Émeute mai 2012 : Dans l’œil et le calepin de journalistes

Émeute mai 2012 : Dans l’œil et le calepin de journalistes
En quelques secondes

N.D.L.R. Les journalistes Claude Thibodeau et Ghislain Chauvette, de la Nouvelle Union de Victoriaville, une publication de TC Media, partagent leurs souvenirs et leurs réflexions, sur l’émeute du 4 mai 2012, qui avait secoué leur localité.

CENTRE-DU-QUÉBEC. S’ils soutiennent que les policiers avaient sous-estimé l’ampleur qu’allait prendre la manifestation du 4 mai 2012, les journalistes de La Nouvelle Union, Ghislain Chauvette et Claude Thibodeau, n’étaient guère équipés comme leurs collègues des médias nationaux pour «couvrir» le rassemblement. Ces derniers portaient masques à gaz et casques de hockey. «On était là avec la caméra dans les mains, le calepin sous le bras. C’est un journaliste, probablement de Montréal, qui nous a lancé une bouteille d’eau. On avait les yeux qui piquaient à cause du poivre de Cayenne et des gaz lacrymogènes», raconte Ghislain.

La seule présence de Ghislain, chef de nouvelles, sur le terrain de la manifestation, témoignait pourtant de l’importance qu’il lui accordait, alors qu’il ne couvre qu’exceptionnellement des activités.

«Quand on a su que le congrès libéral déménageait de Montréal à Victoriaville, on s’attendait à ce qu’il y ait du monde ici, étant donné que depuis plusieurs semaines, il y avait des manifestations surtout dans les grands centres.»

Les journalistes se souviennent que certains avaient rigolé en voyant l’établissement Coupons Parent barricader ses fenêtres, une sorte de signal qu’on pouvait craindre le pire.

Un troisième journaliste, Benoît Plamondon, attelé à son clavier et à son écran, transmettaient sur le www.lanouvelle.net les informations que lui faisaient parvenir Claude et Ghislain tout en suivant, à l’écran les images que RDI diffusait en direct. On n’était pas encore à l’époque où, sur le terrain, nos journalistes peuvent transmettre directement leurs images sur le compte Facebook du journal.

Claude et Ghislain se trouvaient tout près du périmètre de sécurité, saluant le maire Alain Rayes encore tout sourire, juste avant que, brusquement, la manifestation vire en émeute.

En un rien de temps, a cédé la barrière non enchaînée, précise Claude, et des manifestants masqués ont commencé à lancer toutes sortes de projectiles, comme des morceaux d’asphalte, fracassant une des vitres du Victorin.

Pris entre «deux feux», l’escouade antiémeute et les manifestants, les deux journalistes se sont éloignés du «foyer» de l’émeute afin d’éviter les tirs et pour continuer leur travail. «On voulait avoir une meilleure perspective, une vue d’ensemble de la manifestation. C’était troublant ce qu’on voyait», dit Ghislain, se rappelant qu’au milieu de la foule se trouvaient des petites familles, des enfants dans des poussettes.

«C’était le chaos total. On se serait cru dans une scène de guerre avec ces bagarres, ces tirs, la fumée des gaz lacrymogènes. Des gens frappaient les policiers. Les paramédics avaient du mal à se frayer un chemin parmi la foule pour se rendre au chevet des blessés. On voyait les ambulances passer par-dessus le terre-plein de la 116», décrit Claude.

Durant trois heures, les deux journalistes sont restés sur place pour faire leur travail, suivant l’évolution de la manifestation dont le cœur s’est déplacé vers le complexe funéraire Grégoire et Desrochers.

Cinq ans plus tard, les journalistes se demandent «pourquoi ça s’est rendu si loin» tout en rappelant que les manifestations quotidiennes du «printemps érable» avec ses «casseroles» avaient contribué à alimenter la «grogne».

Ils partagent l’avis de ceux qui soutiennent que dans ce contexte, l’émeute telle qu’on l’a connue à Victoriaville, aurait pu survenir n’importe où.

«Le conflit étudiant n’aura été qu’un prétexte pour les casseurs, une poignée de gens mal intentionnés», résume Ghislain. Personne n’est à l’abri de ces émeutes qui peuvent éclater pour toutes sortes de raisons… même à la suite d’une victoire du Canadien pour la coupe Stanley, dit-il.

Le lendemain, samedi, Claude retournait dans la cour du centre des congrès, une autre manifestation contre le gouvernement libéral s’y était annoncée.

Ironiquement, cette fois, remarque-t-il, la barrière du périmètre de sécurité était enchaînée. Et lorsqu’un manifestant a voulu la faire tomber, c’est une dame qui, d’un simple «Là, ça va faire, eille arrête!», l’en a empêché.

Cette manifestation-là, portant pourtant les mêmes revendications, aura été celle, pacifique, à laquelle la veille on s’attendait.

L’un comme l’autre des deux journalistes ne regrettent pas d’avoir couvert un événement aussi marquant et inhabituel. «On n’a pas eu le temps d’avoir peur!»

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