(NDLR : Dans le cadre du dixième anniversaire de la conquête de la coupe du Président par les Voltigeurs de Drummondville, L’Express propose à ses lecteurs une série d’entrevues avec des acteurs-clés de l’unique édition championne dans l’histoire de la concession.)
Dans les couloirs du vétuste Centre Marcel-Dionne, les murs sont ornés des photos de la conquête de la coupe du Président par les Voltigeurs au printemps 2009. Sur l’une d’entre elles, on peut apercevoir Dominic Ricard debout sur la bande, pointant du doigt quelqu’un dans les gradins. Pour l’architecte de l’unique édition championne dans l’histoire de la concession, cette image a une valeur toute particulière.
Se sentant incapable de rester dans les gradins pendant la troisième période du match numéro sept de la finale, Ricard se réfugie dans le bureau du personnel administratif pour observer les 20 dernières minutes à la télévision. Lorsque les dernières secondes s’égrainent et que le toit de l’aréna explose à la suite de la victoire de 3-2 sur les Cataractes de Shawinigan, le directeur général des Voltigeurs met quelques minutes à se frayer un chemin jusque sur la patinoire. Une fois débarqué au milieu des célébrations, son premier geste est de monter sur la bande pour trouver sa femme Isabelle Langevin du regard.
«Pendant toutes ces années, Isabelle avait entendu des partisans me critiquer. Il y a même un journaliste bien connu qui m’avait demandé pourquoi je m’embarquais à « Drum-mort-ville », dans une équipe qui tuait ses coachs et ses dg. Mais j’avais tout le temps dit à Isabelle qu’un jour, j’allais montrer aux gens que Drummondville peut devenir une ville gagnante. Une fois, je m’étais même choqué dans mon bureau quand les choses allaient mal! J’avais dit à André Ruel que les maudits fantômes allaient débarrasser de l’aréna un jour», se souvient Ricard.
«Ce soir-là , j’ai dit à Isabelle : « Je te l’avais dit! On a réussi! » Elle m’a répondu que j’avais une tête de cochon, mais je lui ai dit que ça en valait la peine. On a dû piocher pour aller la chercher, cette bannière! Ce soir-là , j’étais aussi particulièrement content pour André Ruel, qui avait joué presque tous les rôles et qui avait été congédié quelques fois depuis 1982.»
Un travail de longue haleine
Dans l’esprit de Ricard, il faut remonter jusqu’à la saison 2003-2004 pour retrouver les fondements de cette conquête. D’abord embauché comme entraîneur-chef des Voltigeurs, l’homme originaire de Shawinigan est promu à la direction générale à peine un an plus tard.
«Quand je revois les membres de l’édition championne, on se rappelle beaucoup de la fin, des dernières secondes du match numéro 7, mais il ne faut pas oublier le processus qui a mené à ça, à tout ce que ça a pris à travers les années. Pour moi, cette coupe a pris naissance en 2003. Quand je suis arrivé chez les Voltigeurs, on jouait devant 800 ou 1000 personnes. On était loin d’aspirer à la coupe. Puis, le nouveau conseil d’administration est arrivé. Ensemble, on a implanté une nouvelle philosophie d’organisation», rappelle Ricard, qui avait gagné la coupe du Président en 2001 dans un rôle d’entraîneur-adjoint avec les Foreurs de Val-d’Or.
Dans leur plan initial, les Voltigeurs visaient la coupe en 2006-2007, soit lors de la première saison de Guy Boucher derrière le banc. La perte hâtive de Guillaume Latendresse, la blessure à long terme de Derick Brassard, puis le départ inattendu de Francis Charette ont toutefois chamboulé les plans de l’organisation.
