Serge Boisvert à la recherche de perles rares

Serge Boisvert à la recherche de perles rares
Serge Boisvert, qu’on aperçoit ici dans les hauteurs du Centre Marcel-Dionne lors d’un match des Voltigeurs, est dépisteur international pour les Canadiens. (Photo : Ghyslain Bergeron)

HOCKEY. Serge Boisvert patrouille les arénas de l’Amérique du Nord et de l’Europe depuis maintenant une douzaine d’années, à la recherche des perles rares qui défendront un jour l’uniforme des Canadiens de Montréal. Le Drummondvillois n’est pas encore prêt à poser sa valise.

Après un séjour de quelques saisons comme entraîneur en Norvège et un passage dans le milieu des affaires, Serge Boisvert s’est joint au département de recrutement des Canadiens il y a une douzaine d’années. D’abord attitré au territoire de l’Est canadien, il agit désormais comme dépisteur à l’échelle internationale. Malgré le nouveau régime à la tête de l’organisation, son rôle demeure le même sous l’administration des directeurs du recrutement Nick Brobov et Martin Lapointe.

«On m’appelle l’homme à la valise, rigole Serge Boisvert en entrevue avec L’Express. Je voyage un peu partout dans le monde. Souvent, c’est avion après avion et pays après pays. En résumé, c’est moi qui donne le feu vert à Nick Brobov et Martin Lapointe. Je leur conseille d’aller voir tel ou tel joueur qu’on a ciblé.»

Nick Bobrov et Serge Boisvert. (Photo : Ghyslain Bergeron)

Dernièrement, Serge Boisvert a d’ailleurs effectué une tournée de 14 jours en Europe. Le détecteur de talent a effectué des arrêts en Suède, en Finlande, en Allemagne et en Slovaquie.

«C’était un voyage intéressant, parce que j’ai vu tous les tops prospects en Europe. C’est une année importante pour le Canadien. C’est parmi ces joueurs qu’on va piger cet été», a expliqué Serge Boisvert en faisant référence au repêchage qui se déroulera au Centre Bell, les 7 et 8 juillet.

Dans l’exercice de ses fonctions, l’ex-attaquant des Canadiens et des Maple Leafs de Toronto se passionne pour cette opportunité de découvrir la fameuse perle rare qui fera vibrer les partisans de l’équipe.

«On fait tellement de projections. On essaie de s’imaginer ce joueur dans deux, trois ou quatre ans. De quoi va-t-il avoir l’air dans le futur? Comment va-t-il se développer? C’est sûr que ce n’est pas une science exacte à 100 %. C’est tout à fait normal de se tromper. Le but pour moi, c’est de trouver celui qui va atteindre la Ligue nationale. Quand ça arrive, je peux alors me dire que j’ai bien fait de miser sur lui. C’est ce qui me donne l’adrénaline nécessaire pour continuer ce travail que j’adore autant.»

Hockey et tennis

Selon Serge Boisvert, la qualité première d’un recruteur demeure son œil. L’homme de hockey utilise son jugement pour forger sa propre opinion d’un joueur.

«Tu es dépisteur avec tes yeux, pas avec tes oreilles! Ce que les gens disent ou ont entendu dire d’un joueur, ce n’est pas important. Ce qui est important, c’est voir le joueur de ses propres yeux», exprime celui dont la famille réside toujours à Drummondville.

Et quelles aptitudes Serge Boisvert recherche-t-il chez un jeune hockeyeur? «Primordialement, c’est son sens du hockey. Pour moi, si un joueur possède cette qualité, il a un très bon départ. J’observe beaucoup son positionnement, sa façon de réagir sous la pression et ses décisions avec la rondelle», détaille celui qui compare le hockey… au tennis.

Serge Boisvert. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«Dans un match de tennis, quand tu n’as pas la balle, tu joues défensif. Mais quand tu as la balle, tu joues offensif. Il faut que tu sois créatif. À mes yeux, le jeu du hockey est pareil. Quand tu n’as pas la rondelle, tu dois te fier au système de jeu, mais quand tu as la rondelle, sois créatif! Il faut que tu saches quand y aller et quand ne pas y aller.»

Ayant connu une longue carrière dans les rangs professionnels, lui qui a évolué en Suisse, en Suède et en Norvège après avoir soulevé la coupe Calder en 1985 et la coupe Stanley en 1986 dans l’organisation des Canadiens, Serge Boisvert utilise son passé de joueur pour mieux évaluer les espoirs internationaux.

