Trois générations à Compostelle

Photo de Claude-Hélène Desrosiers
Par Claude-Hélène Desrosiers
Trois générations à Compostelle
À l’arrivée : mission accomplie. (Photo : Gracieuseté)

DRUMMONDVILLE. Le chemin de Compostelle, qu’empruntaient déjà les pèlerins au Moyen-Âge, est une route mythique. Cathy Fréchette a décidé d’en faire un voyage familial, avec sa mère de 70 ans et ses deux jeunes enfants.

Avant la pandémie, elle avait le projet d’aller à Compostelle avec sa mère, sans les enfants, qui étaient très jeunes à l’époque. Le départ était prévu en avril, alors que tout s’est arrêté avec l’arrivée de la covid-19. Le temps a filé, puis l’occasion s’est représentée, cet été. Sa mère, Huguette Fréchette, n’était plus certaine de vouloir y aller, après avoir eu quelques ennuis de santé et avec un genou en attente d’une opération.

Son plan était de marcher sur le chemin de Compostelle, puis de se faire rejoindre par son conjoint pour voyager en Espagne. Elle a offert à Hubert, 9 ans et Éliane, 10 ans, le choix de venir marcher avec elle ou de venir la rejoindre avec leur père. «Les deux ont décidé de venir marcher Compostelle avec nous. On bouge beaucoup. L’école est à deux kilomètres d’ici, on va régulièrement à pied au village, ce qui représente environ cinq kilomètres. Ils étaient conscients que c’était comme l’équivalent d’aller dix fois à l’école».

Sa mère aussi décide de tenter l’expérience, en se disant que dans le pire des cas, elle prendrait le train entre les villages. «Dans cette notion de lâcher-prise là, elle a choisi de venir. C’était un projet qu’elle avait. Pour moi, Compostelle, c’était le moment d’arrêt. Quand est-ce qu’on a la chance dans notre vie de voyager, de visiter en se déplaçant de village en village? Là-bas, il y a un rythme de vie et un environnement différents. Je voulais pouvoir vivre à pied, vivre ce moment-là où l’on ne fait que marcher sans avoir d’autres intentions que de se rendre à la fin de ce bout-là», partage Cathy Fréchette.

Les marcheurs décident de faire la dernière portion de Compostelle. «Quand tu arrives à la cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle, tu peux obtenir ton attestation de pèlerin quand tu as marché plus de 100 km ou après 200 km en vélo. C’est ce qui était réaliste de faire pour nous, de Sarria à Santiago en Espagne», dit-elle. Chacun portait son matériel. Ils ont ainsi parcouru 117 kilomètres sur 8 jours. C’est une moyenne d’au moins 15 kilomètres par jour.

Atypiques

Hubert a accompli le défi malgré son jeune âge. (Photo : Gracieuseté)

Les Paradis-Fréchette ont peu rencontré d’autres familles avec des enfants. Les 3 ou 4 familles croisées comportaient des enfants souvent plus vieux et ils ne transportaient pas leur matériel. Le fait de voyager avec des enfants amenait sa part de défis. Par exemple, certains hébergements de pèlerins étaient réservés aux adultes, parce que les lits se situent dans des dortoirs.

Autre particularité : la famille est végétarienne. En mentionnant cela, ils se sont fait souvent proposer du poulet ou du poisson… Végétarien semble égaler pas de viande rouge! Ils se sont cependant bien débrouillés. «Là-bas, il y a toujours un petit restaurant, un habitant qui offre à manger, une boulangerie… On se levait le matin, et si on n’avait pas de déjeuner à l’hébergement, on partait et quelques kilomètres plus loin on se trouvait un café ou une boulangerie. Le souper pouvait être un peu compliqué parce qu’en Espagne, les gens soupent à 20 h 30. Alors on se trouvait une petite épicerie. Le chemin t’amène tout». Les enfants ont particulièrement aimé la tortilla espagnole, une sorte d’omelette aux patates. Selon eux, c’est la meilleure chose qu’ils ont mangée de tout le voyage !

Le quotidien sur la route

Les marcheurs partaient le matin assez tôt et arrivaient en milieu d’après-midi. C’était ensuite le temps de laver le linge à la main. Quand on porte ses effets, on voyage léger!

Les enfants ont eu mal aux pieds, mais pas assez pour les empêcher de continuer. Éliane a porté le sac de son frère, par moments, et vice-versa. Leur grand-mère a eu des ampoules, mais le problème a été résorbé rapidement.

Le groupe a croisé des gens sympathiques sur leur chemin. Malgré les langues différentes, tout le monde se salue et s’encourage. Dans un autre rythme, sans stress, ils avalent les kilomètres sans que ça paraisse trop. «C’était un bon 6 h de marche par jour et jamais je ne les ai entendus se plaindre. C’est sûr que quand on arrive à la cathédrale, c’est un moment fort. On l’a fait! J’ai une grande fierté pour ma mère et pour mes enfants, d’avoir parcouru ça avec le plaisir».

Se lever chaque jour et marcher, juste avancer

Huguette Fréchette et ses petits-enfants. (Photo : Gracieuseté)

«Pour ma mère, qui est catholique, l’aspect religieux était présent. Mais il y avait aussi tout le défi de se rendre, avec ses limites physiques. Elle attend une opération aux genoux, elle a 70 ans… Il y avait aussi le moment d’arrêt pour elle. Mon père est en fauteuil roulant, c’était un moment juste pour elle, elle qui pense tout le temps aux autres», dit Cathy Fréchette.

Pour sa part, elle ne faisait pas le parcours dans l’esprit des pèlerins catholiques. «Je le faisais pour me retrouver dans ce moment-là avec mes enfants, à simplement marcher et à arriver au bout, et à prendre ce moment-là pleinement… Pour moi, ça demeure quand même spirituel. Tu suis le chemin sans te soucier d’autre chose».

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