Site d’enfouissement : une «victoire» pour Drummondville; une décision à venir pour Québec

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Par Marilyne Demers
Site d’enfouissement : une «victoire» pour Drummondville; une décision à venir pour Québec
Stéphanie Lacoste, mairesse de Drummondville, en point de presse le 15 juin. (Photo : Ghyslain Bergeron)

ENVIRONNEMENT. Si la Ville de Drummondville qualifie de «victoire» le jugement rendu par la juge Katheryne A. Desfossés mardi, le sort du site d’enfouissement de Saint-Nicéphore est encore loin d’être scellé. Québec dispose d’un délai pour adopter un nouveau décret conforme à la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. 

Mardi, la Cour supérieure a annulé le décret du gouvernement du Québec autorisant la poursuite des activités de Waste Management (WM) à Drummondville. Le Tribunal a tranché : le décret 1235-2021 est invalide.

«Ce jugement est une victoire pour la Ville de Drummondville, a affirmé la mairesse Stéphanie Lacoste, en point de presse mercredi. La juge nous donne raison sur le fait que le gouvernement n’a pas suivi ses propres règles sur la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme lorsqu’il a décrété la zone d’intervention spéciale (ZIS). Le périmètre retenu pour la ZIS est bien trop grand et l’absence d’une durée d’application montre qu’il est futile de vouloir agir en urgence sur du long terme.»

La ZIS a été autorisée par Québec en septembre 2021 pour permettre à WM d’enfouir 430 000 tonnes de matières résiduelles par année pendant 10 ans sur la phase 3B. Une décision contestée en cour par la Ville de Drummondville. «Nous avions dit à la population de Drummondville que nous allions aller jusqu’au bout de nos recours. Nous l’avons fait et ce jugement vient confirmer que nous avions toute la légitimité de réclamer l’annulation du décret. Nous avons fait valoir nos droits et ceux de la population», soutient la mairesse Lacoste, soulignant qu’il est plutôt rare qu’une cour de justice invalide un décret gouvernemental.

Me Justine Provencher. (photo Ghyslain Bergeron)

Mais il y a un mais. La magistrate a suspendu le jugement pour 120 jours, permettant ainsi au gouvernement provincial d’adopter le nouveau décret pour créer une ZIS. «L’effet du jugement est suspendu, donc le décret n’est pas annulé pour les 120 prochains jours, ce qui veut dire que Waste Management peut continuer ses activités comme si la ZIS était encore valide», précise Me Justine Provencher, chef de division des affaires juridiques à la Ville de Drummondville.

Pendant la période de 120 jours – qui mène au 12 octobre, soit quelques jours après les élections provinciales du 3 octobre – Québec devra décider s’il donne suite au jugement. S’il en fait la demande, il pourra également disposer d’une prolongation. «La balle est dans leur camp en ce moment», mentionne Stéphanie Lacoste.

Québec analyse «les suites à donner»
Le cabinet du ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, dit «prendre acte du jugement qui suspend la ZIS. «Nous analysons les suites à donner à ce jugement», indique Rosalie Tremblay-Cloutier, son attachée de presse.

«La décision d’imposer une ZIS pour permettre l’agrandissement du LET de Saint-Nicéphore ne s’est pas prise à la légère. Le but était d’éviter une crise sanitaire inévitable en cas d’interruption de services», ajoute-t-elle.

Stéphanie Lacoste. (Photo: Ghyslain Bergeron)

De son côté, la Ville de Drummondville rappelle que la fermeture du site d’enfouissement de Saint-Nicéphore est discutée depuis 2017. «Depuis ce temps-là, on aurait dû avoir cette discussion. Je crois que ce n’est pas avec des poursuites, des décrets ou des lois spéciales que nous relèverons le défi de la gestion des matières résiduelles au Québec, mais plutôt en discutant ensemble, ce que la Ville de Drummondville est toujours disposée à faire pour trouver des solutions durables et responsables avec nos différents partenaires. Il n’est pas trop tard», soutient Stéphanie Lacoste.

