PUBLICATION. Des Drummondvillois ont été étonnés de recevoir au cours des derniers jours une publication inhabituelle dans leur boîte aux lettres, The Epoch Times. Présentée comme étant un «média qui met en lumière la véritable nature du Parti communiste chinois», elle a tôt fait de faire réagir le citoyen Jean Delisle, qui a fait parvenir une missive au député Martin Champoux.
«La Charte canadienne des droits et libertés protège la libre pensée et l’expression des individus. Toutefois, les quatre années de trumpisme que nous venons de subir ont fait en sorte que cette liberté a été mise à rude épreuve et a permis de faire circuler ce qui s’assimile dangereusement à de la propagande, voire de la littérature haineuse. Je classe un exemplaire du journal Epoch Times que j’ai reçu dans cette catégorie, écrit M. Delisle.
Il poursuit : «Si les responsables de ce pamphlet avaient distribué eux-mêmes leur méfait, j’aurais au moins su à qui m’adresser pour ne plus me sentir agressé de la sorte. Mais j’ai reçu cette chose dans ma boîte aux lettres, livrée avec la gracieuseté de la Société canadienne des postes. Comment se fait-il que mes taxes et impôts permettent de faire en sorte qu’un tel torchon puisse circuler ainsi? Puisqu’il ne semble exister aucun moyen de se prémunir contre le trumpisme, est-ce qu’on doit vraiment subir de façon passive cette invasion avec la complicité d’un organisme fédéral et recevoir ce genre de chose dans nos foyers?»
Joint cet après-midi, Martin Champoux, député de Drummond à la Chambre des communes, considère préoccupante lui aussi la distribution de ce journal, qui prétend «fournir des reportages véridiques et libres de toute influence de la part du gouvernement, d’entreprise ou de parti politique».
«Il s’agit d’une publication qui est reconnue pour véhiculer de fausses informations. Elle propage des idées très complotistes. C’est un journal qui a toujours été en faveur de Donald Trump, ce qui vient avec son lot de farfelus. Ça vient juste mettre de l’huile sur le feu à un moment où la braise n’est pas encore éteinte. Dans ce sens-là, je trouve préoccupant que ça soit en libre circulation et que personne n’ait son mot à dire. Les gens ont le droit de penser ce qu’ils veulent dans la vie, mais encore faut-il que ça soit fait à partir de faits. J’ose espérer que les gens ont sacré ça aux vidanges», indique M. Champoux, qui agit aussi à titre de vice-président du comité du Patrimoine.
Tout en se questionnant sur les actions que le gouvernement pourrait poser pour éliminer ce type de propagande, le député de Drummond entend mettre à son agenda une rencontre avec Steven Guilbeault, le ministre canadien du Patrimoine pour en discuter.
«Je vais avoir une conversation avec le ministre. On a ces temps-ci des discussions sur les contenus haineux et les fausses nouvelles qui se promènent sur Internet. Il s’agit cette fois-ci d’un journal imprimé qui est distribué de façon assez vaste. C’est préoccupant et il faut dénoncer cela», dit-il.
Martin Champoux soutient qu’il connaissait déjà cette publication, puisqu’il avait reçu une copie écrite dans la langue de Shakespeare il y a quelques mois déjà.
«Là, on se met à recevoir ça en version française, chez nous, au Québec, distribué dans les maisons. On arrive à un autre niveau», estime-t-il.
Postes Canada
Dans sa missive, le citoyen Jean Delisle déplore également que Postes Canada ait consenti à distribuer ce journal. À cela, M. Champoux informe que la société indépendante n’a pas nécessairement de droit de regard sur les contenus qu’il distribue, que ce soit des circulaires ou des publicités, puisqu’il s’agit d’un service payant.
«Je pense qu’on pourrait cependant apporter une certaine évolution. Postes Canada doit-elle absolument accepter de distribuer n’importe quoi, particulièrement lorsqu’il s’agit de contenu qui va à l’encontre des valeurs? La question mérite d’être posée», estime-t-il.
L’émission Les Décrypteurs, qui traque les fausses informations et qui est présentée à Radio-Canada, s’est penchée il y a quelques semaines sur ce journal. Dans le cadre d’un reportage, le journaliste Alexis de Lancer a expliqué qu’il a été fondé en 2000 par des Américains d’origine chinoise issu d’un courant spirituel banni et persécuté en Chine depuis 1999.
«Tous les articles ont pour cible le pouvoir central à Pékin, explique-t-il. Il y a des contenus fiables, mais ils côtoient des demi-vérités et des inexactitudes.»
Pour le député de Drummond, même s’il a à cœur la libre expression, les choses sont on ne peut plus claires.
«C’est bon pour mettre dans la litière pour les chats», termine-t-il.