MUNICIPAL. Un autre chapitre de la mésentente au sein du conseil municipal de Drummondville s’est écrit, mardi, alors que le maire Alain Carrier a reproché à certains conseillers municipaux de lui mettre des bâtons dans les roues.
Cette fois-ci, c’est la proposition de deux projets à vocation immobilière dans le secteur Saint-Charles qui serait à l’origine du conflit. Le premier projet, élaboré par l’entreprise Novellis, proposerait des logements pour les travailleurs étrangers et pour les étudiants de l’université ou du cégep qui proviennent de l’extérieur. Ce projet est évalué à environ 100 millions de dollars. La construction pourrait être amorcée rapidement, une fois approuvée, a fait savoir la Société de développement économique de Drummondville (SDED).
Un deuxième projet semblable alliant logements, espaces commerciaux et récréatifs a aussi été proposé par des investisseurs locaux qui possèdent un supermarché. D’un montant de 120 millions de dollars, le projet a aussi reçu l’appui de la SDED.
Le maire a lancé quelques flèches à ses opposants au sein du conseil municipal, faisant encore une fois état des relations tendues qui y existent. «Tant et aussi longtemps qu’il n’y aura pas un autre conseil municipal, les projets ne verront pas le jour. J’irais plus loin que ça en disant que je ne comprends pas vraiment. La SDED a un conseil d’administration et un comité exécutif, sur lesquels je siège. On a des gens comme M. Yves Grondin, par exemple, qui est là et je me demande vraiment ce qu’il fait là. Parce qu’il est un de ceux qui bloquent le projet soi-disant parce qu’on s’en va en élections», a lancé Alain Carrier.
Aux yeux du maire, la conversion du site des Pères Montfortains en immeubles à logement a du sens et est nécessaire compte tenu du manque de logements pouvant être utilisés par la main-d’œuvre étrangère.
«C’est un projet quand même intéressant, affirme-t-il. Il y a quelqu’un qui s’offre à construire du logement pour des travailleurs étrangers. Vous savez que le fait de recruter de la main-d’œuvre étrangère, ça passe aussi par le fait de leur trouver un logement. C’est bien beau de trouver un emploi, mais, s’ils n’ont pas de place où rester avec leur famille. La SDED a fait son travail, on est même maintenant subventionné pour le faire et il y a un projet sur la table. On a aussi l’université qui est à côté, dont le recteur a envoyé une belle lettre au conseil municipal qui disait qu’il serait bien d’y avoir des logements pour les étudiants étrangers et endosser le projet. Lors de la dernière rencontre, le groupe des neuf a encore une fois décidé de tasser le projet et de continuer à demander n’importe quoi.»
Faire de la politique
Poursuivant sur sa lancée, le maire Alain Carrier a insisté pour rappeler que son objectif est d’aider. Il s’est défendu par ailleurs de faire de la politique.
«J’ai compris récemment qu’on est prêt à pénaliser – et je le dis fort – nos industriels et nos commerçants qui attendent après cette main-d’œuvre (…) pour faire de la politique. Je m’excuse, mais je ne fais pas de politique. J’ai été élu pour faire avancer la ville. Je le dis haut et fort : je ne suis pas un politicien. Je suis là pour le bien-être de la ville. La journée où ça ne fera pas et que les gens trouveront que je fais de la politique, qu’ils me mettent dehors. Ce poste-là, je suis ici pour aider, je ne suis pas ici pour nuire.»
Il a également signalé que l’emplacement des projets serait l’idéal, pour la Ville de Drummondville.
«Dans les deux projets, la Ville n’a pas à faire d’investissements supplémentaires. Les services sont rendus, tout est à proximité, les voies d’accès sont là, c’est le bon zonage, tout a été prévu et on est prêt à dire : “ce sont les élections, on va attendre, ça va trop vite”», se désole-t-il.
Car, pour le maire de Drummondville, il apparaît évident que sa méthode de gestion ne fait pas l’unanimité.
«C’est peut-être la première fois qu’il arrive quelqu’un d’allumé autour de la table et qui veut faire du dynamisme dans la ville. Peut-être que ça dérange. En faisant beaucoup de choses, peut-être que certains vont réaliser qu’ils n’ont pas fait grand-chose depuis 10 ans. Il faudrait leur poser la question. Je sais que j’ai des projets, je les amène par la bonne voie, mais je n’entrerai pas ce cadre de fonctionnariat qui met des bâtons dans les roues pour différents projets. Ça ne doit pas être fait à l’encontre des entreprises qui ont un besoin flagrant de main-d’œuvre», affirme-t-il.
«La réponse est claire à pourquoi c’est comme ça présentement : c’est probablement parce qu’on pense qu’Alain Carrier va être réélu et qu’ils vont tout faire pour être réélus eux aussi», a convenu le maire.
Alain Carrier a avalé de travers des propos tenus durant une rencontre, tenue le lundi 10 mai, lors de laquelle les promoteurs ont présenté leurs projets au conseil municipal et à la SDED.
«Pour le moment, on a traité de ces deux projets lundi, qui ont tout pour fonctionner et ils ont été balayés du revers de la main. Je n’ai jamais eu aussi honte de ma vie. Tu rencontres des gens extraordinaires, qui ont contribué à Drummondville. Ces gens-là ont fait rire d’eux. Quand tu dis à des gens qui veulent investir 120 millions : “avez-vous un plan d’affaires?” Ils ont des plans comme on n’a pas vu souvent. Ils ont une présentation qu’on n’a pas vu souvent. Ils ont des gens de l’extérieur qui sont venus appuyer le projet. Trouvez-les les projets de 120 millions, je pense qu’on n’a jamais vu ça. Ils s’en vont à Boucherville, très peu à Saint-Hyacinthe, ils s’en vont ailleurs. Qui peut se vanter d’avoir, de front, deux projets de 100 millions sur la table? Personne ne peut», a avancé Alain Carrier.
De son côté, le directeur général de la SDED, Martin Dupont s’est dit inquiet pour le futur économique de la ville en raison de la situation actuelle au conseil municipal.
«Le climat peut être difficile, mais en autant que les promoteurs ne paient pas pour ça. Chacun a ses avantages. Nous, on est très content d’avoir à notre tête un maire qui est un homme d’affaires. M. Carrier comprend vite le côté des promoteurs. Ce qui nous inquiète, c’est si on se met à perdre des projets avec des promoteurs ou qu’on dit à nos industriels, déjà installés dans notre communauté, qu’ils ne pourront plus investir à Drummondville parce qu’on n’a pas de terrains à vendre ou qu’il n’y a pas de volonté de la part de la Ville à en développer de nouveaux rapidement, ça nous inquiète. Ça pourrait causer un désinvestissement et c’est déjà commencé. C’est la première fois en cinq ans qu’on livre un rapport avec 62 millions en moins», a, pour sa part, commenté Martin Dupont.