«Mon jumeau génétique m’a sauvé la vie» – Guy Descheneaux

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Par Emmanuelle LeBlond
«Mon jumeau génétique m’a sauvé la vie» – Guy Descheneaux
Guy Descheneaux en compagnie de son jumeau génétique Michael Müller. (Photo : Gracieuseté)

TÉMOIGNAGE. Guy Descheneaux se pince encore. Après quelques années de correspondances électroniques et d’appels vidéo, il a rencontré son jumeau génétique. Le survivant du cancer a serré dans ses bras celui qui lui a sauvé la vie cinq ans plus tôt à la suite d’une greffe de cellules souches. Un geste altruiste qui a transcendé les frontières, de l’Allemagne au Québec.

Octobre 2018. La vie de Guy Descheneaux prend un tournant. Celui qui est atteint d’un cancer des ganglions reçoit une greffe de cellules souches. Pour la deuxième fois. La première tentative ne s’est pas déroulée comme prévu. Le Drummondvillois a subi une autogreffe, c’est-à-dire qu’il a reçu ses propres cellules souches. Le cancer a récidivé cinq mois plus tard. Le coup a été difficile à encaisser.

Guy Descheneaux est transféré à un autre centre hospitalier à Montréal pour recevoir une allogreffe. La procédure consiste à greffer des cellules souches issues d’un donneur compatible. «C’était un donneur non apparenté. Mon frère a fait les tests. Il n’était pas compatible. Mes enfants étaient trop jeunes pour pouvoir donner des cellules souches. On s’est tourné vers la banque internationale», indique-t-il.

Le combattant s’est soumis à un cinquième protocole de chimiothérapie. «Avant la greffe, ils devaient éliminer toute trace de cancer dans mon corps. Le psychologue a surnommé le traitement de chimiothérapie ‘’la bombe atomique’’. Ça détruit tout. J’ai fait de la radiothérapie de la tête aux pieds, à petite dose.»

À la suite de la greffe, Guy Descheneaux a vécu un cauchemar éveillé. Tous les jours, il menait un combat à la fois physique et mental. «La première semaine, je n’avais plus de système immunitaire. Je n’avais plus de tonus. J’ai eu des maux de tête et des vomissements. Ça a été un mois d’enfer. Les cellules souches devaient faire leur place. Même si ce sont de bonnes cellules, ça représente un corps étranger», raconte celui qui avait 30 % de chance de survie.

Le combat de Guy Descheneaux a été long et parsemé d’embûches. (Photo d’archives)

Le rétablissement a été un parcours parsemé d’obstacles. Dans les moments plus difficiles, le Drummondvillois se rattachait à sa motivation première : ses garçons.

En 2020, l’enseignant en éducation physique a eu le bonheur de retourner au travail, retrouvant ses élèves au Collège Saint-Bernard.

Un premier contact

Remis sur pied, Guy Descheneaux a entrepris des démarches pour connaître l’identité de son donneur. Selon la procédure, l’anonymat est conservé deux ans suivant la greffe. «Avant ça, tout doit passer par l’hôpital. Les lettres sont en anglais, peu importe le pays d’origine. J’ai reçu une lettre du donneur, un an après la greffe. Je ne lui ai pas réécrit parce que j’avais peur d’avoir une récidive. J’en ai reçu une deuxième, un an et demi après. Je n’ai pas répondu. Après deux ans, j’ai donné mon autorisation pour communiquer avec lui.»

Une fois son adresse courriel transmise, le Drummondvillois a poursuivi ses activités quotidiennes. Lors d’une chaude soirée d’été, l’homme a reçu un nouveau message dans sa boîte électronique. Le destinateur? Michael Müller. Un Allemand. «C’était mon donneur. Il voulait prendre de mes nouvelles», souffle-t-il, la gorge serrée par l’émotion.

Les deux hommes ont correspondu ensemble pendant un moment, afin d’apprendre à mieux se connaître. Ensuite, ils ont effectué des appels vidéo pour se parler de vive voix. Dès le premier contact visuel, Guy Descheneaux a été frappé par sa ressemblance physique et psychologique avec son jumeau génétique. Au fil des conversations, un lien fort, presque indescriptible, s’est développé entre eux.

Rapidement, ils ont manifesté l’intérêt de se rencontrer. «J’avais prévu d’aller en Europe, plus précisément en Autriche. On prévoyait visiter l’Allemagne l’été suivant. Mes gars et moi sommes amateurs de soccer. C’est l’Euro 2024 en Allemagne l’an prochain. C’est le deuxième plus gros tournoi de soccer au monde. On prévoyait acheter des billets. Finalement, Michael a fait le choix de venir avec sa famille au Canada», soutient-il.

La rencontre

Ce moment restera à jamais gravé dans la mémoire de Guy Descheneaux, celui où il a rencontré son jumeau génétique. Cette journée-là, la fébrilité était au rendez-vous. «On a préparé la maison. J’ai acheté des ballons. On avait un drapeau de l’Allemagne. On les a accueillis dehors. Quand ils sont débarqués de la voiture, tout le monde se regardait. Soudain, je me suis lancé dans les bras de Michael», se remémore-t-il.

