Les dessous de la Saint-François

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Par Louis-Philippe Samson
Les dessous de la Saint-François
Le secteur du Bec-du-Canard à Saint-Nicéphore. (Photo : archives, Ghyslain Bergeron)

MAGAZINE. Du Grand lac Saint-François jusqu’au lac Saint-Pierre en plein cœur du fleuve Saint-Laurent, en passant par Sherbrooke, la rivière Saint-François enjolive le paysage drummondvillois. Au-delà de cette majestuosité se trouve tout un écosystème à la merci de son environnement.

La rivière Saint-François est le point de chute d’un bassin versant de 10 500 kilomètres carrés. Celui-ci récolte l’eau de territoires de la région de la Chaudière-Appalaches à l’est, revient au sud en suivant la frontière américaine, puis encercle le lac Memphrémagog jusque dans le Vermont avant de suivre le cours de la rivière vers le fleuve.

Étant le dernier cours d’eau à se déverser dans le fleuve Saint-Laurent, la Saint-François reçoit tous les contaminants de l’ensemble de son bassin versant. Celui-ci est géré par le Conseil de gouvernance de l’eau des bassins versants de la rivière Saint-François (COGESAF) qui garde l’œil ouvert sur la qualité de l’eau, sa faune et sa flore.

Julie Grenier, biologiste et directrice de projet au COGESAF. (Photo : gracieuseté)

«Traditionnellement, dans les bassins versants, plus on s’approche de la rivière, moins la qualité de l’eau est bonne. À Drummondville, c’est une rivière qui a accumulé des contaminants d’aussi loin que le Vermont et la Chaudière-Appalaches. On ne s’attend pas à avoir une qualité d’eau exceptionnelle, mais, si on regarde les données de la rivière principale, on a une qualité qui est satisfaisante», indique Julie Grenier, biologiste et directrice de projet au COGESAF.

La qualité «satisfaisante» est d’ailleurs la deuxième meilleure derrière la qualification «bonne». Grâce à cela, il n’y a pas d’usages et d’activités qui sont limités dans le cours d’eau, dont la prise d’eau potable et les activités de plaisance.

Se retrouvant au cœur d’un vaste territoire, une multiplicité d’activités et d’industries se retrouve à travers le bassin versant. «La rivière Saint-François n’a pas un bassin qui n’est uniquement agricole, ni uniquement forestier. Il y a des secteurs agricoles et forestiers, mais il y a aussi des municipalités d’importance comme Drummondville, Sherbrooke et Magog. Ce n’est pas une rivière monotone. Lorsqu’on veut améliorer la qualité de l’eau, il faut travailler sur plusieurs fronts», ajoute Mme Grenier.

Afin de surveiller cette donnée, 11 stations de tests se retrouvent un peu partout dans le bassin versant, dont une à Drummondville.

De plus, la présence d’une partie du bassin versant sur le territoire américain propose un défi de gestion supplémentaire à l’équipe puisque différentes normes sont en vigueur dans chacun des deux pays. En effet, le lac Memphrémagog se retrouve en partie au sud de la frontière américaine.

«Ce ne sont pas les mêmes normes, les mêmes façons de mesurer les choses, ou les mêmes budgets. Ça apporte des défis, mais aussi beaucoup d’opportunités de partage d’expertises et de comparaison des méthodes. Il y a des projets qu’on a initiés au Québec puis qui ont été reproduits au Vermont et vice versa. Nous avons un échange qui est productif», commente la biologiste.

Bien que la rivière reçoive les contaminants de plusieurs types d’industries, la qualité de l’eau est toujours restée stable, ce qui représente un succès selon Julie Grenier. «On voit une multiplication des usages, l’augmentation de la population et des industries, mais la qualité de l’eau se maintient. Ce qui veut dire qu’on est capable de compenser pour ces nouvelles activités-là», remarque-t-elle.