«Comme j’ai joué la game, je peux voir plusieurs détails dans leur jeu. Par exemple, je peux voir si un joueur va dans les coins de patinoire ou s’il a une hésitation; s’il fonce ou s’il est frileux. Je remarque aussi s’il voit bien le jeu autour de lui. S’il donne la rondelle à gauche alors qu’il aurait dû la donner à droite, ça m’allume une lumière», laisse-t-il entendre.

Les recruteurs de la Ligue nationale accordent également une grande importance aux entrevues individuelles qu’ils réalisent avec les jeunes espoirs.

«On cherche à connaître le jeune homme derrière l’athlète. Qu’est-ce qui se cache sous son casque de hockey? Surtout dans le marché à Montréal, qui n’est pas évident. Le petit bonhomme doit avoir un caractère fantastique pour jouer dans cette ville. Il doit être fort mentalement. C’est une qualité qu’on recherche beaucoup à l’extérieur de la patinoire», souligne le membre de l’équipe canadienne aux Jeux olympiques de Calgary en 1988.

Au-delà des réponses fournies par les jeunes athlètes, Serge Boisvert s’intéresse aussi à son langage non verbal.

«Ça en dit beaucoup sur le joueur. Souvent, il va se comporter en entrevue de la même façon qu’il joue de la même façon sur la patinoire. Je me rappelle notre entrevue avec Nick Suzuki. Il était très cérébral. Il prenait une pause avant de répondre à chaque question. C’est de cette façon qu’il joue au hockey. C’est un athlète intelligent qui analyse le jeu devant lui.»

Fier de ses choix

Parmi les jeunes loups recrutés par les Canadiens ces dernières années, Serge Boisvert est particulièrement fier de la sélection de Xavier Simoneau. L’ex-capitaine des Voltigeurs de Drummondville a été réclamé en sixième ronde l’an dernier.

«J’étais tellement content de le repêcher! Avec un gars comme Xavier, tu ne peux pas te tromper. Est-ce qu’il va jouer dans la Ligue nationale un jour? Je ne sais pas, mais une chose est certaine : il va tout faire pour y arriver. C’est un p’tit gars avec du caractère. Il a du chien et il se donne toujours à 100 %», énumère Serge Boisvert.

Pour de nombreux observateurs, le gabarit modeste de Simoneau constitue néanmoins un point d’interrogation. Lui-même considéré comme un petit joueur à l’époque où il a percé dans la LNH, Serge Boisvert rejette cette critique du revers de la main.

Xavier Simoneau. (Photo d’archives, Ghyslain Bergeron)

«Je le compare beaucoup à David Desharnais, qui a connu une belle carrière dans la Ligue nationale. Moi, je ne gage plus contre ces gars-là, parce qu’ils vont tout faire pour te faire mentir. Je suis convaincu que Xavier va forcer la note pour atteindre son rêve. La présence de Martin St-Louis derrière le banc se veut aussi un avantage pour lui. C’est un coach qui adore ce type de joueurs.»

Les sélections de Riley Kidney en deuxième ronde et de Joshua Roy au cinquième tour en 2021 font également la fierté de Serge Boisvert. L’ex-capitaine des Castors de Sherbrooke est impressionné par le sens du hockey du joueur de centre du Titan d’Acadie-Bathurst et par l’intelligence de l’ailier gauche du Phoenix de Sherbrooke.

«Ce que Joshua accomplit cette saison, c’est fantastique! Je l’ai tellement suivi pendant son année de repêchage. Je voulais être sûr de savoir quel type de joueur on allait repêcher. Je parlais beaucoup avec son entraîneur privé. Je savais que son éthique de travail n’était pas A+, mais je voyais qu’il y avait quelque chose à bâtir avec lui. Aujourd’hui, on est très fier de son évolution.»

Qu’il survienne en première ou en dernière ronde, chaque choix revêt donc son importance aux yeux du recruteur multi-territorial. «Évidemment, il ne faut pas se tromper dans les premières rondes, mais quand on repêche un joueur comme Jake Evans en septième ronde, c’est un vrai coup de circuit, lance-t-il tout en insistant sur la notion de travail d’équipe. Dans les 12 dernières années, on a fait de bons choix et de moins bons, mais on gagne ensemble et on perd ensemble.»

Aujourd’hui âgé de 62 ans, Serge Boisvert entend continuer à trimbaler sa valise pour analyser le jeu des meilleurs espoirs de la planète pendant encore quelques saisons.

«Je n’appelle pas ça un métier : j’appelle ça une passion! J’adore me retrouver dans les arénas un peu partout dans le monde. Comme ancien joueur de hockey, je ne pourrais pas demander mieux. C’est fantastique», conclut l’ancien numéro 12 du Tricolore.

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