Deux saisons en une pour les producteurs de canneberges

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Par Louis-Philippe Samson
Deux saisons en une pour les producteurs de canneberges
Les producteurs de canneberges ont récolté des quantités exceptionnelles de fruits en 2022. (Photo : archives, Ghyslain Bergeron)

FRUITS. L’année 2022 en aura été une des plus profitables de l’histoire pour les producteurs de canneberges du Québec et particulièrement au Centre-du-Québec, la première région cultivatrice du fruit dans la province.

Au total, les producteurs québécois ont récolté 337 millions de livres de canneberges, soit 117 millions de plus que lors des récoltes de 2021. Au Centre-du-Québec, une proportion de 85 % des fruits y a été cultivée. De nombreux agriculteurs ont produit une quantité de fruits s’approchant du double d’une récolte dite normale.

«Notre ferme est en affaires depuis 1939 et des rendements comme nous avons eus cette année sont du jamais vu. Je pourrais dire que nous avons eu deux années de récolte en une tellement c’était exceptionnel. Ce sont des rendements qu’on ne reverra peut-être jamais, mais j’espère le contraire. Toutes les bonnes conditions étaient réunies au bon moment», s’est réjoui Louis-Michel Larocque, propriétaire drummondvillois de la ferme Les Atocas du Québec.

Les conditions ont été idéales à la cultivation de cette baie rouge. Les écarts de température ont été minimes et le froid a tardé à arriver. «La production de canneberge est quelque chose de cyclique. Ça faisait environ deux ans qu’on avait des récoltes d’un moins bon rendement. Les conditions météo ont aussi été favorables. Ce qui est le plus néfaste pour la canneberge, ce sont les épisodes de grêle, mais il n’y en a pas eu durant la dernière saison», a indiqué Monique Thomas, directrice générale de l’Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ).

Un hiver compliqué

Louis-Michel Larocque perçoit déjà des signes qui laissent présager une récolte moins importante en 2023. Il dresse même un parallèle avec les années 2016 et 2017. En effet, les récoltes de 2016 avaient été jugées exceptionnelles à l’époque et, l’année suivante, une baisse notable des quantités avait été observée.

Louis-Michel Larocque, de la ferme Les Atocas du Québec, et son père Charles Larocque, de qui il a repris le flambeau de l’entreprise familiale. (Photo : gracieuseté)

«On voit déjà en comptant les boutons à fruits pour la prochaine saison que ce sera plus faible. C’est normal en agriculture, surtout lorsqu’on travaille avec une plante pérenne comme la canneberge. Lorsqu’elle donne beaucoup de fruits une année, ce sera plus tranquille la suivante. Jusqu’à maintenant, on a un début d’hiver extrêmement compliqué. Nous devons faire une couche de glace au-dessus des champs pour protéger nos plants. Nous avons déjà perdu notre glace deux fois depuis le début de l’hiver», a expliqué M. Larocque, dont la ferme est basée à Lemieux.

En effet, les agriculteurs retirent l’eau des champs une fois la récolte terminée. Lorsque le mercure avoisinne les moins 15 degrés Celsius, une couche d’eau est à nouveau pompée dans les champs pour créer cette glace protectrice. En temps normal, la glace tient le coup durant toute la saison froide. Cependant, avec la fonte complète à deux reprises, les agriculteurs doivent s’assurer que l’eau contient suffisamment d’oxygène pour assurer la survie des plants.

Ralentissement de la culture biologique

Un autre facteur qui a favorisé la grande récolte est la diminution de la proportion des champs biologiques. Ces cultures produisent environ 18 000 livres de canneberges par acre exploité, tandis que l’exploitation conventionnelle atteint les 30 000 livres par acre. Malheureusement, il existe peu de moyens pour combattre les ravageurs de la canneberge de façon biologique.

«Il y a des producteurs qui n’étaient plus capables de cultiver en régie biologique. On n’a pas les ressources nécessaires pour lutter contre nos ravageurs; il n’existe pas de produits. Les rendements de certains cultivateurs se sont retrouvés sous le coût de production. En reprenant la production conventionnelle, les récoltes peuvent être très fortes les premières années», a fait savoir Mme Thomas.

Après avoir atteint un sommet en 2020 avec 39,9 % de la superficie des champs de canneberges québécois, les cultures biologiques occupaient 28,2 % de la superficie en 2022. L’APCQ recense 11 471 acres consacrés à la culture de ce fruit dans la province.

La canneberge étant un fruit cultivé à moins grande échelle, très peu de recherches sont faites afin d’en améliorer les pratiques de production biologique. Ainsi, l’APCQ possède sa propre division de recherches afin de faire avancer les connaissances.

Par ailleurs, de plus en plus de producteurs renouvellent leurs champs avec de nouvelles variétés qui murissent plus rapidement. Ces nouvelles espèces n’étaient pas cultivées dans la province auparavant.

«La canneberge vient d’une plante vivace qui peut vivre plus de 100 ans. Cependant, au bout d’une vingtaine d’années, elle commencera à produire moins de fruits. De plus en plus d’agriculteurs vont faucher leurs plants à ce moment et introduire de nouvelles variétés. Ainsi, en 2022, ça a été la première année lors de laquelle on a commencé à voir des canneberges fraiches en épicerie dès la mi-septembre. La période forte des canneberges a toujours tourné aux environs de l’Action de grâce», a précisé Monique Thomas.

Dans la MRC de Drummond, trois fermes cultivent la canneberge. Au Centre-du-Québec, les MRC d’Arthabaska et de l’Érable sont celles où l’on retrouve le plus de producteurs.

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