Prévention du suicide : un témoignage d’espoir

Photo de Marilyne Demers
Par Marilyne Demers
Prévention du suicide : un témoignage d’espoir
Mariko St-Pierre livre un touchant témoignage en lien avec la prévention du suicide. (Photo : Ghyslain Bergeron)

TÉMOIGNAGE. «C’est quand le fil de la vie nous lâche presque dans les mains qu’on se rend vraiment compte de sa valeur et j’ai la personne la plus proche de moi pour en témoigner.»

Le 8 juillet dernier, Mariko St-Pierre a vécu «l’électrochoc» de sa vie. Environ deux semaines après que l’homme avec qui elle partage son quotidien depuis 11 ans ait tenté de mettre fin à ses jours, elle se livre à cœur ouvert. Avec l’accord de son conjoint, la Drummondvilloise prend la parole publiquement afin de lancer un message d’espoir, s’adressant particulièrement aux hommes.

«On ne parlera jamais assez de détresse. On ne parlera jamais assez de prévention. Ce n’est pas un pan de notre vie qui est facile à ouvrir, mais on pense que ça en est un qui est nécessaire. Si ça peut aider une famille, aider une personne à aller chercher de l’aide, ce sera déjà une personne qui va souffrir moins, une famille de moins chamboulée par l’impact que ça a», partage-t-elle, dans une entrevue émotive.

Mariko St-Pierre est éducatrice spécialisée depuis 10 ans. Elle a travaillé en prévention du suicide, notamment. «J’ai connu de multiples personnes qui ont eu des idées suicidaires au fil de ma carrière. Malgré les meilleures intentions du monde, malgré toutes ses années professionnelles, malgré l’amour inconditionnel que j’ai pour l’homme de ma vie, je n’ai pas vu les signes», raconte-t-elle.

«La détresse, ça peut être dans toutes les maisons, et parfois, on ne le saura jamais. On ne peut pas qualifier la souffrance des gens. Mon conjoint est quelqu’un qui est généreux, posé, travaillant, magnifique. C’est aussi un homme qui est excessivement introverti. Un homme qui a vécu plusieurs difficultés qui remontent à très loin, des difficultés qui n’ont jamais vraiment pu être balancées et qui ont parfois refait surface. Des hommes comme lui, des pères comme lui, des frères comme lui, il y en a», poursuit-elle.

Mariko St-Pierre expose cette statistique de l’Institut national de santé publique du Québec datant de 2018 : le taux de suicide des Québécois s’élevait à 19,0 par 100 000 (790 décès) tandis que celui des Québécoises était de 6,3 pour 100 000 (264 décès). «On ne peut pas se le cacher, la détresse des femmes est aussi importante, mais on perd quand même au Québec trois fois plus d’hommes par suicide. Souvent, ils sont renfermés dans de la souffrance, dans une peur du jugement, dans une peur que la façade tombe et que les gens voient qu’il y a une fissure. D’où l’importance d’en parler le plus possible.»

Être à l’écoute de ses émotions, aller chercher le soutien nécessaire. C’est l’invitation qu’elle souhaite lancer. «Ce n’est pas toujours simple et c’est pour ça que c’est si important de rappeler aux personnes souffrantes qu’il y a de l’aide. Si vous ne savez pas où aller, cherchez dans le bottin les ressources à Drummondville. Si vous avez trop de difficulté à aller cogner aux portes, demandez à n’importe qui de le faire. Si vous ne vous sentez pas capable de parler, envoyez un courriel, présentez-vous à l’hôpital ou encore composez le 911 et restez en silence, il y a quelqu’un qui va arriver. Mais faites quelque chose. Il va toujours y avoir une lueur d’espoir qui va arriver. Une personne qui va prendre le flambeau qui va mener à mieux», soutient-elle.

Remerciements 
Reconnaissants envers les premiers répondants qui sont intervenus auprès d’eux le 8 juillet dernier, Mariko St-Pierre et son conjoint ont adressé des remerciements publics, notamment auprès de l’agent Gravel, l’agent Martineau et l’agente Hébert du poste de la MRC de Drummond de la Sûreté du Québec. Leur message a été partagé via différentes pages «spotted».

«Ces trois personnes ont changé le cours de notre vie. Ça aurait pu être trois autres agents cette journée-là, et peut-être que ça n’aurait pas été la même chose. C’est la même chose pour les ambulanciers. Ils ont sauvé la vie de mon conjoint sur les premiers instants. Oui, ils ont fait leur travail, mais ils l’ont fait de manière exceptionnelle. Pour eux, peut-être que c’était la routine, mais pour nous, ce n’était pas le quotidien. Pour nous, c’était l’instant le plus critique de notre vie. C’était le point tournant de la vie de mon conjoint, de ma vie, de la vie de nos enfants, de la vie de sa mère, de la vie de mes parents, de la vie de ses collègues et de la vie de nos amis proches», mentionne-t-elle, faisant également valoir le professionnalisme des intervenants rencontrés à l’hôpital Sainte-Croix, notamment à l’urgence, en observation et aux soins intensifs.

Elle souligne aussi la présence inestimable de ses parents. «Ils font partie des intervenants de première ligne. Le matin du 8 juillet, j’ai eu le réflexe de les appeler en premier, ils habitent à proximité. Encore aujourd’hui, si on ne les avait pas proche de nous, ce serait plus difficile.»

Le nuage sombre qui planait au-dessus de la tête du conjoint de Mariko St-Pierre s’est dissipé. «S’il y a quelque chose que la vie m’a appris, c’est que dans les pires aventures, tu vas trouver du positif. Nous avons la chance, mes enfants et moi, d’avoir papa de retour à la maison. On y va journée par journée, et parfois, d’heure en heure, mais il va bien. On a eu énormément de soutien. Il s’est ouvert d’une manière exceptionnelle à son processus d’aide. Il m’a dit que ça fait du bien de parler. Il est optimiste pour le futur. Je suis fière de lui, tous les jours», affirme-t-elle.

Ici et maintenant
Le Centre d’écoute et de prévention suicide (CEPS) Drummond offre un service d’écoute téléphonique à toute personne ressentant le besoin de parler ou de briser la solitude.

«Les demandes d’accompagnement chez les hommes sont souvent plus rares que chez les femmes, mais les ressources de Drummond sont en concertation dans l’optique de donner le service dont l’homme a besoin ici et maintenant. Quand ils appellent au CEPS, ils sont répondus tout de suite et les hommes, c’est ce dont ils ont besoin. Le CEPS peut venir pallier en attendant une prise en charge du CLSC ou d’un autre organisme parce que c’est 24 heures sur 24, 7 jours du 7», indique Mylène Savard-Ménard, agente de mobilisation et d’intervention au CEPS Drummond.

Si vous vivez de la détresse psychologique, si vous avez des idées suicidaires, si vous avez besoin de soutien ou si vous êtes inquiet pour un proche, contactez le 819-477-8855. Vous pouvez également visiter le cepsd.ca

Partager cet article