CORONAVIRUS. Actuellement jugées essentielles pour les suivis postnataux, les accompagnantes à la naissance souhaitent réclamer au gouvernement leur présence en centre hospitalier tout en faisant valoir leur pertinence.
Chaque accompagnante (doula) est libre de demander auprès du gouvernement une accréditation pour service prioritaire en postnatal à domicile. Une requête qui est généralement rapidement acceptée. Si cette autorisation peut être sécurisante pour les nouvelles mamans, elle présente néanmoins des incohérences.
«C’est un peu absurde que le service postnatal soit jugé prioritaire, mais que la préparation et la présence à l’accouchement ne le soient pas. Le postnatal est totalement en corrélation avec la grossesse et l’accouchement. Si tout s’est bien déroulé durant la grossesse et à l’accouchement, l’après ira fort possiblement bien aussi», fait valoir Annick Bourbonnais, présidente de l’Association québécoise des accompagnantes à la naissance.
La notion de service essentiel est floue et les accompagnantes ne savent pas trop sur quel pied danser.
«Il y a plusieurs choses qui laissent à interprétation. D’abord, il est permis dans certains hôpitaux d’assister la maman virtuellement alors que dans d’autres, c’est refuser. Je vois des consultantes en lactation qui vont à domicile, d’autres le font en ligne. Ça vient difficile de s’y retrouver. Si nous, nous avons des questions, imaginez les parents», affirme Kate Petitclerc, accompagnante à la naissance et propriétaire de Concevoir : services périnatals de Drummondville, indiquant que les accouchements à domicile sont suspendus aussi.
Plus d’avantages
Les deux femmes espéraient qu’avec le déconfinement progressif, leur tour viendrait, pourtant rien ne le laisse présager.
«En principe, à partir du moment où que l’on déconfine progressivement, on devrait réintégrer les doulas! Elles ne sont pas là pour regarder le show, elles sont là pour alléger l’expérience des parents, faciliter l’accouchement, faire en sorte que tout le monde soit dans un meilleur état physique, mental et émotionnel. En plus, notre présence décharge le personnel, un plus dans un contexte criant de pénurie de main-d’oeuvre. Quels sont les bénéfices d’être exclues? Il y a tellement d’avantages d’être présentes. Et les doulas à temps plein font un maximum de quatre accouchements par mois et présentement, c’est beaucoup moins, donc le risque de transmission est faible», estime Mme Bourbonnais, tout en étant consciente que la peur et la méconnaissance autour du virus peuvent expliquer en partie ce refus.
«Plusieurs accompagnantes ont été infirmières dans le passé. Dans mon cas, j’ai travaillé en biotechnologie pendant dix ans. La majorité ont un bagage incroyable, notamment en hygiène et salubrité et en asepsie. Nous sommes capables d’élaborer des protocoles d’hygiène avec le personnel en place et de suivre les mêmes consignes demandées au partenaire. Et à Drummondville, le Centre famille-enfant est presque détaché de l’hôpital, donc les risques de contamination sont faibles. On pourrait nous laisser entrer», renchérit Mme Petitclerc.
En ces temps de pandémie, le stress et l’insécurité des mamans se décuplent et le fait d’être privées de leur accompagnante n’aide en rien.
«Le choix n’appartient plus aux parents. C’est une problématique qui était là avant, mais qui est beaucoup plus évidente en ce moment. Une doula, ça représente pour plusieurs une figure d’attachement significative», souligne Mme Bourbonnais
«Est-ce qu’on peut calquer la réalité des proches aidants à la nôtre?» suggère Kate Petitclerc.
Au cours des prochaines semaines, un comité formé au sein de l’Association québécoise des accompagnantes à la naissance entend réclamer au gouvernement la réintégration des doulas en centre hospitalier.
Du positif
Malgré cette situation, la pandémie a fait en sorte de faire découvrir la profession d’accompagnante à la naissance à un plus grand nombre de gens en plus de mettre en lumière le travail de ces professionnelles qui mènent des efforts soutenus depuis des années pour se faire reconnaître.
«Le contexte fait en sorte qu’on a pris un certain recul par rapport à notre travail et tout ce qu’on peut apporter en complémentarité. Il y a même des médecins qui se sont positionnés clairement pour dire qu’on devrait revenir», indique Annick Bourbonnais.
«Je sens qu’il y a davantage d’ouverture du côté du personnel soignant à Drummondville. Il y a une volonté des médecins de s’asseoir et jaser. Un samedi, deux d’entre eux m’ont écrit», fait savoir Kate Petitclerc avec un large sourire.
Offrant des cours et du soutien en ligne depuis plusieurs semaines, cette dernière est également ravie de voir que certains parents la découvrent et fait appel à elle.
«Plus rien n’est offert via le CLSC depuis le début de la crise, donc les parents se rivent le nez sur une porte fermée. C’est en faisant des recherches ou en parlant à des proches qu’ils m’ont découverte».
Soulignons en terminant que jusqu’à dimanche se tient la Semaine mondiale de l’accouchement respecté.