«Ma première grosse tâche, ce fut de convaincre le CA qu’il fallait tout liquider en 2007-2008. Ça ne s’est pas fait en claquant des doigts. On avait ramené les gens à l’aréna, mais la situation était encore fragile. Finalement, on a liquidé Drew Paris, Scott Howes, Maxim Gougeon et compagnie. Je me suis fait critiquer à l’époque, mais ça nous a permis d’aller chercher des joueurs en compensation et des choix au repêchage, ce qui nous a donné de la latitude pour la suite des choses. Tout le monde a fini par embarquer dans notre plan.»
Évidemment, la fin de la saison 2007-2008 aura été particulièrement pénible pour les Voltigeurs. Avec seulement 14 victoires, l’équipe connaît l’une des pires campagnes de son histoire. «On en a payé le prix, mais Guy Boucher a fait un travail extraordinaire pour tenir les gars ensemble. On perdait des matchs, mais on ne perdait jamais la face. En fin de saison, on avait même surpris Rouyn-Noranda. Les gars gardaient toujours espoir. On savait aussi qu’au repêchage, un joueur exceptionnel de la trempe de Brandon Gormley ou Sean Couturier serait disponible.»
Des décisions audacieuses
De l’aveu même de Ricard, la reconstruction des Voltigeurs s’est faite plus rapidement que prévu. Au départ, l’organisation visait la saison 2009-2010, mais en l’espace de quelques mois, elle s’est hissée parmi les équipes prétendantes aux grands honneurs.
«On voulait bâtir, mais on ne pensait pas que ça se ferait aussi vite. On a fait preuve d’audace à plusieurs égards. Premièrement, en liquidant, puis en nommant un capitaine de 17 ans en Marc-Olivier Vachon. Ça ne s’était pas vu souvent, mais on y croyait. On a aussi été audacieux en faisant confiance à des gars comme Mike Hoffman et Samson Mahbod, qui avaient été rejetés par leur organisation respective.»
Durant la saison morte, l’entrée en scène de Dany Massé ainsi que l’acquisition de Dmitry Kulikov au repêchage européen contribuent à transformer radicalement le visage des Voltigeurs. «Je lève mon chapeau à André Ruel dans le dossier Kulikov. Il avait un contrat extrêmement compliqué en Russie et on n’avait pas beaucoup d’argent, mais on a réussi à le convaincre de venir jouer à Drummondville. On a travaillé vraiment fort sur ce dossier et notre persévérance a payé.»
Puis, à la veille du camp d’entraînement, les Voltigeurs encaissent un coup dur alors que Peter-James Corsi signe un contrat dans ECHL. Ricard se tourne alors vers les Huskies pour obtenir les services de Yannick Riendeau dans ce qui allait devenir la transaction la plus importante de sa carrière.
«J’avais déjà coaché Yannick chez les moins de 17 ans. Je l’adorais et je savais qu’il cadrerait bien dans notre équipe. Quand j’ai su qu’il voulait quitter Rouyn, je n’ai jamais hésité. Je me rappelle avoir négocié cette transaction au tournoi de golf. On m’a questionné : « Es-tu sûr? Ce n’est pas notre année.  » C’était vrai que c’était audacieux, mais mon feeling, c’était qu’on était sur une bonne lancée. Tout tournait du notre bord et il fallait continuer à aller de l’avant.»
En octobre, un autre concours de circonstances permet aux Voltigeurs d’ajouter un joueur d’impact. À la suite du départ d’Igor Golovkov, Ricard apprend que le Tchèque Patrik Prokop veut revenir jouer dans la LHJMQ. Le défenseur avait remporté la coupe du Président l’année précédente, avec les Olympiques de Gatineau. «En finale, quand on a perdu notre avance de 3-1, certains joueurs commençaient à paniquer. Avec son expérience, Prokop a su calmer les gars. Il a stabilisé notre équipe tant sur la glace qu’en dehors», soutient Ricard.
