CULTURE. Victime d’agressions sexuelles, Audrey Guertin a repris le contrôle de sa vie en passant à l’action. Empoignant palettes et pinceaux, l’artiste peintre a extériorisé sa souffrance en créant cinq toiles, relatant les étapes de son processus de guérison.
«Je me suis fait agresser sexuellement par cinq personnes différentes au courant de ma vie. Une fois à quatre ans, 11 ans, 14 ans, 17 ans et 21 ans, autant par un inconnu, un membre de ma famille ou un ami», raconte-t-elle, d’un ton posé.
À la suite de ces traumatismes, la jeune femme a sombré dans la dépression. «J’ai essayé de faire une tentative de suicide. Après, j’ai demandé un arrêt de travail pour un an. Ça m’a permis de faire ma thérapie et d’en parler parce que j’en avais beaucoup sur les épaules», indique celle qui travaille en éducation spécialisée.
Pendant sa thérapie, Audrey Guertin a décidé de renouer avec sa passion pour la peinture. «Quand on vit un traumatisme, c’est difficile à dire. À une certaine période de ma vie, je n’avais pas les mots. J’avais tellement de souffrance dans ma tête. J’avais besoin de la sortir et de l’exprimer.»
Si l’artiste a réalisé cinq toiles, la première a été la plus difficile à compléter. «J’ai commencé la toile Victime il y a deux ans et demi. C’est moi qui suis couchée et il y a des mains qui me touchent. Je devais placer les mains sur le corps de la femme. En peignant cette action, je reconnaissais que je m’étais fait agresser. C’est extrêmement difficile à accepter à l’intérieur de soi.»
Audrey Guertin a cheminé à travers la réalisation de cette œuvre. «J’y allais étape par étape. La toile était cachée dans ma chambre avec un drap. Parfois, je pouvais ne pas travailler dessus pendant des mois. Plus j’avançais dans ma thérapie, plus j’étais capable de la regarder», témoigne la jeune femme de 25 ans.
Maintenant, cette dernière se sent libérée. «J’ai été une victime, mais ça ne fait plus partie de mon présent. La femme que je suis n’est plus celle qui est passive. J’ai décidé de reprendre le contrôle de la situation», exprime-t-elle, avec assurance.
Tendre la main à son prochain
Selon l’artiste peintre, il est important de briser les tabous reliés aux agressions sexuelles. Afin de partager son message, cette dernière a fait le choix de présenter le fruit de son travail dans le cadre d’une exposition à la Galerie mp tresart.
«J’ai réalisé que personne n’ose parler de ce sujet. Pourtant, c’est en parlant que j’ai commencé à mieux aller. Je voulais que mon exposition soit vue par le grand public. Je voulais que ça soit connu et entendu pour permettre un climat d’acceptation.»
«Avant, je me sentais mal et inconfortable de parler de mes agressions. Ce n’est pas normal. Je me sentais coupable de parler d’une situation dans laquelle j’ai souffert», souligne-t-elle.
Audrey Guertin espère pouvoir venir en aide à d’autres femmes qui ont vécu des situations semblables. «Voici le message que je veux passer: ce que tu as vécu, tu es victime là-dedans. Tu as raison de te sentir comme ça. Maintenant, parles-en et aide-toi à guérir parce que tu le mérites.»
Rompre le silence
Parallèlement, la jeune femme est en train de rédiger un roman pour raconter son parcours jusqu’à la guérison. «Mon livre a été le troisième outil pour m’en sortir parce que je prenais le temps après chaque thérapie d’écrire. Dans mon téléphone, j’avais beaucoup de notes. J’ai tout mis. J’ai passé des années de silence et après c’était le déluge.»
Audrey Guertin se laisse le temps d’écrire à son rythme pour ne pas forcer ses propos. «Je dénonce la culture du viol, la culture du silence et les préjugés autour des agressions sexuelles. Je parle aussi d’éducation sexuelle et de quelle manière ça aurait fait une différence dans ma vie.»
Pour les intéressés, les œuvres d’Audrey Guertin sont aussi disponibles via le site web de la galerie d’art.
