MUNICIPALITÉ. Douglas Beard a accompli un fait rare au Québec. Il occupe un poste de conseiller municipal à Saint-Félix-de-Kingsey depuis 40 ans, et ce, en étant un anglophone dans un milieu majoritairement francophone.
Le premier mandat de M. Beard a commencé en novembre 1983 alors qu’il avait 33 ans. Le maire de l’époque, Jean-Paul Francoeur, l’a invité à se porter candidat aux élections afin qu’un membre du conseil municipal représente la communauté anglophone de Saint-Félix-de-Kingsey, qui correspond à environ 12 % de la population de 1 499 âmes.
«Je vis en campagne et M. Francoeur était mon voisin. Il m’avait dit que les Anglais et les Français ne pensent pas de la même façon. Je ne sais pas si c’est vrai. Mais parfois, j’ai l’impression que ceux qui vivent dans le village ne comprennent pas nécessairement comment se passent les choses en campagne. C’est important que quelqu’un représente ces gens», a exprimé M. Beard lors d’un entretien mené dans la langue de Shakespeare.
Il ne faut pas se méprendre, M. Beard parle et comprend le français. Il éprouve cependant des difficultés à bien saisir les mots lorsque plusieurs personnes parlent en même temps.
«Je dois vraiment écouter une personne à la fois pour bien comprendre. Au début, c’était un défi de travailler dans un environnement francophone. Mon épouse est une vraie bilingue. Elle m’aide beaucoup lorsque j’en ai besoin. J’ai un peu plus de difficultés à lire le français, mais je lui demande de faire la lecture lorsque c’est nécessaire», a partagé M. Beard.
Reconnaissance de marque
Le 28 septembre dernier, lors du congrès annuel de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), on lui a remis un Méritas pour ses quatre décennies au service de ses concitoyens. Le principal intéressé n’est pas allé au congrès. Il est propriétaire d’une ferme laitière en compagnie de son fils. Il a préféré rester à la maison pour s’occuper de leurs 50 vaches.
«C’est génial d’être reconnu de la sorte, surtout en tant qu’anglophone au Québec. J’ai appris que je recevrais ce Méritas environ une semaine à l’avance. J’aime bien mon travail au conseil, mais ce que j’ai à la maison, ma famille, est ma priorité. Mon fils et moi avions du travail à faire à la ferme et c’est ce qui m’importe le plus», a mentionné le père d’un garçon et d’une fille adultes.
Au fil de ses 40 ans comme conseiller municipal, Douglas Beard a vu Saint-Félix évoluer. Lorsqu’il est entré en poste, le budget de la municipalité s’élevait à 300 000 $, se souvient-il. En 2023, l’enveloppe a atteint plus de trois millions de dollars. Il a aussi participé au projet de construction du centre Eugène-Caillé. Depuis ses débuts, le conseiller du siège numéro deux est responsable du dossier des routes de la municipalité; une tâche qui lui a toujours apporté beaucoup de fierté.
Il apprécie également la camaraderie qu’il a développée avec ses collègues depuis 40 ans. «L’ambiance est bienveillante lors des réunions du conseil municipal. On peut être en désaccord sur certains points, mais, lorsque c’est terminé, il n’y a pas de rancœur», a ajouté M. Beard.
Le travail de M. Beard est aussi apprécié de ses collègues. Ses 40 ans d’implication font de lui une véritable référence. Il a d’ailleurs siégé aux côtés de Réal Cormier, l’oncle de l’actuel maire Sylvain Cormier.
«C’est un exploit qu’on ne risque pas de voir souvent, a lancé Sylvain Cormier dans un communiqué de presse. Douglas connaît par cœur toutes les routes et doit savoir avec précision où se trouve chaque trou.»
Par ailleurs, un ponceau porte le nom de l’homme politique. La structure se trouve sur le chemin Kingsey Townline près de l’intersection du chemin Knowles. La Municipalité de Saint-Félix-de-Kingsey lui a rendu cet honneur en 2021. «Que peut-on vouloir de plus ?», s’est exclamé le principal intéressé.
Maintenant âgé de 73 ans, Douglas Beard songe à se présenter, une dernière fois, aux élections municipales en 2025. S’il était élu, il quittera le monde municipal à l’approche de son 80e anniversaire et après 46 ans de travail.
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