Puis, lors de la période des Fêtes, le dg hyperactif complète ce puzzle de façon spectaculaire en obtenant les services du gardien Marco Cousineau et de l’attaquant étoile Christopher DiDomenico. C’est également là que l’agent libre américain Ryan McKiernan fait son arrivée à Drummondville. Des acquisitions qui permettent aux Voltigeurs de terminer la saison en force et d’établir un record d’équipe avec 54 victoires. En l’espace d’une seule année, les Rouges ont amélioré leur fiche de 79 points, ce qui représente toujours un record de la Ligue canadienne. «Ce fut un véritable travail d’équipe. Sans l’aide d’André Ruel, Guy Boucher et Danny Brooks, ça aurait été impossible. Tout le monde a eu son mot à dire dans chacune de ces décisions», insiste celui qui a été proclamé dg par excellence dans la LHJMQ en 2009 et en 2010.
Une retraite fermée salutaire
Sur une lancée irrésistible, les Voltigeurs atteignent la finale du circuit sans subir une seule défaite durant les trois premières rondes des séries. À la veille du septième match contre les Cataractes, Ricard prend une décision cruciale en amenant les joueurs et les entraîneurs en retraite fermée dans un hôtel.
«Dans l’histoire de la LHJMQ, Drummondville était la seule équipe qui avait déjà échappé une avance de 3-1 en finale. Les journalistes nous le rappelaient souvent et certains joueurs commençaient à devenir nerveux. Quand j’ai vu la face des gars après le match, j’ai appelé Éric Verrier. Je lui ai dit qu’il recevrait une facture, parce qu’on s’en allait à l’hôtel. On a ramassé les cellulaires et on est allé jouer aux cartes. Je voulais éloigner les gars de leurs pensions, des critiques et des distractions. Je voulais les isoler pour qu’ils puissent relaxer, garder leurs énergies pour le match numéro 7. On n’a pas touché la glace et quand on est arrivé au match, les gars étaient reposés mentalement et physiquement.»
Quelques jours après avoir décroché ce championnat, les Voltigeurs s’avouent vaincus en demi-finale de la coupe Memorial face aux Spitfires de Windsor, éventuels vainqueurs du tournoi disputé à Rimouski. Adam Henrique met fin à la saison de rêve des Rouges en marquant en prolongation. «Cette équipe-là a tout donné ce qu’elle avait à donner. Les gars étaient malades. Ça avait commencé par Guy Boucher, puis les gars se sont mis à tomber comme des mouches en arrivant à Rimouski. Plusieurs faisaient de la fièvre ou vomissaient. Ils sont allés jusqu’au bout de leurs énergies», conclut Dominic Ricard avec un mélange de fierté et de nostalgie.
Des allures de 2009?
Aujourd’hui devenu conseiller pour l’agence de joueurs CAA, où il fait équipe avec son fidèle complice André Ruel, Dominic Ricard réside toujours à Drummondville et il continue de garder un œil sur les performances des Voltigeurs. L’homme de hockey de 43 ans représente les intérêts de Nicolas Beaudin, Olivier Rodrigue et Benjamin Corbeil. Plus que jamais depuis la conquête de 2009, les partisans de l’équipe rêvent d’un défilé sur la rue Lindsay.
«J’ai toujours cru que pour gagner, ça prend du talent à profusion. Les Foreurs en avaient en 2001, on en avait en 2009 et les Voltigeurs en ont cette année. Ils ont beaucoup de vitesse et de profondeur en offensive. C’est ce que ça prend pour gagner. Selon moi, ils sont à un élément d’y parvenir. C’est pourquoi j’ai hâte de voir ce qu’ils vont faire durant la période des échanges», lance celui qui a été remercié par les Voltigeurs en 2016.
«De plus, Steve Hartley et Steve Bégin ont déjà gagné. L’organisation aussi. Il y a une bannière au plafond : les joueurs peuvent lever la tête et s’en inspirer. L’organisation ne part pas à zéro. Ce sont des moments excitants pour tous les amateurs des Voltigeurs.»
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