Plusieurs travailleurs sociaux envisagent de déserter la profession dans la région

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Par Cynthia Martel
Plusieurs travailleurs sociaux envisagent de déserter la profession dans la région
Les tâches et la lourdeur administrative ont été identifiés comme la principale source de frustration et de stress. (Photo : Deposit)

SERVICES SOCIAUX. Exaspérés par la paperasse et de plus en plus stressés par la charge de travail, environ 2400 travailleurs sociaux songent à quitter la profession d’ici les deux prochaines années à travers la province. Bien que le niveau de bonheur semble un peu plus élevé au Centre-du-Québec que la moyenne, la région ne sera pas épargnée, révèle un sondage.

Inquiet de l’état de ses membres, l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec a récemment commandé ce sondage réalisé par la firme CROP.

Précisément, 2400 répondants sur 5134 (16 %) ont affirmé qu’il est «probable» ou «très probable» qu’ils abandonnent leur profession.

Le sondage révèle également que les TS sont plus nombreux que la moyenne des travailleurs au Québec à composer avec un niveau élevé de stress lié au travail. De fait, 51 % ont signalé que celui-ci se situe à 7 ou plus sur une échelle de 10, comparativement à 39 % au sein de la population active (sondage omnibus CROP), soit une différence de 12 %.

À plus petite échelle, au Centre-du-Québec, où l’on compte près de 350 TS, 27 % se disent très heureux dans leurs fonctions. Ainsi, seulement 8 % ont affirmé vouloir mettre fin à leur emploi.

Toujours d’après le sondage, les répondants ont identifié les tâches et la lourdeur administrative comme la principale source de frustration et de stress. Ceux-ci plaident en faveur d’une augmentation du temps passé sur le terrain, plutôt que d’être submergés par la paperasse. Soulignons qu’un seul formulaire peut accaparer jusqu’à trois heures de travail.

La charge de travail (19 %), le manque de ressources (15 %) et le manque de considération et de reconnaissance (14 %) constituent les autres sources de stress et de mécontentement.

Plus heureux au privé qu’au public

Par ailleurs, le niveau de bonheur professionnel moyen se situe à 7 sur une échelle de 10 pour l’ensemble des répondants. Cette statistique met surtout en lumière la disparité entre les conditions de travail des TS en pratique privée et ceux du secteur public, leur niveau de bonheur moyen étant respectivement de 8,1 et de 6,9.

Ayant travaillé une dizaine d’années dans le réseau public avant de faire le saut en pratique privée, Véronique Vincent est à même de comparer les deux mondes, qui sont comme le jour et la nuit.

«J’avais l’impression d’éteindre plus de feux que d’aider les gens à cheminer», résume-t-elle.

«Les gens viennent avec de plus de grands besoins lesquels viennent avec de plus en plus de complexité ou de comorbidité. Par contre, dans le réseau, c’est difficile de prendre du recul quand tu fais face à une longue liste d’attente à l’interne et même lorsque tu veux référer. Ce n’est pas facile aussi quand tu n’as pas toute l’information ou les formations nécessaires pour bien analyser toutes ces situations-là. Les intervenants se mettent beaucoup de pression sur les épaules dans ce temps-là», enchaîne-t-elle.

Côté bureaucratie, elle affirme s’en être allégée depuis qu’elle est travailleuse autonome.

«C’est certain que d’emblée, en faisant partie de l’Ordre, tu as quand même de la paperasse à faire, que ce soit les notes évolutives,

Véronique Vincent (Photo gracieuseté)

l’évaluation du fonctionnement social et le plan d’intervention. Mais dans le réseau, il y a toujours des questionnaires à remplir et des demandes de services, parfois des documents d’autres organismes. C’est vrai qu’il y a une grande bureaucratie qui s’ajoute à celle des travailleurs sociaux. Ça peut finir par être lourd et donner l’impression de parler à son ordinateur plutôt qu’aux clients.»

Innovante de nature et alimentée par les défis, Véronique Vincent se sentait limitée par ce qu’elle pouvait faire auparavant.

«Innover, avoir des projets et essayer de nouvelles choses avec sa clientèle, ce n’est pas possible dans le réseau. Ça, c’est quelque chose qui finit par tuer l’essence même de l’identité du travailleur social qui est d’innover, d’aider les communautés, responsabiliser la clientèle et de la rendre autonome. Je trouvais ça difficile, j’avais l’impression que j’avais les mains liées. Depuis que je suis en pratique privée, mes ailes sont complètement déployées et c’est définitivement ça qui me rend très heureuse maintenant. Je travaille beaucoup en cohérence avec mes valeurs», affirme-t-elle.

Appel au gouvernement

En se penchant sur ces données, l’Ordre observe une détresse profonde chez ces professionnels sur laquelle le gouvernement du Québec doit se pencher immédiatement.

«Cette tendance nous inquiète énormément, car au bout du compte, si les TS craquent et quittent la profession, c’est la population qui en payera le prix. Non seulement la qualité et la disponibilité des services pourraient être compromises, mais la pression sur les épaules des TS restants s’en trouvera exacerbée. Il y a urgence de mettre fin à ce cercle vicieux», expose Pierre-Paul Malenfant, président de l’Ordre.

L’Ordre estime d’ailleurs que le déploiement de Santé Québec représente une occasion de changer les pratiques.

«Nous devons rapidement mettre un frein à l’hémorragie. L’arrivée de Santé Québec représente une occasion de revoir les conditions de pratiques et les méthodes d’évaluation de la performance pour les adapter aux visées et à la réalité des services sociaux. Pas moins de 52 % des répondants affirment que les méthodes d’évaluation de leur travail sont actuellement assez ou très mal adaptées, voilà, selon nous, un bon point de départ pour la nouvelle agence», se dit d’avis M. Malenfant.

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