Un été désastreux pour les agriculteurs centricois

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Par Claude-Hélène Desrosiers
Un été désastreux pour les agriculteurs centricois
Dure saison pour les producteurs agricoles. (Photo : Deposit)

AGRICULTURE. Pluies diluviennes à répétition, inflation, pertes importantes : les producteurs agricoles connaissent une saison éprouvante. Tous les ingrédients sont là pour ébranler leur vocation. Ils doivent faire face à des éléments incontrôlables, travailler de longues heures sans pouvoir s’absenter, et doivent investir énormément d’argent, simplement pour exploiter leur entreprise.

Daniel Habel, président de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) du Centre-du-Québec est aux premières loges pour constater l’état des lieux. En pleine tournée des syndicats locaux, il parcourt la région. Au-delà de la météo, il explique le contexte global sur lequel reposent les difficultés que les agriculteurs connaissent actuellement.

«La guerre en Ukraine est venue bousculer beaucoup d’éléments au niveau du secteur agricole, notamment en termes d’approvisionnement — en engrais minéraux, entre autres. On additionne à ça toute la pression antérieure qu’on a subie avec la période pandémique avec des ralentissement des chaînes de transformation et de construction», indique M. Habel. Puis, bien sûr, la poussée inflationniste a mis à mal les agriculteurs. Il s’agit d’une augmentation de 2000 % du taux d’intérêt depuis les quinze derniers mois.

Malgré cela, il faut absolument investir. «Le secteur agricole capitalise énormément pour être capable d’être en opération. C’est 8 $ d’investissement pour chaque dollar de revenus bruts». Daniel Habel indique, à titre d’exemple, que dans le domaine de la transformation, on parle plutôt de 1,50 $ de capital pour 1 $ de recettes.

Avec la météo qu’on a connue cet été, les récoltes ne sont tout simplement pas au rendez-vous. «Ce sont de 30 à 40 % de pertes dans la majorité des productions où la récolte est déjà effectuée», dit le président de la Fédération de l’UPA du Centre-du-Québec. «Au niveau des céréales à paille, c’est aussi désastreux. En plus de ne pas avoir de volume, on subit du déclassement de la qualité des grains, qui n’atteignent pas le poids spécifique. Donc tu as une perte au niveau de la qualité en plus de celle au niveau de la quantité», décrit-il.

Plusieurs autres problèmes affectent les différentes cultures. Le blé a connu un phénomène de regermination. Dans d’autres céréales, il y a un degré de toxines anormalement élevées, ce qui a un impact sur la digestibilité des grains. Dans le cas de certaines productions, dont la pomme de terre, il y a eu un problème de bactérie, dû à l’humidité constante dans le sol. D’autres cultures ont carrément été déracinées par les fortes pluies. Ce sont des pertes totales.

«Quand on connait des coups d’eau comme on a eu, surtout en fin de cycle de vie, notamment pour les céréales à paille, ça a amené une situation que personnellement je n’avais jamais vécue. Les tiges de pailles étaient totalement ensevelies dans le sol due à la pression de l’eau tombée. C’est irrécupérable pour la moissonneuse-batteuse», se désole Daniel Habel.

Quelle aide pour les producteurs agricoles ?

Daniel Habel, président de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) du Centre-du-Québec . (Photo : Gracieuseté)

Il existe des programmes d’aide, comme l’assurance récolte ou l’assurance stabilisation des revenus agricoles. À l’UPA, on n’est plus satisfait de ces outils. «Ils datent d’il y a 30 ans. Quand ils ont été mis en place, c’était avec les paramètres de l’époque. Aujourd’hui, avec les changements climatiques qu’on connait, il y a des catastrophes météorologiques qui nous tombent dessus», dénonce M. Habel.

Ce dernier insiste tout de même sur la grande résilience des producteurs. «Il y a un réflexe inné au niveau du secteur agricole qui fait que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. On essaie de sauver tout ce qu’on peut puisque notre mission est de nourrir la population».

En début de saison, les agriculteurs doivent assumer entre 33% et 40% de la facture d’assurance. Puis, ils ont à défrayer une franchise pour les pertes une fois le temps de la récolte venu. Il ne reste plus grand-chose dans leurs poches à la fin.

L’UPA revendique donc une remise à niveau de l’ensemble des programmes gouvernementaux pour le secteur agricole, pour répondre plus adéquatement aux changements climatiques qu’on subit et pour mieux parvenir à atteindre un des objectifs du gouvernement : l’autonomie alimentaire. L’organisme demande aussi plus de soutien au niveau de la relève, particulièrement à cause des investissements requis pour démarrer une entreprise agricole, qui rendent cela une mission quasi impossible pour un jeune.

«Dans ma tournée du Centre-du-Québec, jusqu’à présent, je vois des producteurs qui sont inquiets de l’avenir et de pouvoir implanter de la relève sur leur entreprise agricole. Inévitablement, cette pression qui pèse sur leurs épaules a des impacts sur le couple, sur la famille, sur le milieu en général. C’est malheureusement un triste constat qu’on fait. Ces conséquences qu’on subit, notamment la hausse du taux d’intérêt, c’est quelque chose qui commence à faire mal sérieusement aux entreprises du Centre-du-Québec, et ça n’ira pas en s’améliorant dans la prochaine année», déplore Daniel Habel.

Il rappelle aux agriculteurs qui auraient besoin de parler ou qui sentiraient le besoin d’être soutenus psychologiquement de ne pas hésiter à faire appel aux travailleurs de rang.

La fédération régionale est aussi à réfléchir à une structure de soutien supplémentaire, en collaboration avec des acteurs du milieu politique et d’organismes communautaires.

 


La région en quelques chiffres 

 

Le Centre-du-Québec…

– compte 3 300 fermes 

– a le ratio de terres agricoles le plus élevé au Québec (93 %)

– est au premier rang pour la production de canneberges (91 % de la production totale)

– est au premier rang pour la production de lait de chèvre

– occupe le deuxième rang pour la culture des céréales et oléagineux (ex. : maïs, soya, blé, orge, avoine, canola).

– est au troisième rang pour les bovins, le lait et les porcs.

 


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