Une alternative judiciaire aux personnes ayant une problématique de santé mentale

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Par Cynthia Martel
Une alternative judiciaire aux personnes ayant une problématique de santé mentale
Vicky Smith, avocate à la Direction des poursuites criminelles et pénales, Catherine-Valérie Levasseur, avocate au Bureau d’aide juridique de Drummondville, Charles Pruneau, agent de liaison, Francis Lacharité, directeur général de La Piaule Centre-du-Québec, la juge Marie-Josée Ménard, et Julie Poirier, directrice adjointe aux services de santé mentale de proximité, à la direction du programme santé mentale adulte et dépendance au CIUSSS MCQ. (Photo : Ghyslain Bergeron)

JUSTICE. Les personnes présentant une problématique de santé mentale et faisant face à la justice pourront désormais accéder à un programme alternatif au système judiciaire, et ce, en tout temps.

Le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec rend permanent le programme d’accompagnement justice et santé mentale (PAJ-SM) de Drummondville après trois ans d’expérimentation.

D’abord lancé sous forme de projet-pilote en mai 2019, ce programme permet un traitement judiciaire adapté à la réalité et aux besoins des personnes présentant une problématique de santé mentale, d’itinérance ou de toxicomanie et faisant face à la justice.

«Il s’agit d’une voie parallèle au système judiciaire que nous connaissons, c’est-à-dire qu’à priori, une ou des infractions criminelles ont été commises et une ou des accusations criminelles ont été portées contre un individu», précise Vicky Smith, avocate à la Direction des poursuites criminelles et pénales.

L’individu concerné doit s’y engager volontairement et sérieusement sans quoi il ne sera pas admissible au programme.

«La participation demande beaucoup d’implication et de mobilisation de la part de nos clients. Ils doivent se présenter régulièrement devant la cour et faire état de leur situation, leur évolution et leurs démarches. Par exemple, ils doivent parler de leur suivi pour la prise de leur médication et rendez-vous avec les professionnels de la santé et doivent indiquer s’ils ont collaboré avec des organismes pour la recherche d’emploi ou logement. Pour la majorité, cela demande beaucoup d’adaptation et de changement dans leur mentalité, de mettre de côté leur égo et faire preuve de transparence et d’honnêteté envers tous les partenaires plutôt que tenter de dissimuler leurs erreurs. Certains devront même admettre une rechute de consommation dans une salle d’audience et devant un juge. Ainsi, le plan d’adaptation peut être ajusté en conséquence des actions», explique Catherine-Valérie Levasseur, avocate au Bureau d’aide juridique de Drummondville.

L’approche permet donc d’impliquer l’accusé dans la recherche de solutions et, ainsi, de le responsabiliser davantage relativement aux infractions commises. En d’autres mots, le programme a pour objectif d’éviter les récidives.

Tout au long de son cheminement, l’individu est soutenu par des intervenants du milieu judiciaire, du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que du milieu communautaire.

«Le PAJ-SM est avant tout un travail de collaboration entre différents acteurs impliqués auprès de la clientèle vulnérable», indique la juge Marie-Josée Ménard.

La communication immédiate entre les partenaires rend plus facile et rapide l’admissibilité des informations.

«Ça permet une prise en charge sans délai de la situation souvent fragile et à risque avant qu’une intervention policière ne soit nécessaire», fait valoir Catherine-Valérie Levasseur.

De nombreux bénéfices

Outre le fait que les dossiers du PAJ-SM peuvent se terminer par un arrêt des procédures, un engagement ou encore une peine qui exclura l’emprisonnement, de nombreux bénéfices se font sentir auprès des participants. À titre d’exemples, ce processus peut favoriser la stabilité domiciliaire, le retour en formation ou sur le marché du travail ainsi que le traitement des troubles de consommation et/ou de la condition physique et mentale.

«Adapter des procédures de justice, c’est mettre en place des conditions de réussite, d’améliorer la qualité de vie des personnes, leur aider à reprendre confiance face aux institutions et par-dessus tout, à reprendre confiance en eux», souligne Francis Lacharité, directeur général de La Piaule Centre-du-Québec, un des organismes partenaires.

«Le PAJ-SM a été extrêmement bénéfique. Avec mon problème de santé mentale, j’avais besoin d’être accompagnée, écoutée et qu’on me dise que j’étais importante. Ça m’a permis de me mettre en mode solution, de trouver des moyens pour gérer mes émotions négatives. J’ai aussi appris à adopter de saines habitudes de vie, à m’écouter et à aller chercher de l’aide au besoin. Aujourd’hui, quand je ne vais pas bien, je suis capable d’accepter mon état et mes émotions et je sais quoi faire pour me sentir mieux», témoigne Korally, une participante au programme.

Par ailleurs, ce programme est très bien accueilli par les victimes, lesquelles jugent qu’il est pertinent et nécessaire.

«Les victimes sont avisées et consultées quant à l’admissibilité. Soulignons que dans bien des cas, l’admissibilité représente pour ces dernières un souhait exaucé voire un soulagement, Pourquoi? Régulièrement, il s’agit de victimes dans l’entourage immédiat de l’individu. Elles ont toléré bien des choses avant de porter plainte dans l’espoir que la situation s’améliore. De plus, elles espéraient depuis un bon moment que l’individu ait de l’aide, des ressources disponibles, mais par-dessus, souhaitaient que la personne ait la volonté de s’aider, de changer. Il s’agit pour la majorité d’entre elles, une solution de dernier recours longtemps espérée», explique Vicky Smith.

Soulignons en terminant qu’un certificat est remis à chacun des participants ayant complété le programme.

«En tant que juge, ce n’est pas nécessairement habituel de faire ça. Mais au fil des expériences, je constate que la remise du certificat, c’est significatif, important et ce l’est aussi pour nous, les membres du PAJ-SM», conclut la juge Marie-Josée Ménard.

Quelques chiffres

Voici quelques statistiques en 18 mois d’expérimentation :

  • 45 personnes accusées référées, 39 admises, 13 encore en participation, 11 ayant complété le programme
  • 38 % de femmes
  • 62 % d’hommes
  • Âgées de 18 à 65 ans
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