Émeute mai 2012 : Des paramédics dans le feu de l’action!

Émeute mai 2012 : Des paramédics dans le feu de l’action!
Simon Perreault Beauchesne et Charles-David Deroy.

CENTRE-DU-QUÉBEC. Deux paramédics d’Urgence Bois-Francs, Charles-David Deroy et Simon Perreault Beauchesne, ont vécu l’émeute de très près en soirée ce fameux 4 mai 2012 à Victoriaville.

Ils faisaient un quart de travail de 15 h à 3 h. Ces deux techniciens ambulanciers paramédics avaient été assignés au site même de la manifestation. «Il était prévu qu’on ne sortait pas du site, qu’on traitait les personnes incommodées et qu’une autre équipe s’amène au besoin pour le transport à l’hôpital», indique Charles-David Deroy, originaire de Plessisville.

«Toutes nos ambulances, les cinq véhicules, avaient été mises sur la route», se rappelle Simon Perreault Beauchesne de Victoriaville.

Mais le plan établi n’a pu être suivi comme prévu. La réalité a été tout autre. «On a été un peu pris de court», note Charles-David Deroy.

Les deux paramédics ont pris place sur le site vers 15 h 20, environ trois heures avant l’arrivée des manifestants.

Les deux hommes anticipaient une foule nombreuse, mais ne s’attendaient pas particulièrement à ce qu’il y ait de la casse.

Mais comme on le sait, la situation a dégénéré. Deux heures intenses entre 19 h et 21 h. «Tout a dégénéré rapidement dès que des manifestants ont fait tomber les clôtures», précise Charles-David.

Les policiers de l’antiémeute ont vite fait leur apparition. Avec le brasse-camarade, les gaz lacrymogènes ont été lancés. «À ce moment, on a commencé à voir arriver des gens à l’ambulance pour différentes choses, notamment les yeux irrités», relate Simon.

«Les appels n’entraient pas sur les ondes. Les gens ne faisaient pas le 9-1-1, ajoute-t-il. Ils venaient directement à nous. Si, au départ, il ne se passait rien, en 30 secondes, tout s’est mis à aller très vite.»

Les deux collègues se souviennent d’avoir offert une bouteille d’eau à une manifestante aux dents abîmées.

Puis, un jeune homme, un étudiant en médecine, pensent les paramédics, puisqu’il semblait connaître le vocabulaire médical, s’amène, réclame leur intervention pour un homme inconscient devant le Victorin.

Mais avec les nombreux manifestants, pas facile le déplacement avec l’ambulance. «Il nous fallait toujours une escorte policière», signale Charles-David Deroy.

Les paramédics partent à la recherche de l’homme inconscient et croient l’avoir trouvé près de l’Hôtel Le Victorin. «Un homme était au sol, entouré de policiers. Mais ce n’était pas le bon. C’était un homme que les policiers venaient d’arrêter», souligne le paramédic Deroy.

C’est à ce moment qu’une bombe lacrymogène a éclaté aux pieds des deux paramédics qui ont été fortement incommodés par le gaz. «Les policiers nous ont dit : ne restez pas là, il y a trop de gaz. Mais il était trop tard», se souvient Charles-David.

«On ne voyait plus rien. Les 10 premières secondes ont été épouvantables. Pendant 10 secondes, tu ne respires pas, tu cherches ton air», commente Simon Perreault Beauchesne.

Les deux paramédics, étendus dans leur véhicule, ont mis environ cinq minutes à se nettoyer les yeux avec de l’eau.

Ils ont appris finalement que l’homme inconscient se trouvait au coin du rang Nault et de la route 116. Impossible pour Simon de conduire l’ambulance en raison d’une vision nulle. Son coéquipier Charles-David a pris le volant. «Ma vision était d’environ 25 ou 50%. J’ai suivi la police», note-t-il.

Il leur a fallu environ 15 minutes pour parvenir à trouver l’individu mal en point que des proches déplaçaient constamment. Les deux hommes sont parvenus à trouver l’individu mal en point en circulant parfois sur le gazon. «L’antiémeute nous a fait une petite barrière pour qu’on puisse travailler. Mais nous n’avons pas été dehors longtemps. Des projectiles, des roches étaient lancés. On a rapidement placé l’homme dans l’ambulance», indique Charles-David Deroy.

Les paramédics l’ont stabilisé. Puis, puisqu’aucune autre ambulance ne pouvait les rejoindre, ils ont dû se faufiler, emprunter le rang Nault et le chemin Laurier pour se rendre à l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska. «Nous n’avions pas de temps à perdre, l’homme se trouvait dans un état assez critique», se rappelle M. Deroy.

À l’hôpital, pour leurs yeux irrités par les gaz, les deux paramédics ont eu droit à une douche oculaire. Puis, comme d’autres appels non liés à l’émeute entraient comme à l’habitude, les deux partenaires ont dû intervenir, malgré leurs vêtements qui sentaient le poivre de cayenne, auprès d’un patient en détresse respiratoire. «Nous avons enlevé nos chemises imbibées de gaz pour se retrouver en t-shirt», racontent les deux paramédics.

Par la suite, ils sont retournés à l’émeute. Le calme, heureusement, était revenu. «Nous sommes allés voir les policiers de l’antiémeute, signale Charles-David Deroy. Plusieurs étaient maganés. On a conduit l’un d’eux à l’hôpital pour une blessure à l’épaule.»

Les deux paramédics, ensuite, ont terminé, comme prévu, leur quart de travail à 3 h, répondant aux appels qu’ils recevaient.

Ils étaient, de nouveau, au rendez-vous, le lendemain où se tenait une autre manifestation, pacifique celle-là. «Ça a été tranquille, on n’a rien eu. On agissait davantage en spectateurs», se souviennent les deux collègues.

Interrogés à savoir s’ils ont craint pour leur sécurité, les paramédics affirment ne pas y avoir vraiment pensé.

Mais après coup, ils reconnaissent qu’ils auraient pu enfiler leurs vêtements et matériel de protection. «Notre protection personnelle aurait pu être mieux. On n’a pas pris le temps de s’habiller comme il faut», reconnaît Simon Perreault Beauchesne.

«Tout est arrivé super vite. Nous aurions dû être plus à l’écart. Nous étions dans l’épicentre. Les gens ont vu l’ambulance et se sont précipités», souligne Charles-David Deroy.

Les deux hommes, sans souhaiter de malheur ni s’en réjouir, ont toutefois apprécié vivre ce moment historique. «Cela sort du commun, dit Simon. Je suis content d’y avoir participé. Quand on fait de l’ambulance, c’est très protocolaire. Là, c’était de l’ambulance de brousse. On s’organisait à la bonne franquette.»

«J’ai apprécié ma journée, se réjouit aussi Charles-David. J’ai vécu un beau moment de carrière. C’est un moment d’histoire. J’aurais été déçu de ne pas avoir été présent ce soir-là.»

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