Le COGESAF mesure le débit de la rivière Saint-François, à Drummondville, au barrage de la chute Hemming. (Photo : archives, Ghyslain Bergeron)

Cependant, le plus grand défi du COGESAF au cours des prochaines années demeurera les impacts des changements climatiques. «Les gros coups d’eau et les sécheresses amènent de gros défis pour la gestion de l’or bleu. On se retrouve à creuser plus profondément pour trouver de l’eau. Aussi, s’il y en a moins, les contaminants sont plus concentrés, donc la qualité en souffre. À l’inverse, lorsqu’on a de gros coups d’eau, il y a plus d’érosion. Les cours d’eau sont instables et ils bougent», dit celle qui travaille au COGESAF depuis 18 ans.

Sous la surface

La rivière Saint-François et son bassin versant sont également le milieu de vie de 49 espèces de poissons. Des variétés d’achigans, de dorés, de brochets, de ménés et de truites se retrouvent en grand nombre.

«Plus on se rapproche du lac Saint-Pierre, plus on retrouve des espèces d’intérêt pour la pêche et aussi la pêche commerciale. Le poisson-emblème de la rivière est assurément l’esturgeon jaune. On peut en retrouver jusqu’au barrage à Richmond. C’est une espèce qui intéresse beaucoup la communauté abénaquise d’Odanak qui fait des suivis assez réguliers de leur population», décrit Mme Grenier.

L’esturgeon jaune mesure, en moyenne, entre 90 et 140 centimètres et possède une masse allant de 5 à 35 kilogrammes. Il se tient dans des eaux peu profondes de 5 à 9 mètres.

Un esturgeon jaune comme on peut en retrouver un peu partout dans la rivière Saint-François. (Photo : Bureau environnement et terre d’Odanak)

À l’heure actuelle, aucune espèce envahissante n’est répertoriée dans la rivière. Cependant, le COGESAF effectue une vigie des espèces qui pourraient migrer du fleuve Saint-Laurent vers la rivière Saint-François. L’organisme garde à l’œil la présence de la moule zébrée puisque celle-ci a beaucoup d’impact sur le milieu dans lequel elle s’installe.

Des espèces végétales sont aussi sous surveillance dans la rivière. La châtaigne d’eau est sous haute surveillance dans la région de Drummondville. Depuis trois ans, le COGESAF effectue des prélèvements et pose des actions afin d’éradiquer les colonies de châtaignes d’eau. Celle-ci apprécie les milieux peu profonds abondants en éléments nutritifs dont le courant est faible. Elle se reconnait par ses feuilles triangulaires qui flottent à la surface.

Préserver la rivière

La population a, elle aussi, un rôle à jouer dans la préservation de ses cours d’eau. Mme Grenier signale que les facteurs de contaminants directs, par exemple l’eau savonneuse pour laver la voiture qui est rejetée dans le système pluvial, sont à limiter. «La gestion de l’eau peut bien se faire sur un terrain résidentiel. On peut retenir l’eau sur son terrain afin qu’elle migre plus doucement vers les eaux souterraines et les cours d’eau. Ça peut aider à limiter l’érosion et aider à recharger les nappes souterraines», indique Julie Grenier.

L’eau de la rivière Saint-François permet la pratique de plusieurs activités, dont la voile, grâce à sa qualité satisfaisante. (Photo : archives, Ghyslain Bergeron)

Le règlement adopté par la Ville de Drummondville concernant le débranchement des gouttières du réseau pluvial est une mesure qui permet de favoriser la rétention d’eau. Sinon, l’aménagement d’un jardin de pluie, qui permet d’emmagasiner l’eau pendant une période de 12 à 24 heures, est une autre action individuelle qui aide l’écosystème.

La Saint-François en chiffres

Longueur : 218 kilomètres

Débit annuel moyen : 190 mètres cubes par seconde au barrage de la chute Hemming

Superficie québécoise du bassin versant : 9 005 kilomètres carrés

Superficie totale du bassin versant : 10 508 kilomètres carrés

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