Les plants qui sèment la discorde

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Par Frederic Marcoux
Les plants qui sèment la discorde
Armand Lafond, Claude Croteau, Donna Lessard et son mari Gervais Dumont n’ont pas connu un bel été. (Photo : Ghyslain Bergeron)

CANNABIS. Des Drummondvillois en ont assez d’endurer ce qui est littéralement devenu «une usine à pot» en plein cœur de leur quartier résidentiel, situé à proximité du boulevard Jean-de Brébeuf.

Claude Croteau, Armand Lafond, Donna Lessard et son mari Gervais Dumont, des citoyens qui habitent respectivement sur la rue de l’Eau-Vive, sur le boulevard Jean-de Brébeuf et sur la rue Hatotte à Drummondville, sont à court de solutions. Ils estiment qu’ils vivent directement les conséquences de la légalisation du cannabis. Leur voisin cultive des centaines de plants sur un grand terrain, adjacent à plusieurs résidences du secteur.

«Ce serait une culture de tomates qui requiert la même machinerie et on serait aussi mécontents, assure Donna Lessard. Il y a des travaux qui se font tous les jours sur le terrain de 7 heures à 21 heures. On a peur que ça se répète chaque année. On n’a plus de quiétude ni de tranquillité. C’est comme une entreprise agricole dans une zone résidentielle, c’est un irritant majeur. Il y a aussi l’odeur qui va être intolérable lors de la floraison des cocottes dans quelques semaines.»

Des centaines de plants de cannabis sont visibles par plusieurs voisins du secteur.

«On a également des inquiétudes sur ce qu’on ne connaît pas, poursuit-elle. Le voisin amène des citernes pour arroser ses plants. Qu’est-ce qu’il y a dans le produit qu’il utilise? Il y a peut-être des fertilisants qui pourraient atteindre nos puits d’eau.»

Lors de la dernière séance du conseil municipal, Donna Lessard a profité de la période de questions pour faire valoir son point au maire Alexandre Cusson.

«On voudrait être en mesure d’intervenir, a répondu M. Cusson. L’entreprise en question a obtenu un permis de culture médicale émis par le gouvernement fédéral, en plus d’en recevoir un autre émis par un médecin de la Colombie-Britannique. Je ne sais pas s’il se spécialise dans un type de permis. Cela permet une consommation de 50 grammes de cannabis par jour et de cultiver 244 plants. Il y a également un autre citoyen qui a désigné la même propriété pour obtenir un permis.»

C’est donc dire que les deux individus en question peuvent légalement cultiver 488 plants sur leur propriété.

De mal en pis

Lorsqu’il a vu ce qui se tramait chez son voisin, le printemps dernier, Claude Croteau a voulu prendre les choses en main, après avoir vu le propriétaire de l’usine à pot couper une soixantaine d’arbres sans avoir obtenu d’autorisation de la Ville.

«Il m’a dit qu’il ferait un bel arrangement paysager, qu’on trouverait ça super beau et qu’on serait vraiment content de voir ça», se souvient Claude Croteau. Les prétextes évoqués par l’homme ont d’ailleurs été différents pour les quatre voisins.

Le quatuor inquiet est d’avis que la situation «ressemble à l’épisode de la Tour des fous des 12 travaux d’Astérix» où les différentes instances se relancent sans intervenir.

De fait, la Sûreté du Québec a fait savoir à M. Croteau que son voisin respectait la loi, puisqu’il détient un permis de Santé Canada. L’agence publique lui a suggéré de s’adresser à la Ville de Drummondville pour regarder la réglementation municipale et la Ville a fait savoir que le sujet était de juridiction fédérale.

«On veut qu’une culture de cette ampleur ne soit pas permise en quartier résidentiel, martèle Donna Lessard. Si je veux vendre ma maison demain matin, il n’y a plus personne qui va vouloir l’acheter. Personne ne voudra endurer ça. Il va y avoir d’autres cultures du genre à Drummondville si ça ne change pas. Il ne faut plus que ça soit considéré comme un grand jardin par nos élus. On a perdu notre été. On ne veut pas revivre ça chaque année.»

 

Des moyens limités

La Ville de Drummondville dispose de moyens limités pour sanctionner l’homme qui cultive des centaines de plants dans un quartier résidentiel. Le maire Alexandre Cusson a néanmoins indiqué que des constats d’infractions ont été donnés pour la présence de serres sur le terrain qui ne respectent pas la réglementation municipale.

La Ville ne peut pas en faire davantage pour le moment, a informé le conseiller en relations médias, Thomas Roux.

«Il n’y a pas eu de demandes de permis pour les serres. Pour ce qui est du reste, ce n’est pas de compétence municipale, mais bien fédérale. La personne stipule qu’elle a quatre permis, mais elle n’est pas tenue de les remettre à la Ville. Si les citoyens trouvent qu’il y a un problème avec le fait de cultiver autant de plants de cannabis, ce n’est pas auprès de la Ville qu’ils peuvent se tourner. Je ne sais même pas qui peut gérer ça au fédéral», a laissé tomber Thomas Roux.

Ce dernier a laissé entendre qu’un juge pourrait émettre une ordonnance pour sommer le jardinier du boulevard Jean-de Brébeuf de retirer ses serres, s’il omet de le faire dans les prochaines semaines.

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