Recensement: une hausse de la population anglophone en région fait sourciller

Recensement: une hausse de la population anglophone en région fait sourciller
Le chercheur dit être dans le néant quant à ce qui aurait pu gonfler les chiffres sur la population anglophone.

NATIONAL — La fiabilité de certaines données du recensement de 2016, publiées la semaine dernière par Statistique Canada, est mise en doute.

La population ayant l’anglais comme langue maternelle ou parlée à la maison a explosé dans une série de villes éloignées des grands centres du Québec.

Cette hausse de la population anglophone en région fait sourciller Jack Jedwab, de l’Association d’études canadiennes.

Plus de la moitié de la hausse de 57 325 personnes dans la population anglophone a été observée à l’extérieur de Montréal, dans des villes à forte majorité francophone, comme Drummondville, Trois-Rivières ou Shawinigan, rapportait le quotidien Le Devoir.

M. Jedwab est allé jusqu’à réclamer à Statistique Canada une enquête sur ces données qu’il juge pour le moins improbables.

À Rimouski par exemple, le nombre de personnes qui disent parler anglais à la maison a presque quadruplé de 2011 à 2016, alors qu’il n’a progressé que de six pour cent à Montréal.

«Je n’ai jamais vu dans ma vie un anglophone à Toronto qui se dit: »J’ai une décision déchirante à faire, j’ai besoin de quitter Toronto et je ne sais pas si je devrais aller à Calgary, Vancouver ou Rimouski!»», a lancé M. Jedwab, en entrevue avec La Presse canadienne.

Il soutient que ce phénomène — du «jamais-vu» — n’est pourtant pas reflété par les données gouvernementales sur la présence d’enfants anglophones en garderie ou sur les bancs d’école.

Il estime que l’immigration n’explique pas ces chiffres, car il lui semble «contre-intuitif» que des nouveaux arrivants anglophones choisissent aussi massivement de s’établir à l’extérieur du Grand Montréal.

Le chercheur écarte aussi l’hypothèse selon laquelle il s’agirait d’une conséquence de l’abolition par le gouvernement de Stephen Harper du long questionnaire, en 2011. Il soutient que cette section du recensement avait été épargnée et que les questions étaient alors posées dans les mêmes mots.

Il dit être dans le néant quant à ce qui aurait pu gonfler les chiffres sur la population anglophone.

«Je suis au point où je vais faire appel à Scooby-Doo», a-t-il raillé.

M. Jedwab a tenu à souligner qu’il a énormément de respect pour Statistique Canada, «un organisme modèle pour beaucoup d’agences nationales de statistiques». Il dit avoir signalé ces anomalies «dans l’esprit d’un citoyen concerné», après les avoir passées en revue à une dizaine de reprises.

Statistique Canada a déclaré «prendre très au sérieux l’exactitude et la qualité des données et appliquer des méthodes statistiques reconnues et des normes de vérification des données dans tous ses programmes, y compris le recensement».

M. Jedwab précise que le statisticien en chef, Anil Arora, lui a assuré que l’agence examinerait la question «de manière prioritaire».

«Pour ma part, je suis convaincu qu’il va falloir aller sur le terrain et prendre des échantillons avec des entrevues chez les gens, a-t-il prévenu. C’est un investissement qui, je pense, est nécessaire dans les circonstances.»

«Dès qu’il y a des erreurs, ça affecte l’ensemble des données», a-t-il signalé, citant en exemple les chiffres sur les revenus et le chômage dans les régions concernées.

«Ça affecte aussi la perception de nos élus en termes de planification», a-t-il poursuivi.

M. Jedwab craint que les analystes qui ont sonné l’alarme quant à l’avenir de la langue française ou qui se sont réjouis de cette progression des minorités anglophones en région aient été induits en erreur.

Roxanne Ocampo, La Presse canadienne

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