MAGAZINE. Rien n’est trop beau pour Solange Lebel, qu’elle reçoive des invités ou qu’elle expose des toiles de grands peintres québécois dans sa demeure. Cette dame qui porte un amour inconditionnel aux artistes qui jouent avec la couleur comme elle-même jongle avec les mots, a toujours vécu comme elle l’entendait.
Depuis 45 ans, Solange Lebel gère une galerie d’art dans son élégante maison de Drummondville. Au fil des années, ayant gagné la confiance des artistes à grand coup d’amour, elle a eu le privilège d’exposer des œuvres uniques de grande qualité, allant de l’éclaté Guy Boudro en passant par Paul André, Marc-Aurèle Fortin, Paul «Tex» Lecor et Gilles Charest. Elle a également organisé des événements d’art fort étonnants, à l’exemple d’une exposition mariant arts visuels et bijoux, une seconde qui associait arts visuels et articles de cuisine raffinés puis une autre durant laquelle le chanteur Marc Hervieux a littéralement fait trembler les murs de la galerie avec son unique vibrato.
«Il s’en est passé des affaires ici», lance Solange Lebel, ricaneuse et fière.
Malgré toutes ces années à côtoyer l’élite québécoise des arts visuels, cette femme de 73 ans démontre toujours une grande sensibilité face au talent de ceux et celles qui maîtrisent l’art et la manière. Lorsqu’elle se trouve dans sa galerie repère, le pas de cette Drummondvilloise devient lent; son regard, contemplatif.
«J’ai ouvert ma galerie en 1978 avec l’aide de mon ex-conjoint. C’était un projet de retraite que je voulais développer. Finalement, ç’a été plus que ça», dit-elle.
C’est que Solange Lebel est d’abord et avant tout une enseignante. Elle a enseigné le français tant à l’école secondaire qu’au collégial où elle a aussi offert le cours d’histoire de l’art. «Un privilège», selon elle. Elle maîtrise les mots comme pas une. Elle a d’ailleurs rédigé à maintes reprises des discours pour des chefs d’entreprise et animé des soirées de gala. Tout cela, en menant sa galerie d’art.
«Le truc, c’est aimer. Aimer ce qu’on fait et les gens qui nous entourent. Un jour, une dame m’a dit qu’elle aimerait faire de l’animation. Elle voulait me payer pour que je l’aide à atteindre son objectif. J’ai refusé, car elle n’aimait pas les gens. La seule chose qu’elle souhaitait, c’était de montrer ses belles robes sur la scène. Pour que ça fonctionne, il faut aimer, être au service de l’autre et être petit dans son cœur pour être grand devant les autres», a exprimé la dame dans un élan de sagesse, sans écarter le fait que pour obtenir ce qu’on veut dans la vie, il faut y mettre du sien.
«J’ai beaucoup travaillé dans ma vie. Généralement, les gens qui sont très travaillants sont ceux qui ont peur de l’ennui. C’est mon cas. En fait, je ne comprends pas qu’un instant de vie puisse servir à ne rien faire, à ne pas occuper son esprit», ajoute-t-elle.
Trois mots résument bien la personnalité de Solange Lebel, qui a travaillé autant dans l’ombre que dans la lumière au cours de sa vie : audacieuse, chic et libre. En savourant café et biscotti, elle s’est raconté, avec humilité.
Audacieuse
Seule fille d’une famille de neuf enfants et elle-même mère de deux hommes, Solange Lebel a mené sa carrière d’enseignante à sa manière, refusant notamment d’employer le mot « discipline » devant ses élèves et de suivre un plan de cours à la lettre.
«Je disais toujours à mes élèves que la discipline n’existait pas. Je leur disais cependant que le respect qu’ils me portaient les amènerait à m’écouter. Je vouvoyais toujours mes élèves, même quand je parlais d’eux à mes collègues. Et je modulais mon cours à partir de leur curiosité. À mes yeux, une question méritait toujours une réponse. Plus on donne du respect à un élève, plus il nous en donne», estime-t-elle.
D’ailleurs, parenthèse, elle est d’avis que tous les enseignants du Québec devraient faire du jardinage. «C’est nécessaire, car enseigner n’est pas facile, fait-elle remarquer. Il faut cultiver des plantes, car il y a de l’espérance là-dedans. Quand on cultive, on obtient toujours un résultat. C’est significatif.»
Chic
Rafinée jusqu’au bout des ongles, Solange Lebel a une conception bien définie de l’élégance.
«Toute ma vie, j’ai été comme ça. Je n’irai jamais au dépanneur non maquillée. Philippe Noiret disait «Du moment où je porte le costume, j’entre dans le personnage». Je trouve qu’on néglige tellement cela aujourd’hui. Qu’est-ce que c’est cette histoire de sortir en gougounes? Quand je m’habille, ou quand j’habille une table pour recevoir, j’habille mon cœur pour dire je t’aime», dit-elle.
Pour elle, l’élégance s’exprime aussi dans la considération portée aux autres. «La vérité sort de la bouche qui donne des compliments», fait-elle remarquer.
Vêtements soigneusement choisis ou couverts impeccablement disposés sur une table, la Drummondvilloise ne laisse rien au hasard. «J’ai besoin de ça pour garder un équilibre intérieur. J’ai toujours dit que le beau rend bon», exprime celle qui indique suivre les traces de sa mère à ce chapitre.
Libre
Divorcée depuis de nombreuses années, Solange Lebel a choisi sa direction, celle de l’enseignement et de l’art.
Pour garder sa maison, cette femme de tête a multiplié les contrats de rédaction, notamment pour l’Ordre des ingénieurs du Québec et l’Ordre des médecins spécialistes du Québec.
«Je suis libre au sens où j’ai toujours fait ce que je voulais. Je suis incapable de tolérer une personne qui me dit que telle chose est impossible à réaliser. Même si j’ai une idée de fou, je sais que c’est possible. Il faut cependant parfois savoir bien s’entourer», lance-t-elle.
Mais la liberté, dans la conception qu’elle en fait, a un prix et sa définition demeure abstraite. «La liberté est une quête qui ne porte pas de nom. Choisir la liberté, c’est se choisir, choisir ses tremplins et vivre debout.»
Visiblement, Solange Lebel est une femme de son temps. Pleinement assumée.