La mairesse de Drummondville demande une discussion nationale sur la question, interpellant les élus municipaux, les membres de l’Union des municipalités du Québec et de la Fédération québécoise des municipalités ainsi que le gouvernement du Québec.

«Cette décision de la juge Desfossés est peut-être une victoire juridique pour la Ville de Drummondville, mais ce n’est pas encore une victoire environnementale. Nous sommes devant un grand défi de société et tous les partis concernés devront l’aborder en se concertant pour agir dans le meilleur intérêt de notre collectivité», insiste-t-elle.

WM poursuit ses opérations
Du côté de Waste Management, le directeur des affaires publiques, Martin Dussault, indique que la décision rendue ne vient pas impacter la poursuite des travaux d’aménagement de la phase 3B.

«Les travaux continuent, il n’y a rien qui mentionne dans le jugement que les travaux ne peuvent pas se poursuivre. La situation précaire qui prévalait lorsque le gouvernement a autorisé la ZIS est la même qu’aujourd’hui : il n’y a pas plus de capacité dans les autres lieux. On demeure d’avis que la poursuite des opérations du site est essentielle», mentionne-t-il.

Par décret, WM a eu l’autorisation d’enfouir les déchets sur les phases 2 et 3A, le temps que la nouvelle cellule soit prête, soit celle qui fait l’objet du jugement. «La juge confirme la validité du décret 1236-2021 qui nous permet de poursuivre nos activités sur les zones 2 et 3A depuis octobre 2021, et ce, jusqu’à octobre 2022. La juge reconnaît également que le gouvernement pouvait procéder à la création d’une ZIS, mais lui ordonne de la baliser, là est la nuance», précise Martin Dussault.

Tout comme la Ville de Drummondville, WM attend de voir si Québec donnera suite au jugement avant de statuer sur la suite. «À ce stade-ci, on demeure attentifs à la direction que va prendre le gouvernement dans le dossier et par la suite, on va évaluer nos options en fonction des orientations qui vont être prises», fait savoir M. Dussault.

Éviter une crise sanitaire
Malgré le jugement rendu, le ministre responsable de la région du Centre-du-Québec et député de Johnson, André Lamontagne, ainsi que le député de Drummond–Bois-Francs, Sébastien Schneeberger, réitèrent le même discours et insistent sur le fait que la ZIS est nécessaire pour éviter une crise sanitaire.

«Au-delà de toutes procédures judiciaires, la problématique demeure. Les trois gros sites d’enfouissement au Québec sont en demande d’agrandissement, car les besoins sont là. On a juste à penser aux déchets des entreprises, commerces et industries qui vont encore directement au site d’enfouissement de Saint-Nicéphore. La première étape au problème, c’est qu’il faut vraiment réduire nos déchets à la source et faire plus de compostage», est d’avis le député Schneeberger, rappelant que la gestion des matières résiduelles est l’affaire de tous.

«Avant qu’on entre au pouvoir, personne ne s’était vraiment occupé de la gestion des matières résiduelles. Nous autres, on s’est attaqué à la consigne, aux matières organiques, à la collecte sélective et on a fait les suivis des terrains contaminés, etc. Parallèlement à ça, on a un certain nombre de sites qui sont limités. Celui de Saint-Nicéphore, s’il n’est plus en opération demain matin, il va y avoir des enjeux sanitaires pour le Québec, donc le ministère de l’Environnement a posé des gestes qu’il trouvait appropriés pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de rupture. Maintenant, il faut attendre pour la suite», mentionne le ministre Lamontagne, ajoutant qu’il s’assure constamment à ce qu’il y ait des canaux d’échanges entre Québec et la Ville de Drummondville.

(Avec la collaboration de Cynthia Giguère-Martel)

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