«Il pleut des cendres en Australie» – Samuel Gaudreau

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
«Il pleut des cendres en Australie» – Samuel Gaudreau
Une photo de Stéphanie Grisé qui montre à quel point la fumée est dense. (Photo : Gracieuseté - Stéphanie Grisé)

CATASTROPHE. Toute la planète est frappée de stupeur par les feux ravageurs qui dévorent l’Australie depuis plusieurs semaines. Les images qui nous parviennent traduisent une situation cauchemardesque, qualifiée de «jamais vu». L’Express a cru bon contacter des Drummondvillois qui sont présents sur le sol australien afin qu’ils nous communiquent leur témoignage.

Stéphanie Grisé, 25 ans, originaire de Saint-Germain-de-Grantham, et son copain Francis, 28 ans, sont en Australie depuis le 21 octobre 2019, dans le but de parcourir ce pays avec leur campeur (type Westfalia) pour toute la durée d’une année sabbatique.

Stéphanie Grisé et son conjoint. (Photo gracieuseté)

Elle nous a écrit ceci : «Aucune évacuation pour nous. Nous vivons dans notre campeur, mon chum et moi sommes souvent sur la route. Il est facile d’éviter les secteurs touchés par les feux. Par contre, nous avons dû modifier notre itinéraire à plusieurs reprises, car les feux sont imprévisibles. On n’est pas atteint directement, mais on en subit les conséquences; routes et parcs nationaux fermés, fumée, pluie de cendre, air peu respirable. Cependant, ce n’est pas comme ça dans tous les secteurs et à tous les jours. Hier et aujourd’hui, c’est de la pluie, on sent un second souffle chez les gens qu’on rencontre. Nous sommes en direction de Melbourne. Nous y resterons quelques jours et nous reprendrons la route vers l’ouest du pays afin de trouver du travail, étant donné que les conditions sont plus favorables là-bas pour le moment».

Des panneaux de circulation ont été détruits par les feux. (Photo Stéphanie Grisé)

Elle poursuit : «Les changements climatiques sont visibles ici : il y a des inondations au nord tandis que c’est la sécheresse au sud, où il y a des restrictions d’utilisation d’eau année après année. Des cours d’eau et des lacs sont à sec, on voit des records de chaleur et des feux de forêt à n’en plus finir… on se dit que ce n’est pas normal. Il nous arrive de nous coucher le soir avec un ciel bleu et de nous réveiller le matin avec de la fumée partout autour de nous. Nous avons pris la route au début décembre. On a vu les arbres et des pancartes d’autoroute noircis par les feux», lance-t-elle en guise de conclusion.

Frédéric Savoie

Frédéric Savoie, 35 ans, vit à Sydney où il travaille pour la Banque du Commonwealth, à titre d’associé, secteur institutionnel. C’est l’amour qui l’a mené en Australie il y a 11 ans et, malgré une séparation, il a décidé d’y rester.

Frédéric Savoie vit à Sydney. (Photo gracieuseté)

«Je ne suis pas inquiet, étant résidant en plein cœur de Sydney. Mais on voit de la fumée, même à l’intérieur des bâtiments, ce qui fait retentir les systèmes d’alarme. Au début, il y a trois ou quatre semaines, j’ai ressenti une inquiétude. J’étais allé chez un ami dans l’ouest de la ville. Dans sa piscine, on voyait flotter des feuilles brûlées et il y avait de la cendre partout sur les meubles extérieurs. Le gouvernement recommande de porter des masques. On dit qu’aller dehors, c’est comme fumer 35 cigarettes par jour. Le premier ministre Scott Morrison est très critiqué. Les feux étaient commencés et il est allé en vacances à Hawaï. Les gens sont conscients de l’ampleur des changements climatiques, mais ils se disent que l’Australie n’est pas le seul pays concerné. Moi, je n’ai pas l’habitude de donner de l’argent, mais cette fois j’ai contribué. Il y a des gens qui cherchent des couvertures pour couvrir les animaux qui sont les zones dangereuses. Les médias y sont pour beaucoup dans le fait que les gens sont plus conscientisés au problème», a-t-il raconté ajoutant qu’il a plu sur Sydney la veille.

Samuel Gaudreau

Après avoir rencontré en Angleterre celle qui allait devenir son épouse d’origine australienne, Samuel Gaudreau et sa conjointe ont pris la direction de Sydney, une ville de cinq millions d’habitants. C’était il y a quatre ans. Il travaille maintenant pour Apple.

