Peggy Arel à la course aux Oscars

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Par Emmanuelle LeBlond
Peggy Arel à la course aux Oscars
Peggy Arel parcourt le monde depuis vingt ans pour vivre de sa passion. (Photo : gracieuseté)

CINÉMA. Peggy Arel récolte le fruit de ses efforts. Pour la troisième fois de sa carrière, la spécialiste de l’animation en volume (stop motion) a la chance de mettre la main sur un Oscar. Le film Pinocchio de Guillermo del Toro, dans lequel elle a joué un rôle clé, est en lice dans la catégorie du meilleur long métrage d’animation.

Dès sa sortie des bancs d’école, Peggy Arel s’est investie corps et âme dans sa passion pour le stop motion. Habitée par une détermination à toute épreuve, la Drummondvilloise d’origine voulait faire sa place dans le milieu cinématographique.

Allemagne, Corée, Espagne, Suisse, États-Unis : Peggy Arel a parcouru le monde pour mener différents projets. Par son métier, elle a donné vie à toutes sortes de personnages en les animant image par image. Cette dernière a une feuille de route bien garnie. Elle a participé à plusieurs films dont The Missing Link de Chris Butler et Anomalisa de Charlie Kaufman.

L’aventure de Pinocchio s’est présentée à elle en 2020. Elle se sentait interpellée par ce long métrage, façonné de main de maître par Guillermo del Toro. Le cinéaste mexicain propose une relecture du populaire conte de Carlo Collodi, tout en repoussant les limites du film d’animation. «Je connaissais la version de Disney. Quand j’étais jeune, ce n’était pas mon film préféré. J’ai toujours eu un problème avec le design de Pinocchio. Quand j’ai appris que Guillermo del Toro revisitait le conte avec son univers et qu’il allait réécrire l’histoire, ça a piqué ma curiosité. J’avais vraiment hâte de voir les personnages qu’il allait faire», indique-t-elle, avec entrain.

Le réalisateur s’est lancé dans un projet d’envergure avec Pinocchio. Pas moins de 1000 jours de tournage ont été nécessaires, impliquant des équipes réparties entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Plus de 40 animateurs ont participé au long métrage.

Rappelons que l’animation en volume, connue pour sa difficulté, est l’une des plus anciennes techniques du cinéma. Elle consiste à prendre des photos successives d’objets inanimés pour leur donner l’illusion du mouvement.

En tant qu’animatrice, Peggy Arel a travaillé sur différentes séquences, dont celle où Pinocchio revient à la vie pour la première fois. Il s’agit d’un moment significatif dans le film. Entre autres, les plans de groupe ont été confiés à la Drummondvilloise. Huit personnages étaient impliqués, incluant les protagonistes.

Elle a eu un malin plaisir à s’approprier le personnage de Volpe, en lui donnant une posture et une gestuelle singulière. Ce n’était pas la première fois qu’elle manipulait la marionnette du vilain. Son travail a été remarqué par le cinéaste. «Guillermo avait vu l’autre plan que j’avais fait avec Volpe. Il m’a raconté qu’il avait beaucoup ri avec sa femme en le visionnant. Il a trouvé ma performance incroyable. Je lui ai expliqué ma démarche. C’est là qu’il m’a dit qu’on devrait me cloner. C’est le plus beau compliment que j’ai eu sur la production», se souvient-elle, les yeux brillants.

Cette dernière a adoré travailler avec Guillermo del Toro. Elle s’est sentie écoutée et prise en considération tout au long du processus. Pour elle, c’est un privilège d’avoir eu une telle liberté artistique.

L’aventure de Pinocchio s’est présentée à Peggy Arel en 2020. (Photo: gracieuseté)

Accomplir des petits miracles

Un défi de taille s’est posé sur la route de Peggy Arel. «Le personnage de Carlo a été problématique durant la production. C’est l’une des premières marionnettes qui a été faite, mentionne-t-elle. Avant mon arrivée, l’équipe rencontrait des difficultés à l’animer. C’est un petit garçon qui doit avoir le visage lisse et chaque fois qu’ils l’animaient, il avait des plis.»

«J’ai une formation en expression faciale. Ils m’ont mis là-dessus, en se fiant à mon expérience. J’ai travaillé très fort. J’ai dû développer énormément de trucs. On a fait des modifications sur la marionnette pour mieux l’animer», poursuit celle qui a fait quelques plans avec Carlo.

L’animatrice a eu la brillante idée d’utiliser les paupières du bas et du haut pour humaniser le personnage. Le public peut admirer le travail de la Drummondvilloise dès les premières minutes du film, lorsque Carlo se balance à l’extérieur.

Une sortie remarquée

En décembre, la sortie de Pinocchio sur Netflix n’est pas passée inaperçu. Le long métrage a récemment remporté le Golden Globe du meilleur film d’animation, tout en ayant trois nominations aux British Academy Film Awards.

Peggy Arel souhaite partager ce succès avec ses collègues. Cette dernière insiste sur l’importance du travail d’équipe. «J’ai travaillé avec des artistes incroyables dans tous les départements. Les animateurs sont souvent en première ligne, mais on n’est rien sans ceux qui s’occupent des décors, des accessoires, des marionnettes et de l’éclairage», souligne-t-elle.

L’équipe a eu le bonheur d’apprendre que le film est nommé aux Oscars. La cérémonie se tiendra le 12 mars. «C’est sûr que ça fait plaisir. On se croise les doigts pour la suite. Pour moi, c’est une troisième nomination. Anomalisa et The Missing Link avaient été nommés aux Oscars.»

Dans tous les cas, la Drummondvilloise a déjà hâte de s’attaquer à d’autres projets. «Je vais toujours être ouverte à aller travailler ailleurs, mais ça serait beau de développer de tels projets ici. Le stop motion connaît un regain de popularité depuis une dizaine d’années, alors qu’on pensait que l’ordinateur allait tout remplacer», soutient celle qui entrevoit l’avenir avec optimisme.

La Drummondvilloise Denise Caya est la mère de Peggy. Elle est fière des réalisations de sa fille. (Photo: Emmanuelle LeBlond)
Une fierté locale

À Drummondville, l’heure est aux réjouissances. La nouvelle a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme au sein de la famille de Peggy Arel. Denise Caya est fière des réalisations de sa fille. «À mes yeux, c’est une réussite en tant que femme. Elle a tracé son chemin dans un milieu majoritairement composé d’hommes. Elle n’a jamais baissé les bras. Elle s’est toujours accrochée à sa passion, commente-t-elle. Quand Peggy fait une animation, la magie opère. Elle fait qu’un avec son personnage. C’est unique.»

Enfant, la Drummondvilloise avait une imagination débordante. «Peggy montait des pièces de théâtre avec sa sœur. Je les aidais à coudre leurs marionnettes. Elles offraient des spectacles dans la cour arrière de la maison familiale à Saint-Nicéphore. Leurs prestations étaient applaudies par les voisins, se remémore-t-elle, tout sourire. Au secondaire, Peggy allait au Collège Saint-Bernard. Elle a écrit avec son amie une pièce de théâtre. Elles ont joué à la Maison des arts devant une salle comble.»

Peggy Arel a découvert l’animation en volume grâce à son oncle Gabriel Caya. Il a entre autres travaillé sur le film culte Heavy Metal et celui d’Ishu Patel qui a été nommé aux Oscars en 1983. Cette dernière a tout de suite eu un coup de cœur pour cet univers.

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