Guy Descheneaux a fait son retour au travail en 2020.
(Photo Ghyslain Bergeron, archives)

Encore aujourd’hui, le Drummondvillois a de la difficulté à identifier les émotions qu’il a vécues. «Il a traversé l’océan pour venir me voir. Il n’était pas obligé. Je ne le crois pas encore. Il faut que je me pince. Mon jumeau génétique m’a sauvé la vie. C’est grâce à lui si je suis là.»

De son côté, Michael Müller a également été touché par cette rencontre. «Plus nous approchions de Drummondville et plus je devenais nerveux. Et soudain, nous étions face à face et je pouvais à peine prononcer un mot…Encore une fois, des frissons (les bons), des larmes (de joie) et une gratitude pure que tout se soit bien passée», fait savoir l’homme de 43 ans.

Son séjour au Québec a été mémorable. «C’était encore plus beau que je n’osais l’espérer. Nous nous sommes très bien entendus dès le début et nous avons été accueillis comme si nous nous connaissions depuis des années.» Visite du Vieux-Québec et de Drummondville, repas en famille, baignade dans la piscine, marche à l’extérieur : toutes sortes de souvenirs se sont construits entre eux.

Petit geste, grande répercussion

Le don de cellules souches représente un geste naturel pour l’Allemand. «Dans mon pays, il existe plusieurs organisations pour le recrutement et la mise en place de donneurs de cellules souches bénévoles. L’une d’entre elles est la DKMS, l’un des principaux centres de donneurs de cellules souches au monde. J’ai été typé lorsque j’étais encore à l’école, à l’âge de 18 ou 19 ans.»

«Il y avait un cas de leucémie dans l’une des classes inférieures et un appel a été lancé pour augmenter la probabilité de trouver un donneur compatible. Même si de nombreuses personnes se sont portées volontaires, la campagne n’a malheureusement pas été couronnée de succès dans ce cas. Néanmoins, pour tirer le positif de cette action : de nombreuses personnes, dont moi, ont été ajoutées à la liste des donneurs de cellules souches.»

Plusieurs années plus tard, l’homme a été appris que ses marqueurs génétiques tissulaires étaient semblables à ceux d’un malade, soit Guy Descheneaux. Il n’a pas hésité une seconde à entreprendre les démarches pour donner ses cellules souches.

«J’ai dû me rendre à Cologne pour l’examen préliminaire et quelques semaines plus tard, le don de cellules souches proprement dit a eu lieu. Dans mon cas, il s’agissait d’une collecte de cellules souches périphériques (aphérèse). Cela ressemble à un don de sang plus important, à la différence qu’aucun sang n’est donné, mais des cellules souches sont prélevées dans le sang. Une semaine avant, j’ai dû me faire des injections pour augmenter le nombre de cellules souches.»

Michael Müller encourage tout le monde à s’inscrire à la banque de donneurs. «Si quelqu’un qui lit ceci ne s’est pas encore inscrit, je vous en prie, faites-le. Vous pouvez accomplir quelque chose d’incroyable : vous pourriez sauver une vie! La bonne chose c’est que ça ne s’arrête pas aux frontières nationales.»

Pour sa part, Guy Descheneaux savoure chaque moment du quotidien. Ce dernier a récemment franchi une étape importante de sa rémission, alors que cinq ans se sont écoulés depuis sa dernière greffe. Il se sent plus vivant que jamais. Surtout, il est heureux d’avoir atteint ce cap en compagnie de son jumeau génétique.

Le don de cellules souches

D’après Héma-Québec, les cellules souches sont les cellules «mère» à partir desquelles toutes les autres cellules sanguines se développent. Ces dernières sont principalement les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes. La moelle osseuse est l’usine qui produit les cellules souches.

Une greffe de cellules souches consiste à «remplacer le système sanguin défectueux d’une autre personne», informe la porte-parole d’Héma Québec, Josée Larivée. On peut faire une greffe de cellules souches pour traiter les maladies graves comme la leucémie, d’autres cancers ou certaines maladies héréditaires.

Il y a 55 000 donneurs inscrits au Registre des donneurs de cellules souches à Héma-Québec. L’ensemble des registres internationaux est composé de 40 millions de personnes. Notons que ce type de don nécessite une combinaison unique et parfaite entre le donneur et le receveur.

«L’année dernière, on a eu une vingtaine de Québécois qui ont été appelés parce que leur profil génétique correspondait à quelqu’un», mentionne Josée Larivée.

Toute personne âgée entre 18 et 35 ans est invitée à se rendre sur le site de l’organisme pour commander une trousse d’échantillon buccale. Héma-Québec conservera les caractéristiques du donneur dans un registre informatisé.

En cas de compatibilité, le prélèvement de cellules souches est effectué de deux façons. En salle d’opération, la collecte se fait sous anesthésie générale. Une grosse aiguille insérée dans la partie arrière de l’os de la hanche permet d’aspirer la moelle osseuse. «L’autre possibilité, c’est par des injections. On peut vous donner des injections qui vont provoquer une surproduction de cellules souches», explique-t-elle. La collecte se fait par voie intraveineuse.

 

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