73 ans d’histoire s’achèvent à la Bijouterie Gélineau

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Par Claude-Hélène Desrosiers
73 ans d’histoire s’achèvent à la Bijouterie Gélineau
La bijouterie Fernand Gélineau et Filles. (Photo: Claude-Hélène Desrosiers)

AFFAIRES. Fondée en 1950, la Bijouterie Fernand Gélineau et Filles a vu passer bien des clients. M. Gélineau a su transmettre sa passion à ses filles, Guylaine et Manon, qui ont repris le flambeau au début des années 2000. Après avoir travaillé sans relâche pendant plusieurs décennies, les voilà maintenant prêtes à s’accorder un peu de temps pour savourer la vie. C’est ainsi que la boutique fermera ses portes le 31 mars.

Le don pour les affaires s’est transmis dans la famille : le père de Fernand Gélineau possédait un magasin général à Drummondville. À 18 ans, le jeune Fernand Gélineau fonde sa bijouterie sur la rue Daniel. Au départ, c’était une entreprise d’importation et un grossiste. En 1960, il délaisse la vente en gros pour se consacrer au commerce de détail. Sa fille Guylaine se joint à lui en 1980, entraînant avec elle un vent de fraîcheur. Puis, Manon s’ajoute en 1992, amenant un nouvel atout : la création de bijoux faits sur place. La bijouterie passe aux mains des sœurs en 2002, et M. Gélineau y a travaillé chaque jour jusqu’à sa mort en 2012.

Depuis l’annonce de la fermeture, les gens se bousculent au commerce de la rue Daniel. «Ça fait 50 ans que je travaille ici, et je ne me souviens pas d’avoir travaillé d’aussi grosses journées que ces temps-ci», affirme Guylaine Gélineau. La réaction des gens est émotive. «Les gens se demandent ce qu’ils vont faire. C’est comme quand tu perds ton médecin ou ton dentiste. Les gens sont désemparés, je n’aurais jamais cru ça. Mais ils sont contents pour nous», ajoute Guylaine Gélineau. «C’est vrai que vous avions des clients très fidèles, on a été choyées», renchérit sa sœur Manon.

Les deux femmes d’affaires racontent avoir vu toutes sortes de réactions à la nouvelle : des clients pleurent, d’autres les étreignent. Des habitués leur ont demandé si elles se sont disputées, si l’entreprise va mal… Mais non. Le temps de la retraite a sonné pour elles.

Il faut dire que le service qui est offert dans cette boutique a toujours fait la différence, depuis plus de 70 ans.

La décision s’est prise rapidement lorsque Manon a décidé de déménager en Afrique où travaille son conjoint. Elle a décidé de partager sa vie entre le Cameroun et le Québec. Après avoir pris sa décision, elle a demandé à sa sœur ce qu’elle ferait, elle.

«La bijouterie, c’est mon bébé. Je n’ai pas eu d’enfant, j’ai consacré tout mon temps au commerce. Manon m’a dit : dans 3 ans, tu vas avoir 70 ans! Que dirais-tu de faire autre chose que travailler?», dit Guylaine. Cette dernière avait des projets de voyage, pour plus tard, mais sa cadette lui a dit : «ton plus tard, c’est maintenant!»

Cela reste un deuil à vivre tout de même. «C’est une page d’histoire qui se tourne», dit-elle avec émotion. Les dernières années ont été vraiment belles et elles ont l’impression de finir sur une bonne note.

 

«Il faut mordre dans la vie»

Les sœurs Gélineau ont vu les modes passer, assez pour que les modes du début reviennent! «On a des clients de génération en génération : des grands-parents ont acheté à mon père, et l’on sert maintenant leurs petits-enfants», soutient Guylaine Gélineau.

«C’est la dernière partie de mon existence : je veux en profiter pour prendre soin de moi, pour me rapprocher de la nature, pour profiter de la vie», dit Guylaine Gélineau. «Oui ! Il faut mordre dans la vie», dit Manon Gélineau.

Elles ont le sentiment du devoir accompli. En attendant la fermeture, le 31 mars, il y a des gens qui viennent tous les jours. Des clients leur apportent du dessert, du café, en leur disant qu’ils vont s’ennuyer.

Différentes de caractères, les deux sœurs forment un duo complémentaire. Ce sont deux femmes fortes et passionnées. La clé de leur succès est sûrement attribuable au moins en partie aux valeurs transmises par Fernand Gélineau. «Papa disait tout le temps : il faut toujours rester humble. Le client qui vient pour une pile de montre est aussi important que celui qui achète une bague à diamants. Il était aimé parce qu’il était proche des gens», dit Guylaine Gélineau. Elles ont continué le travail de leur père en visant toujours un bon service à la clientèle, non seulement lors de l’achat, mais après aussi.

«La Bijouterie Fernand Gélineau et Filles, ce n’est pas Manon, ou Guylaine, c’est le noyau familial. Il n’y a pas de vedette ici, la bijouterie, ça reste celle de papa, de maman, de nous deux», dit Manon Gélineau. Enterrés le même jour, à 10 ans d’intervalle, les parents sont effectivement toujours là, leur photo bien en évidence dans la bijouterie.

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