Programme d’électrification du transport scolaire : exclus, les deux leaders drummondvillois critiquent le gouvernement

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Par Cynthia Martel
Programme d’électrification du transport scolaire : exclus, les deux leaders drummondvillois critiquent le gouvernement
Michel Daneault, vice-président vente et service – Est du Canada chez Autobus Girardin, Alain Carrier, maire de Drummondville, et Véronique Dubé, vice-présidente opération chez Autobus Thomas. (Photo : Cynthia Martel)

TRANSPORT. Les dirigeants de Girardin Blue Bird et de Autobus Thomas, en compagnie du maire de Drummondville, Alain Carrier, ont dénoncé vivement, mardi, d’avoir été «exclus volontairement» du programme gouvernemental d’électrification du transport scolaire, leur causant ainsi un «préjudice flagrant».

D’emblée, ils soutiennent que ce programme comporte d’importantes iniquités, notamment parce qu’il exige maintenant  l’assemblage au Canada des véhicules scolaires électriques pour l’attribution d’une subvention lors de l’achat. Selon les trois intervenants, en instaurant ce programme, le gouvernement Legault favorise qu’une seule entreprise située dans les Laurentides, à savoir Lion.

«Il y a une très grande iniquité dans ce projet de règlement, a estimé Michel Daneault, vice-président vente et service – Est du Canada chez Autobus Girardin, lors d’une conférence de presse tenue mardi. Ce qui est incompréhensible, c’est que pour accélérer le déploiement des autobus électriques et atteindre les cibles de réduction de GES, le gouvernement a décidé d’exclure volontairement trois concessionnaires qui détiennent 99 % du marché des autobus scolaires au Québec. Il élimine donc d’un seul coup la libre-concurrence dans le transport au Québec – dans le jargon québécois, on appelle ça du monopole de l’État. Et d’un seul coup, le concessionnaire de Saint-Jérôme (Lion), qui détient actuellement 1 % des parts de marché, se voit attribuer sur un plateau d’argent 80 % du marché, et ce, sans effort».

Autobus Thomas y voit un obstacle majeur et injustifié à son modèle d’affaire. La société mère, Daimler Group, a d’ailleurs confirmé en février 2020 sa volonté d’investir en recherche et développement au Québec en s’alliant à Hydro-Québec afin d’accélérer l’innovation des batteries pour véhicules électriques à électrolyte solide.

«Le critère d’assemblage au Québec exclus injustement nos produits et amène l’industrie vers un quasi-monopole. Le message du gouvernement est contradictoire puisqu’il demande aux entreprises de venir investir ici pour la recherche et l’innovation des batteries, mais sans accepter leurs produits», dénonce Véronique Dubé, vice-présidente opération chez Autobus Thomas.

«Pour les automobiles électriques, l’acheteur est éligible à une subvention même si son véhicule a été fabriqué à l’extérieur du Canada. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les autobus électriques?» se questionne Alain Carrier, maire de Drummondville.

À ses dires, cette mesure aura des effets dévastateurs pour ces deux leaders québécois. Ce dernier doute aussi que cette aide financière à portée limitée permette d’atteindre l’objectif visé en matière de réduction de GES.

«C’est déshabiller Pierre pour habiller Paul! Le gouvernement dépensera plus que nécessaire afin de favoriser l’électrification du transport scolaire s’il ne permet pas à tous les fabricants et distributeurs de bénéficier du programme de subvention. À défaut, ce sont des centaines d’emplois au Québec qui seront mis en péril, tant chez les distributeurs que chez les concessionnaires», a soulevé le maire Alain Carrier, qui a personnellement pris soin de sensibiliser les députés locaux à ces enjeux, tout comme le premier ministre du Québec et le ministre des Transports. C’est toutefois silence radio depuis.

L’autre enjeu majeur pour ces entreprises se retrouve dans le Projet de règlement modifiant le Règlement sur les véhicules routiers affectés au transport des élèves qui interdira la vente de véhicules à combustion dès le mois d’août 2021. D’ailleurs, à cet effet, les deux entreprises drummondvilloises n’ont pas été consultées par le gouvernement du Québec.

«Pour donner un parallèle, l’industrie automobile a 15 ans pour faire la transition vers le 100 % électrique et nous, 60 jours. Pourquoi cette urgence?» s’interroge le vice-président de Girardin qui compte plus de 600 employés.

Inventaire en péril

D’autres inconvénients majeurs sont également à prévoir pour les distributeurs d’autobus et les transporteurs scolaires. Cette industrie saisonnière s’appuie sur la capacité de production des fabricants et du volume de livraison des concessionnaires. Les transporteurs scolaires sont donc déjà liés par des ententes contractuelles et des engagements financiers, de l’ordre de dizaines de millions de dollars avec leurs concessionnaires drummondvillois, signés depuis l’automne 2020 pour l’acquisition d’autobus scolaires à livrer tout au long de l’année 2021. De nombreux autres distributeurs se retrouvent coincés dans la même situation. Bref, si aucun changement n’est apporté au Règlement, tout cet inventaire aura été constitué vainement, ce qui représente des pertes financières potentielles considérables allant jusqu’à 45 M$ pour Autobus Girardin et Autobus Thomas.

Délai supplémentaire réclamé

Pour faire face à la réalité du marché, les deux concessionnaires drummondvillois implorent le gouvernement de repousser la date d’entrée en vigueur du Règlement au 31 octobre 2021 ou à une date ultérieure. De cette façon, les distributeurs seront assurés de disposer des autobus, minibus ou des stocks nécessaires pour débuter l’année scolaire 2021, permettant ainsi aux transporteurs de respecter leurs obligations contractuelles et d’assurer un service de transport scolaire de qualité et sécuritaire.

«Les critères actuels du Programme d’électrification du transport scolaire viennent réduire, pour ne pas dire éliminer, le nombre d’opportunités de vente de véhicules électriques pour Autobus Thomas, une entreprise familiale fondée au Québec en 1980. Dans sa forme proposée, le Programme aurait des impacts négatifs, catastrophiques sur Autobus Thomas, une entreprise qui emploie plus d’une cinquantaine de personnes, ainsi que sur le tissu économique de Drummondville. Nous souhaitons que le gouvernement du Québec révise ses critères afin de permettre une saine concurrence», a réagi Mme Dubé.

«À titre d’exemple, la subvention est de 150 000 $ sur une valeur de véhicule de 325 000 $. Sans subvention, il n’y a pas de déploiement», a renchéri M. Daneault, se désolant du peu d’écoute de la part du gouvernement.

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