Pesticides : vers une interdiction totale à Drummondville?

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Par Jean-Pierre Boisvert
Pesticides : vers une interdiction totale à Drummondville?
Berthe Tessier à la période de question de l’assemblée municipale. (Photo : Tirée de la diffusion de NousTV)

Deux ans après avoir adopté une réglementation municipale encadrant l’utilisation des pesticides, la Ville de Drummondville pourrait-elle envisager une interdiction totale?

 La question, à la fois pertinente sur le plan environnemental mais radicale sur le plan politique, a été soumise par la citoyenne environnementaliste Berthe Tessier lors de la dernière assemblée du conseil municipal.

Faisant valoir que tous les pesticides, même ceux qui sont identifiés comme biologiques, ont un impact écologique et demeurent toxiques, elle a mis en évidence que ces produits utilisés sur les pelouses ne vont pas en diminuant, à en juger par les affichettes de plus en plus nombreuses sur les propriétés drummondvilloises.

Mentionnons ici qu’un pesticide est une substance chimique utilisée pour lutter contre des organismes considérés comme nuisibles. C’est un terme générique qui rassemble les insecticides, les fongicides, les herbicides, les parasiticides. Ils s’attaquent respectivement aux insectes ravageurs, aux champignons et aux mauvaises herbes.

«Je remarque que la réglementation municipale est très sévère sur l’utilisation des pesticides (comprenant notamment un registre de chaque application de pesticides par un entrepreneur) et j’ai vu sur le site web de la Ville que c’est le Service du développement durable et de l’environnement qui est chargé de la surveillance et de l’application de ces règlements. Mais comment faites-vous pour surveiller ça ? Y a-t-il déjà eu des amendes ? Moi je me dis que l’année 2018 devrait être une année de transition pour aller vers une interdiction totale des pesticides à Drummondville», a suggéré Mme Tessier.

Le maire Alexandre Cusson, le conseiller John Husk et la conseillère Isabelle Marquis ont tour à tour donné des précisions. «Ça fait deux ans seulement que nous avons adopté notre réglementation alors que d’autres municipalités l’ont fait depuis 10 ou 15 ans. Nous sommes dans une gradation et on verra ce que sera la situation dans les prochaines années», a souligné John Husk. Le maire Cusson a renchéri en précisant que la réglementation drummondvilloise est plus sévère que ce qu’impose le ministère de l’Environnement du Québec. En ce qui concerne les amendes, le conseil vérifiera s’il y a en a déjà eues. Mme Marquis a indiqué, pour sa part, qu’il y a un compte-rendu annuel des plaintes déposées à la Ville et que le Service de développement durable assure un suivi.
L’idée n’est donc pas complètement écartée de réaliser le souhait de Berthe Tessier, mais, comme l’a fait observer le maire Cusson, «on ne peut pas tous aller à la vitesse des plus vites».

Le cas Chelsea

La petite municipalité de Chelsea, dans l’Outaouais, a décidé en 1998 de bannir tous les pesticides sur son territoire et a offert des formations et des ateliers sur certaines pratiques dont celle qui assure un passage de l’entretien chimique à l’entretien écologique.

Comment cela s’est-il passé?, a demandé L’Express à la mairesse Caryl Green. «Au début, c’était l’initiative de deux personnes dont une jeune femme qui attribuait la cause de sa maladie cancéreuse à l’environnement et toute la communauté a appuyé cette décision municipale d’interdire les pesticides à des fins esthétiques. Il y a bien eu quelques résistances comme les terrains golf mais tous ont fini par accepter. Aujourd’hui, personne n’a une plus belle pelouse que son voisin et les pesticides ne sont plus vendus dans les magasins chez nous», a raconté lors d’un entretien téléphonique la mairesse Green qui vient d’être nommée présidente du Caucus des municipalités locales de l’UMQ.

Recherche sur les pesticides

Par ailleurs, côté agricole, le dossier sur les pesticides n’est pas ce qu’on peut qualifier de transparent. Dans une lettre au Devoir du 12 mars, signée par des chercheurs indépendants, il était porté à l’attention du public que le Centre de recherche sur les grains (CEROM), une institution publique dont une partie du travail vise à réduire l’utilisation des pesticides qui nuisent à l’environnement, aurait tenté de dissuader des chercheurs de diffuser les résultats de leurs travaux, lesquels concluaient que l’utilisation des pesticides néonicotinoïdes n’avait qu’une influence minime sur les rendements en agriculture.

Les signataires disent trouver inacceptable qu’un organisme privé comme le CEROM bénéficie de fonds publics pour faire de la recherche sur les pesticides alors que son conseil d’administration est principalement constitué de vendeurs de pesticides.

Plus troublant encore, selon eux, «il est hautement préoccupant que des études démontrant l’inefficacité de pesticides n’aient pas été rendues publiques, au moment même où le gouvernement du Québec étudiait la mise en place d’une réglementation pour interdire l’usage des pesticides posant les risques les plus élevés pour la santé et l’environnement».

La lettre signifiait que l’utilisation de pesticides agricoles atteint des niveaux records au Québec. «Ces produits sont conçus pour être toxiques et ils sont épandus dans l’environnement de façon volontaire. Plusieurs pesticides utilisés en agriculture et en milieu urbain ont été associés à des effets néfastes sur la santé humaine, notamment la maladie de Parkinson, une diminution de la fertilité, et des problèmes neurologiques chez l’enfant».

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