Une opinion juridique de la Ville : confidentielle ou pas?

Une opinion juridique de la Ville : confidentielle ou pas?
André Mercier

Est-ce qu’une avocate, employée de la Ville de Drummondville, peut évoquer le droit au secret professionnel, au sujet d’une opinion juridique qu’elle a rédigée, vu que la Ville est aussi sa cliente comme dans n’importe quelle relation avocat-client?

Cette pertinente question est ressortie dans l’audience que tenait ce matin la juge Hélène Grenier, du Tribunal administratif du Québec, dans un local de l’hôtel Le Dauphin, pour régler le litige opposant le citoyen André Mercier et la Ville de Drummondville.

M. Mercier a demandé de connaître la teneur d’un avis légal, concernant l’article 45 du décret sur la fusion municipale entre Drummondville et Saint-Nicéphore, qui n’a jamais été rendu public bien qu’il ait été vaguement mentionné lors des audiences du BAPE en juin 2012, lesquelles portaient sur l’agrandissement du lieu d’enfouissement de Waste Management.

L’opinion juridique, dont M. Mercier veut connaître la teneur, datée de 2008 et rédigée par Me Mélanie Ouellet (aujourd’hui greffière mais à l’époque avocate de la Ville), a été gardée confidentielle par la Ville de Drummondville. Mais comme cette dernière a demandé une deuxième opinion qui, elle, a été divulguée, M. Mercier estime que la Ville doit avoir quelque chose à cacher pour ne pas avoir dévoilé le premier de ses deux avis légaux. «Si la Ville ne veut pas rendre publique cette première opinion légale, c’est sans doute parce qu’elle ne faisait pas son affaire dans tout le dossier de l’agrandissement du lieu d’enfouissement», prétend M. Mercier qui s’est adressé à la Commission de l’accès à l’information en janvier 2015.

L’opinion juridique en question traite de l’article 45 du décret sur la fusion municipale qui est au centre du débat qui a porté sur l’agrandissement du lieu d’enfouissement. L’article 45 n’a jamais été éclairci. Essentiellement, ça disait que tout règlement du conseil de la nouvelle ville fusionnée portant sur l’agrandissement du site d’enfouissement (de Saint-Nicéphore) devait passer par un référendum limité ou pas aux gens de Saint-Nicéphore afin que «leur voix ne soit pas diluée dans le grand ensemble de Drummondville».

La Ville de Drummondville, représentée aujourd’hui par Me Richard Brisson et Me Mélanie Ouellet, ne tient toujours pas à lever le voile sur cet avis légal interne. «La loi du secret professionnel lie l’avocate à la Ville même si elle est une employée de la Ville qui demeure aussi sa cliente. Le secret professionnel est compris dans la Charte des droits et libertés. La Cour suprême a déjà statué qu’une opinion juridique n’a pas nécessairement à être incluse dans la documentation déposée devant un tribunal. Il y a même une cause où un conseiller municipal a déjà tenté de voir un avis interne du service juridique de sa Ville et il a essuyé un refus», a plaidé Me Brisson qui a servi d’autres exemples de même type.

Selon ce dernier, il y a un autre motif pour empêcher la transmission de cette opinion tant recherchée et c’est le fait que le dossier est judiciarisé. M. Mercier est en effet membre du Groupe des opposants au dépotoir de Drummondville (GODD) qui a intenté devant la Cour supérieure un procès à la Ville concernant l’interprétation de l’article 45 et du référendum du 24 mars 2013. Les dates prévues de ce procès sont du 20 au 28 avril 2017.

«Le contenu de cet avis légal pourrait être de nature à servir la cause», des opposants à la Ville, a affirmé Me Brisson. «D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que six personnes membres du GODD sont ici présents ce matin», a-t-il ajouté en parlant des observateurs.

«Si la Ville avait été transparente avec l’article 45, tout cela ne serait pas nécessaire», a souligné M. Mercier. «Elle avait les moyens d’éclaircir ça afin que les gens puissent rendre une décision éclairée», s’est-il dit d’avis.

Après avoir entendu les deux parties, la juge Hélène Grenier a fait savoir qu’elle prendra la cause en délibéré et que sa décision sera rendue d’ici trois mois, par écrit. Elle a toutefois précisé que l’opinion juridique en question ne sera pas automatiquement envoyée à M. Mercier même si elle accueille sa demande favorablement. La raison est qu’elle doit donner du temps à la Ville de décider si elle ira en appel le cas échéant.

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