«Ça ressemble un peu au Mexique» – Albert Lacroix, maire de Saint-Eugène

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Par Lise Tremblay
«Ça ressemble un peu au Mexique» – Albert Lacroix, maire de Saint-Eugène
Albert Lacroix est le maire de Saint-Eugène-de-Grantham, où vivent 1138 personnes. (Photo : Gracieuseté)

ENVIRONNEMENT. En convenant que le village de Saint-Eugène «ressemble un peu au Mexique» en ce qui concerne la gestion des eaux usées, le maire Albert Lacroix voit néanmoins poindre une lueur au bout du tunnel, après 31 ans de tergiversations.

«Pendant bien des années, il ne s’est pas passé grand-chose dans ce dossier, même qu’au tout début, dans les années 1980-1990, le conseil municipal a plutôt été un frein, a mis en contexte le maire de la Municipalité. Il faut aussi avoir en tête qu’au fil des années, il y a eu des gens qui ont été pour et d’autres contre le projet. Vous savez, il y a eu des assemblées durant lesquelles on s’est fait ramasser solide par les citoyens».

Cette situation – et le désengagement de certains élus depuis 1990 – fait en sorte que Saint-Eugène-de-Grantham fait partie aujourd’hui des 81 municipalités au Québec qui n’ont toujours pas réglé leurs problèmes d’égouts. Et qui les rejettent dans l’environnement.

«Actuellement, on ne fait pas appliquer les règlements gouvernementaux, mais un jour, il faudra nécessairement le faire. Tout le monde marche sur des œufs actuellement», a-t-il laissé entendre.

Des considérations d’ordre technique font en sorte que les propriétaires concernés n’ont jamais corrigé le tir eux-mêmes au fil des années.

«Dans une grande proportion, ils ne peuvent tout simplement pas avoir de champ d’épuration et de fosse septique avec leurs puits. Les terrains sont trop petits ou trop près des voisins», a expliqué le maire.

Le bureau municipal de Saint-Eugène-de-Grantham. (Photo Lise Tremblay)

La construction d’un égout municipal, incluant le traitement des eaux usées, s’avère donc leur unique porte de sortie. Aujourd’hui, le projet est évalué à 6 millions de dollars.

«Il n’y aucune municipalité au Québec qui a les moyens de construire des réseaux d’égout ou d’aqueduc sans aide gouvernementale. Généralement, les réseaux sont subventionnés de l’ordre de 80 %. Quand ce n’est pas subventionné à ces niveaux-là, c’est carrément impossible pour les gens d’absorber la dépense. L’impact sur le compte de taxes serait trop important», a communiqué Albert Lacroix.

Ce n’est qu’en 2017 que la Municipalité a réellement obtenu un portrait juste de la situation. Subvention en main, elle a mandaté une firme d’ingénierie pour qu’elle dresse un inventaire, c’est-à-dire qu’elle compte le nombre de maisons qui n’ont aucune fosse septique ou champ d’épuration sur leur terrain. Ce rapport fait état de 120 maisons.

Avancée

Espérant que les citoyens puissent retrouver leur fierté, Albert Lacroix, qui est aussi ingénieur-conseil de profession, se réjouit du fait que la Municipalité ait pu franchir dernièrement de nouvelles étapes du programme gouvernemental PRIMEAU, lancé pour soutenir les municipalités dans la réalisation de travaux de construction, de réfection ou d’agrandissement d’infrastructures d’eau potable et d’eaux usées.

Entre autres, en mars 2021, elle a lancé un appel d’offres pour la conception des plans et devis grâce à une subvention de 120 000 $ du ministère des Transports. La firme d’ingénierie Shellex a obtenu le contrat.

Il s’agit clairement d’une avancée, mais les villageois de Saint-Eugène sont encore loin de la coupe aux lèvres, plusieurs autres étapes devant être franchies, s’ils le veulent bien.

«Mon travail consiste à monter le projet et à m’assurer que les estimations soient les plus véritables possibles. À la fin, ce sera aux citoyens de voter à savoir s’ils en veulent ou non. Mon devoir n’est pas de forcer la main à personne, mais de présenter un projet solide», a avisé le maire, qui espère une bonne collaboration des ministères provinciaux dans ce dossier.

Si les Eugénois acceptent d’aller de l’avant – et si le gouvernement du Québec subventionne le projet à la hauteur des attentes -, les citoyens pourront actionner leur chasse d’eau en ayant bonne conscience, peut-être d’ici deux ou trois ans.

«Mon espoir est de voir la construction s’amorcer l’an prochain. Sur le plan technique, je n’entrevois aucun problème. Mais le niveau de subvention qu’on aura est crucial pour l’acceptabilité financière de nos citoyens», a-t-il insisté, en précisant que la Municipalité présente une «très bonne» santé financière, qui lui permet «de réaliser les projets les uns après les autres.»

Un nouveau maire en novembre

Municipalité Saint-Eugène. (Photo Ghyslain Bergeron)

Par ailleurs, Albert Lacroix a informé qu’il délaissera son siège à la mairie aux élections municipales de novembre.

«J’avais dit que je resterais quatre ans. J’ai tenu promesse, mais je ne ferai pas un deuxième mandat. Rien sur Terre ne me fera changer d’idée», a fait savoir l’élu de 61 ans.

Questionné à savoir s’il craint que le dossier des égouts de Saint-Eugène ne soit relégué à nouveau aux oubliettes, il s’est fait rassurant.

«Quand j’ai été élu maire, j’avais deux priorités : l’internet haute vitesse et les égouts. C’est réglé maintenant pour la fibre optique, mais il reste les égouts. Normalement, je suis censé revenir à titre de conseiller municipal pour continuer de m’en occuper», a-t-il fait savoir.

Chose certaine, pour M. Lacroix, la réalisation de cette infrastructure est d’une importance capitale. «Ça permettrait à Saint-Eugène de se développer. Qui va construire un immeuble de quatre logements ou des maisons en rangée dans le village s’il n’y a pas de réseau d’égout? C’est inconcevable. C’est un réel frein pour de potentiels investisseurs», a-t-il conclu.

Des demandes d’appuis restées lettre morte

Reconnaissant que le projet de captation et de traitements des eaux usées de Saint-Eugène tergiverse depuis trop longtemps, M. Lacroix a dressé et remis à L’Express une liste des faits marquants entourant ce dossier depuis 1990. À travers les années, on constate que plusieurs personnalités politiques, issues de diverses formations, ont été informées. La Municipalité a notamment demandé des lettres d’appui à Claude Ryan en 1993 et 1994, Laurent Lessard en 2001 et Yves-François Blanchet en 2012. «C’est un ensemble de situations qui font que le projet n’a finalement jamais vu le jour», a résumé l’actuel maire. 

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