Nathalie Boisvert : quatre années de hauts et de bas

Lise Tremblay et Cynthia Giguère-Martel
Nathalie Boisvert : quatre années de hauts et de bas
Nathalie Boisvert occupait le poste de président-directrice générale du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. (Photo : Gracieuseté)

SANTÉ. Ayant annoncé en décembre qu’elle n’allait pas renouveler son mandat au CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec, Nathalie Boisvert a tiré sa révérence il y a quelques jours avec le sentiment du devoir accompli. Entrevue avec celle qui est devenue présidente-directrice générale adjointe en plein cœur d’une pandémie.

«Je suis arrivée dans la pire crise que le réseau de la santé ait connu. J’étais déjà dans la préparation des salles d’urgence. Quand j’ai été nommée, les urgences étaient prêtes; les soins intensifs et les centres de dépistage étaient ouverts. J’avais des équipes extrêmement efficaces», se rappelle Mme Boisvert, qui a tenu le système régional à bout de bras du 31 mars 2020 au 31 mars 2024.

À travers ses 1460 journées en poste – marquées par des hauts et des bas – la date du 8 avril 2020 restera gravée longtemps dans sa mémoire. Elle s’est vu confier la gestion de l’éclosion au CHSLD Laflèche de Shawinigan. Un chemin de croix qui a duré trois longs mois. Les victimes tombaient comme des mouches.

«Il y avait tellement, mais tellement de gens malades, raconte-t-elle, encore bouleversée. Comme je suis une gestionnaire de crise, pour moi c’était quand même facile d’un point de vue de gestion, mais du point de vue humain, ça a été terrible. Dans ma tête, je me disais : ils vont tous mourir. J’avais peine à me demander comment on arriverait à reprendre le contrôle. Puis, je me suis fixé un objectif. J’ai dit au PDG qu’on allait reprendre le contrôle en moins d’une semaine. Ç’a pris trois jours. À partir de là, une relation de confiance s’est installée.»

Au final, 50 % de son mandat a été réalisé avec le mot «Covid-19» en trame de fond. Elle souligne le dévouement des gens qui l’ont entourée. «Tout le monde s’est dépassé», assure-t-elle.

Dire qu’il est difficile d’œuvrer dans le réseau de la santé est un euphémisme tellement il y a d’angles, d’enjeux et de défis dans chaque aile des établissements de santé. Les équipes de travail sont nombreuses et la clientèle évolue et s’accroît, ce qui pèse sur les épaules de tout un chacun. À plusieurs reprises, Mme Boisvert a dû revenir à ses bases.

«Il a fallu que je me rappelle plusieurs fois les raisons pour lesquelles j’étais là. À la base, je suis une infirmière. J’étais là pour prendre soin des gens. Au fil de la crise, j’ai été capable de tisser des liens très étroits avec certains gestionnaires. J’ai constaté que je n’avais pas juste un leadership de compétences, mais aussi de gestion», souligne-t-elle.

Relations

Consciente dès les premiers instants que son poste de PDGA allait comporter un aspect très sociopolitique, Nathalie Boisvert s’est assurée de tisser des liens rapidement avec la communauté et les élus dans l’espoir que la région soit dans l’œil du gouvernement et qu’elle puisse, enfin, obtenir des projets. Elle en a d’ailleurs obtenu un très important : le projet-pilote de santé numérique.

«Je pense sincèrement que les relations que j’ai entretenues avec les élus ont ramené un sentiment de confiance. Le Centre-du-Québec a sa place et sa voix au sein du CIUSSS, soulève-t-elle. Il y a un travail de fond qui s’est fait. Les projets pilotes constituent des avancées pour la reconnaissance du Centre-du-Québec.»

La gestionnaire souligne également que sous sa gouverne, les liens avec l’Université de Sherbrooke ont été resserrés pour tout ce qui touche la médecine familiale. Cela a mené à l’augmentation des cohortes en médecine de famille à Drummondville puis entraîné la création d’un GMFU à Victoriaville.

Parmi ses autres réalisations, elle a rappelé évidemment la création de deux maisons des aînés (Drummondville et Victoriaville), le projet d’agrandissement de l’Hôtel Dieu d’Arthabaska puis la mise sur pied de cliniques de proximité, un moment décisif pour «se rapprocher de notre monde», dit-elle.

Dans les dossiers qui ont polarisé le personnel, la gestionnaire a concédé que la restructuration des quarts de travail des infirmières lui a demandé beaucoup de jus.

«J’ai pris une décision impopulaire qui a affecté les infirmières pour qui j’ai de l’affection et du respect. Ç’a été difficile et non sans conséquences. Les gens étaient très en colère. Mais ma responsabilité allait au-delà d’un petit groupe de personnes. C’était une décision mûrement réfléchie, mais ça m’a beaucoup touchée. Ça m’a ébranlée. Quand mon père est décédé, ces gens en ont pris soin. Même chose quand ma fille a accouché. Si je tombe malade, ils me soigneront. S’il n’y avait pas eu de pénurie de main-d’œuvre, on n’en serait pas là. Il a fallu que je compose avec un réseau qui a été malmené dans les dernières années», fait-elle observer.

Courageuse, authentique et accessible sont les mots que Nathalie Boisvert a utilisés pour décrire comment elle s’est sentie durant son passage au CIUSSS MCQ.

«Et je dis cela en toute humilité, car c’est loin d’être un long fleuve tranquille là, le réseau de la santé.»

Celle qui a choisi de s’offrir une pause professionnelle espérait évidemment que le gouvernement du Québec lance le projet de construction d’un nouvel hôpital régional à Drummondville.

«Je vais voir comment je pourrais m’impliquer. Je crois en ce projet», affirme-t-elle.

Quand on lui demande enfin ce qu’elle espère pour le réseau, elle répond sans hésitation qu’elle souhaite qu’il puisse compter sur davantage d’infirmières sur le terrain. Elle aimerait aussi que les gens développent une conscience globale de la santé.

«Le réseau est responsable de seulement 20 % de la santé d’un individu. 80 % de ce qui influence la santé est ailleurs. Elle passe par l’alimentation, l’activité physique, des trottoirs déneigés, de beaux parcs, des pistes cyclables, etc. Dans les milieux de travail, c’est dans l’équilibre. Chaque personne a un rôle à jouer. Il faut vraiment conscientiser la population», croit la nouvelle grand-mère.

Au cours des prochaines semaines, le CIUSSS MCQ annoncera le successeur de Nathalie Boisvert. La nomination devra préalablement être entérinée par le conseil des ministres.

 

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