Vaccination obligatoire : une équipe déjà anémique de la DPJ passera de 17 à 5 intervenants

Photo de Cynthia Martel
Par Cynthia Martel
Vaccination obligatoire : une équipe déjà anémique de la DPJ passera de 17 à 5 intervenants
Les services de la protection de la jeunesse de Drummondville sont situés au pavillon Edgar-Laforest, sur le boulevard Lemire. (Photo : Ghyslain Bergeron)

JEUNESSE. Des intervenants de la protection de la jeunesse à Drummondville se sentent hautement préoccupés par les conséquences que pourront subir les adolescents et leur famille après le 15 octobre. Leur équipe, déjà anémique, sera réduite à cinq personnes alors qu’elle en compte normalement 17, et ce, en raison de la vaccination obligatoire pour les travailleurs de la santé. 

«Ça fait des années qu’on joue dans les ratios, mais à ce niveau-là, jamais. Avec le décret, ça va juste créer un bris de service avec autant de dossiers en attente, lesquels sont tous des urgences, on parle de placements en urgence, de crises suicidaires, etc.», déplore une employée, qui a requis l’anonymat par peur de représailles de la part de son employeur.

«Si on se retrouve avec plusieurs jeunes et familles sans suivi pendant des semaines, il va assurément survenir des situations de crise, encore plus d’urgences. Et ces personnes vont se retrouver ailleurs dans le réseau, on va juste déplacer le problème. Et c’est sûr qu’il va y avoir des répercussions sur nos partenaires directs, comme les écoles», se désole une autre intervenante.

Précisément, l’équipe 12-18 ans de la protection de la jeunesse du secteur de Drummondville verra cinq employés quitter le 15 octobre parce qu’ils n’ont pas fourni de preuve vaccinale (données en date du 8 octobre). Cette situation est d’autant plus critique puisque sept personnes salariées sont actuellement en arrêt maladie indéterminé. En tout, ce seront 12 personnes qui seront absentes à l’appel dans une équipe qui en compte 17.

«Au 15 octobre, ces personnes devront gérer 425 dossiers, mais c’est sans compter les 80 en attente actuellement qui continueront à augmenter d’ici là. Et je ne vous parle pas des dossiers existants de suivi qui nous sont acheminés, par exemple celui d’un enfant nouvellement arrivé à Drummondville ou d’un jeune qui a maintenant 12 ans», précise l’une des intervenantes.

Avec autant de dossiers, l’équipe devrait compter au moins deux autres intervenants supplémentaires. Le ministère avait même autorisé deux postes en surcroît tant la charge de travail est importante.

«S’il y avait des gens qui pourraient venir dans notre équipe, ça ferait une différence, mais on a déjà 10 remplacements qui ne sont pas comblés, donc clairement, il n’y a pas de main-d’œuvre disponible, expose l’une des intervenantes. En plus, on est déjà dans une situation où les arrêts de maladie indéterminés se prolongent presque tout le temps pendant des mois».

De par leur expérience, ces employées anticipent déjà que d’autres collègues quittent temporairement le navire après le 15 octobre.

«Normalement, quand on commence à manquer trop de personnel, des gens partent en arrêt de maladie, parce que la pression monte. Donc possiblement que la semaine après le 15 octobre, certains vont aller chez le médecin pour se faire arrêter. La situation va juste venir fragiliser les gens qui restent, car la surcharge de travail sera encore plus énorme».

Malgré tout, les intervenants se serrent les coudes et demeurent soudés entre eux.

«Il n’y a pas vraiment de tension entre collègues, car on respecte le choix de chacun. En réalité, tout le monde veut rester, ce n’est pas parce qu’ils veulent quitter. C’est l’arrêté ministériel qui est en train de créer une division (…) Bref, on va traverser la vague du mieux qu’on peut», affirment-elles.

Des services «sur la corde raide»

L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux de la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec (APTS MCQ) partage évidemment les mêmes préoccupations et se désole de savoir que ses membres ayant fait le choix de se faire vacciner subiront une énorme pression pour maintenir les services à bout de bras.

«C’est impossible que les intervenants qui vont rester puissent répondre à tout ce qui est obligatoire par la loi. C’est extrêmement préoccupant pour les familles et on craint qu’il soit encore plus difficile d’assurer la sécurité des enfants les plus vulnérables de notre société. Ça met nos services sur la corde raide et ça me fait toujours peur de revoir des tragédies comme celles qu’on a déjà vues. On est les soins intensifs, c’est la fin de ligne, on ne peut pas nous fragiliser davantage», s’alarme Manon Hamel, directrice syndicale APTS MCQ représentant les centres jeunesse.

Elle se demande pourquoi le gouvernement n’a pas préconisé les équipements de protection individuelle plutôt que d’imposer le décret.

«Depuis mars 2020, les intervenants apportent leur aide auprès des familles de ces enfants sans causer d’éclosion, et ce, grâce aux moyens de protection individuelle nécessaires. Tout à coup, ces mesures ne seront plus suffisantes le 15 octobre. Est-ce que le risque de contagion justifie vraiment la privation de suivi des enfants qui sont dans une situation précaire?»

Le syndicat s’inquiète également de l’absence de réponses du CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec et du ministère de la Santé et des Services sociaux pour les impacts à prévoir après le 15 octobre.

«Jeudi passé (le 30 septembre), on a interpellé l’employeur, particulièrement pour cette équipe-là. Mercredi matin (le 6 octobre), on l’a relancé et on n’a toujours pas de réponse sur ce qu’il veut mettre en place (…) Ce n’est pas normal que la semaine prochaine on se retrouve en bris de service et qu’aujourd’hui on pose des questions et que l’employeur n’est pas capable de donner aucune réponse. Le gouvernement Legault se vante bien qu’il n’y aura pas de bris de service, mais c’est inévitable. Ça vient scrapper nos services à la population et ça, c’est désolant», laisse tomber Véronique Neth, présidente de l’APTS pour la région.

De son côté, le CIUSSS MCQ fait savoir que le plan de contingence sera divulgué en début de semaine prochaine à l’instar des autres établissements de la province.

«Tous les détails s’y retrouveront, notamment les impacts sur le personnel et la population. Les solutions et nouvelles mesures mises en place seront également indiquées. Par exemple, certains services seront centralisés. Nous sommes encore dans l’élaboration des besoins de tous les services, mais chose certaine, tous les services essentiels qui peuvent avoir un impact irréversible sur la santé et le bien-être des gens seront préservés et les centres jeunesse en font partie», assure Guillaume Cliche, agent d’information au CIUSSS MCQ.

Partager cet article