«Nous ne sommes pas menacés dans le centre-ville de Sydney, mais j’ai des collègues, des amis, des beaux-parents qui le sont parce qu’ils vivent à l’extérieur. Les feux sont tout autour de la ville. Ils disent que c’est sous contrôle, mais les dommages sont faits. Il pleut des cendres ici. La température est élevée et la propagation est rapide. Les incendies ont créé un microclimat où il y a des éclairs qui attisent encore les feux. C’est comme un cercle vicieux naturel. C’est le pire des feux, pire que ceux de l’Amazonie. Plus de 2000 maisons ont brûlé. On dit que 480 millions animaux ont péri. La fumée atteint même la Nouvelle-Zélande. On peut suivre la progression des feux avec une application de Google. Juste hier, il y a eu 73 nouveaux feux, selon la carte. Les gens donnent de l’argent, à la Croix-Rouge qui est une organisation fiable. Nous ne sommes pas en danger, mais nous sommes préoccupés par ce que vivent nos proches», a raconté à L’Express celui qui a gagné sa vie au Québec avec la photographie durant une quinzaine d’années.

Une photo de Sydney prise par le photographe Samuel Gaudreau. (Photo gracieuseté Samuel Gaudreau)

Janie Duval

Janie Duval, 20 ans, a atterri en sol australien il y a presque un an avec un visa de voyage et travail. Elle vit à Saint-Kilda avec sa meilleure amie Kate O’Brien. «Melbourne n’est pas encore touchée par les flammes, il y a juste beaucoup de fumée, donc ce n’est pas dangereux pour nous d’y être, même que nos amis de Sydney vont se déplacer vers Melbourne pour échapper aux feux. Il a plu pendant les deux derniers jours, alors nous ne nous sentons pas menacés». Ses parents, à Drummondville, sont quand même un peu inquiets. «Nous sommes vraiment bouleversés par cette catastrophe, qui est hors contrôle et qui continue de faire des dégâts. Nous avons certaines inquiétudes, mais elle se montre rassurante», nous confie sa mère Mélanie Vincent.

Lauriann Camiré

Lauriann Camiré vit à Perth, dans une famille d’accueil chez qui elle travaille.

«Les feux ne sont pas autant présents de ce côté du pays et moins intenses. Par contre, il y a quelques semaines, un gros feu de forêt a pris forme dans le parc national de Yanchep à environ 20 km de chez moi. C’était assez fou de regard09er par la fenêtre de ma chambre et regarder la fumée prendre de plus en plus d’ampleur dans le ciel et de devenir plus sombre chaque jour. Je me souviens d’un soir où je me suis plus inquiétée que d’habitude. Il faisait déjà nuit et en regardant par ma fenêtre j’ai aperçu les flammes. Auparavant je n’arrivais qu’à voir la fumée, mais à ce moment-là j’ai pu voir à quel point les flammes étaient grosses et que le feu se rapprochait réellement de la ville. Dans le sud de l’Australie, plusieurs routes sont fermées à cause des feux. J’ai été bien chanceuse de ne pas rester prise là-bas. Les déplacements sont compliqués. Il faut toujours s’assurer de suivre les applications comme AustralianFires pour voir l’état des feux proches de nous et vérifier si les routes que nous souhaitons emprunter sont sécuritaires et encore ouvertes. L’épaisseur de la fumée a aussi un impact sur les lignes téléphoniques. Depuis quelques semaines, on arrive difficilement à se connecter à un réseau cellulaire. Le wifi est devenu encore plus lent qu’il l’était à mon arrivée il y a près d’un an. Cela rend la communication avec les gens à la maison, au Québec, beaucoup plus difficile qu’avant. On ne sait pas trop quand est la prochaine fois que nous allons réussir à nous reparler», a-t-elle raconté.

(Gracieuseté – Stéphanie Grisé)

Celle-ci a un engagement pour un travail dans la ville de Melbourne et elle compte y déménager d’ici deux semaines. «D’énormes feux sont présents dans cette ville et je vous avoue que ce déplacement n’est pas des plus sécuritaires. Je sais que plusieurs touristes dans cette région se sont fait évacuer et je prévois déjà un plan B au cas où je devrais la quitter soudainement», a-t-elle raconté par courriel.

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