», indique l’artiste passionnée.
Le spectacle a été présenté le 2 décembre à la Maison des arts Desjardins Drummondville.